Saint Thomas naquit en 1225 des Contes d’Aquino dans le château de Roccasecca, proche du Mont Cassin. Selon la coutume de l’époque, à cinq ans il fut envoyé pour ses études à l’abbaye du Mont Cassin ; mais à environ quatorze ans, il fut obligé de la quitter, parce qu’en 1239, cette abbaye subit l’occupation militaire de l’empereur Frédéric II. L’Abbé conseilla aux parents de lui faire continuer ses études à Naples. Là, il eut l’opportunité de connaître certains écrits d’Aristote, mais surtout il connut les frères dominicains et se sentit attiré par eux. Malgré l’opposition de la famille, finalement il put entrer dans l’Ordre Dominicain. Il fut envoyé pour les études à Cologne où il eut comme maître Saint Albert le Grand, qui, après l’ordination, le proposa comme enseignant à l’université de Paris. Saint Raymond de Penafort, déjà Général de l’Ordre Dominicain, lui demanda d’écrire un traité théologique pour aider les missionnaires qui avaient besoin d’une préparation philosophique adéquate pour donner une base rationnelle à l’exposition de la doctrine chrétienne et réfuter les objections qui étaient présentées contre la foi par les penseurs arabes et juifs : c’est ainsi qu’il écrit la « Summa contra Gentiles », vraie apologie des vérités chrétiennes contre les erreurs de tous les temps ; pleine de respect et d’amour envers les errants, mais ferme et implacable contre les erreurs. En 1259, il fut rappelé en Italie où il continua à prêcher et à enseigner, d’abord à Naples, puis à Anagni où se trouvait la Curie Pontificale (1259-1261), puis à Orvieto (1261-1265), où le pape Urbain IV avait fixé sa résidence. A Orvieto, il eut du pape la charge d’écrire la liturgie et les hymnes de la Fête-Dieu, instituée le 8 septembre 1264, suite au miracle eucharistique qui eut lieu à Bolsena en 1263. Parmi les hymnes composés par Saint Thomas d’Aquin, dans lesquels le grand théologien fait transparaître admirablement tout son esprit poétique et mystique, se trouve le fameux « Pange, lingua, gloriosi Corporis mysterium », dont deux strophes commençant par « Tantum ergo », se chantent depuis lors chaque fois que se donne la bénédiction avec le Très Saint Sacrement. En 1265 il fut transféré à Rome, à la direction du « Studium generale » de l’Ordre Dominicain qui avait son siège au couvent de Sainte Sabine : il eut la charge d’organiser les cours de théologie pour les étudiants de la Province Romaine des Dominicains. Il se rendit compte que les élèves n’étaient pas tous préparés pour un cours de théologie d’un certain niveau : pour ce motif, il commença à écrire pour eux une « Summa theologiae », pour « présenter les choses qui regardent la religion chrétienne, d’une manière qui soit adaptée à l’instruction des débutants ». Ce sera la grande œuvre théologique, qui lui donnera un grand renom dans les siècles successifs. A début de l’année 1269 il fut de nouveau rappelé à Paris : il dut réfuter par de célèbres écrits les adversaires des Ordres mendiants d’une part, et de l’autre défendre la philosophie d’Aristote. Il réfuta certaines erreurs doctrinales de l’Averroïsme sur l’origine du monde, sur l’âme humaine et sur le libre arbitre.
En 1272, il retourna en Italie, à Naples, où il organisa, sur demande de Charles I d’Anjou, un nouveau « Studium generale » de l’Ordre Dominicain, enseignant pendant deux ans au couvent de Saint Dominique, dont l’étude théologique était incorporée à l’Université.
