Éditorial calendrier 2019

“Catholiques,
Dimanche 30 novembre 1969 est un jour de deuil pour tout catholique fidèle aux traditions qui ont fait la grandeur et la gloire de l’Église, en lui donnant des splendeurs de trésors spirituels et de culture qui restent, en dépit du temps et des hommes, des monuments immortels. Presque comme épilogue d’une série de bouleversements certainement nocifs, maintenant on touche, on change et on altère la pureté cristalline de la Sainte Messe (…).
Catholiques, sachez maintenir intègre votre Foi et la Doctrine transmise par les Pères, unique garantie dans l’heure présente si incertaine, crépusculaire et équivoque, en fréquentant seulement des prêtres doctrinalement sûrs et en assistant exclusivement à des Saintes Messes célébrées selon l’antique Missel de saint Pie V”.
Ainsi commençait et se terminait un tract, que j’ai sous les yeux, diffusé à Rome il y a cinquante ans – à l’occasion de l’introduction du nouveau missel œcuménique – par un groupe de catholiques qui – non sans humour – signait sous le nom de Gaudium et spes.
Quelques jours avant cette date fatale, le 1er octobre, le Père Guérard des Lauriers, dominicain alors enseignant à l’Université Pontificale du Latran, écrivait à Dom Gérard, en faisant allusion au “Bref Examen critique du Novus Ordo Missæ” : “La ‘nouvelle messe’ – qui n’est plus la Messe – reste pour moi – et pour d’autres – un violent scandale. Nous allons agir, en conduisant à terme l’action déjà commencée depuis six mois. Humainement, je la crois inutile, mais je le fais à la fois par devoir et par amour. On ne peut pas ne pas tout mettre en œuvre pour empêcher un mal si grand (…) Le reniement du sacrifice doit nous mettre en état de sacrifice”.
Luther et Calvin avaient réussi à supprimer le Sacrifice de la Messe et à détruire les autels dans une grande partie de la chrétienté. À Gorcum, en Hollande, dix-neuf religieux catholiques furent pendus par les calvinistes dans la grange d’un monastère détruit parce qu’ils refusaient de renier la foi catholique dans le primat du Pape, dans la Présence réelle du Christ dans l’Eucharistie et dans le Sacrifice de la Messe ; pour l’un d’eux, pourtant très âgé et mal en point à faire pitié, les bourreaux dirent qu’il avait encore assez de tête pour dire la Messe, et cela suffit pour qu’il subît le sort des autres. Mais la Messe qui ne fut plus célébrée dans plusieurs régions de l’Europe, fut encore offerte, et avec tant d’amour, dans beaucoup d’autres, et jusque dans les terres lointaines du Nouveau Monde : en tout lieu on offre à mon nom une oblation pure (cf. Malachie 1, 11).
Les modernistes ont réussi à faire ce que n’ont pas réussi les protestants – leurs pères dans l’hérésie – en éteignant la Foi, le Sacrifice, le Sacerdoce, et la divine Présence eucharistique presque partout ; et 50 ans après l’imposition de la ‘nouvelle messe’, rite programmatiquement œcuménique, on en voit les effets dans de nombreuses églises vides et désolées, mises en vente ou détruites.
Mais Dieu ne nous a pas abandonnés. Qui n’a pas vécu cette époque, ne se rend peut-être pas compte de ce que fut, et de ce que doit être encore, l’amour de tant de catholiques pour la Messe précisément au moment où ils en étaient privés. La réaction spontanée au ‘nouveau missel’ jaillit dans le monde entier, phénomène vraiment catholique, c’est-à-dire universel ; notre calendrier privilégie nombre de ceux qui défendirent la Messe Romaine en Italie et en France, mais partout se levèrent des prêtres et des fidèles prêts à n’importe quel sacrifice pour que la Messe puisse continuer. N’oublions pas ces prêtres qui furent disposés à renoncer à leur paroisse, ces familles qui chaque dimanche parcouraient des centaines et des centaines de kilomètres pour avoir la Messe, ceux qui chaque dimanche devaient transformer un local profane en une église pour permettre la célébration de la Messe, et ensuite tout remettre comme avant, parfois sans savoir le samedi s’il y aurait un prêtre le lendemain, ceux qui ouvraient leur maison aux prêtres et aux fidèles pour la célébration du Sacrifice. Aujourd’hui parfois il en est encore ainsi, pour qui ne veut – parce qu’il ne peut – nommer au canon de la Messe le nom de celui qui occupe le Siège de Pierre sans en être le véritable Successeur. Mais après 50 ans, nous pouvons dire que non, le démon n’a pas non plus réussi cette fois encore à faire complètement cesser ce qu’il craint le plus : la célébration du Sacrifice de la Messe, renouvellement non sanglant de celui du Calvaire.
Aujourd’hui comme alors, et jour après jour, nous devons être en ‘état de sacrifice’, unis au Sacrifice du Christ : pour que soit offert à Dieu cet acte suprême d’adoration qui Lui est dû, et pour que les trop nombreux péchés des hommes soient expiés, et que Dieu nous soit à nouveau propice, et qu’Il exauce nos prières. L’hommage du calendrier de Sodalitium va à tous ces prêtres et à tous ces fidèles, ceux dont nous avons rappelé le souvenir et ceux que nous avons oubliés, qui, il y a 50 ans, se battirent pour la Messe Romaine : à nous, maintenant, de continuer et d’achever leur combat, sans jamais nous fatiguer.