Une nuit, alors qu’il était en prière devant le Crucifix (aujourd’hui vénéré dans la chapelle du même nom, dans la Basilique de Saint Dominique Majeure à Naples), il s’entendit dire « Thomas, tu as bien écrit sur moi. Quelle récompense veux-tu ? » et il répondit : « Rien d’autre que Vous, Seigneur ». Les nombreuses visions ont inspiré aux peintres de le représenter avec une lumière rayonnante sur la poitrine ou sur l’épaule. Etant tombé malade, deux religieux virent une grande étoile entrer par la fenêtre et se poser durant un instant sur la tête du malade et puis disparaître de nouveau, comme elle était venue. En 1274, de la France, Grégoire X, ignorant ses conditions de santé, l’envoya participer au Concile de Lyon, réuni pour promouvoir l’union entre Rome et les orientaux. Parti en janvier, il tomba malade en voyage et s’arrêta à l’abbaye cistercienne de Fossanova. Proche de sa fin, il voulut recevoir les derniers sacrements, fit sa confession générale, et quand la communion lui fut apportée, entouré des moines et des amis des environs, Thomas prononça ces paroles : « Je Vous reçois, prix de la rédemption de mon âme, je Vous reçois, viatique de mon pèlerinage. Pour Votre amour j’ai étudié, veillé, souffert. Vous êtes l’objet de ma prédication, de mon enseignement. Je n’ai jamais rien dit contre Vous. Si je n’ai pas bien enseigné sur ce sacrement, je le soumets au jugement de la Sainte Eglise romaine, dans l’obéissance de laquelle je quitte cette vie ». A l’aube du 7 mars 1274, le grand théologien mourut, à seulement 49 ans ; il avait écrit plus de 40 volumes.
En 1278, l’Ordre Dominicain déclara le « Thomisme » doctrine officielle de l’Ordre. Le Pape Jean XXII le canonisa à Avignon le 18 juillet 1323 : à ceux qui lui objectait que Thomas n’avait pas accompli de grands prodiges ni durant sa vie, ni après sa mort, le pape répondit par une phrase restée célèbre : « Autant de propositions théologiques il écrivit, autant de miracles il accomplît ». Il fut proclamé Docteur de l’Eglise par Saint Pie V, en 1567 ; et patron des écoles et universités catholiques par Léon XIII, le 4 août 1880.
Episodes de sa vie
Averroès, philosophe musulman, affirmait qu’il existe un seul intellect pour tous les hommes, et disait que cela était la doctrine d’Aristote, duquel il se déclarait disciple. Cette erreur faisait des dommages aussi chez les chrétiens : s’il y a un seul intellect pour tous, alors il n’y a plus aucune différence entre les hommes, ni diversité de mérites. Il y avait le risque que les hommes ne s’efforcent plus de mener une vie droite. A Paris, un soldat était sur le point de mourir. Il lui fut demandé s’il voulait obtenir le pardon de ses péchés, et il répondit : « Si l’âme de Pierre est sauvée, je me sauverai aussi : car si nous connaissons tous avec le même intellect, nous finirons tous de la même manière ». Vu que cette erreur s’étendait grâce aussi à des sophismes, Saint Thomas composa une œuvre dans laquelle, en plus des raisons de foi, il montra comment cette doctrine était contraire à la raison, reprenant les paroles mêmes d’Aristote, qu’Averroès avait mal comprises. Chacun de nous a une âme unie au corps. Si l’intellect était un seul pour tous les hommes, on ne pourrait pas expliquer comment « cet homme » (hic homo), comprendrait, et tous coïncideraient dans l’identique acte de comprendre. L’erreur fut éradiquée.
Siger de Brabant, proche de certaines positions d’Averroès, affirma que la foi et la raison pourraient répondre d’une manière non seulement différente, mais opposée, à la même question ; de plus, on devait regarder comme bonnes les deux réponses. En pratique, on séparait de manière schizophrènique l’intelligence humaine, erreur qui sera reprise par Luther. Pour Saint Thomas, au contraire, la foi et la raison, si elles sont droitement comprises, ne peuvent jamais être en contraste entre elles, puisqu’elles proviennent toutes deux de Dieu ; « Toute vérité, qu’elle soit affirmée par quelque personne que ce soit, provient du Saint Esprit », Dieu étant l’unique source de la vérité, qu’elle soit naturelle ou révélée. L’homme connaît le monde à travers la recherche philosophique, fondée sur la raison. La raison par elle-même peut parvenir à la certitude (ce qui sera nié par Kant). La foi ne se substitue pas à la raison mais élève cette dernière à la perfection. La raison, en outre, peut servir utilement à la Foi de trois manières : en démontrant les « préambules de la foi », en expliquant et en rendant accessibles les vérités de la Foi, en défendant la Foi contre les critiques et les objections. Les vérités de Foi, provenant directement de Dieu, ont un degré de certitude supérieur aux vérités de raison. « Une petite vieille aujourd’hui sait plus dans le domaine de la foi, que tous les philosophes anciens. La Foi est beaucoup plus puissante que la philosophie, et donc, la philosophie ne doit pas être acceptée si elle est en contradiction avec la Foi. »