Un œcuméniste dans les Balkans (1925-1939)
(Extrait de la revue Sodalitium n. 25 de juin-juillet 1991 pp. 9 sqq.)
Par M. l’Abbé Francesco Ricossa
Les Cardinaux qui suivaient la ligne de conduite de St. Pie X et qui au conclave avaient attribué 17 suffrages à Merry del Val ( d’autres avaient sans doute voté pour le pieux et très digne Cardinal La Fontaine, qui en obtint 23 ) eurent vite fait de comprendre que le Cardinal Gasparri était l’ennemi à battre (5). Lorsqu’ils se rendirent compte que personne n’obtiendrait les 36 votes nécessaires pour l’élection, les Cardinaux De Lai et Merry del Val auraient opté pour le Cardinal Ratti à condition qu’il ne confirme pas Gasparri ( lui-même candidat des “progressistes” avec 24 suffrages ) dans ses fonctions de Secrétaire d’État (6). Le futur Pie XI, selon ce qu’il rapporta lui-même à Gasparri, non seulement n’accepta pas, mais déclara qu’il avait justement l’intention de le confirmer dans la charge. Le Cardinal De Lai n’eut plus qu’à espérer qu’une intervention de la Providence remédiât « au choix désastreux du Pontife ( Pie XI ) en rappelant à Elle le désigné ( Gasparri ) » (7).
Dans ses mémoires Gasparri avait noté : « Les choses se sont passées quelque peu différemment, car le Saint Père prit le Cardinal Gasparri comme son Secrétaire d’État, alors que la Divine Providence rappelait à Elle non pas le Secrétaire, mais le Cardinal prophète ( De Lai ) et, peu après, le Cardinal Merry del Val, son associé » (7*). Spadolini commente ainsi la chose : « Il y a ici toute la satisfaction de Gasparri pour avoir inséré dans le mémento (des morts) les deux rivaux, pour les avoir, pratiquement, enterrés en même temps » (7**).
Le lecteur ne doit pas penser que nous nous égarons en racontant les rivalités peu édifiantes des Cardinaux : il s’agissait ni plus ni moins d’arrêter ou non l’infiltration de l’ennemi dans l’Église, comme ne le démontre que trop bien ce qui va suivre (8).
Pourtant, Roncalli n’était pas encore un protagoniste sur la scène de l’histoire, mais une simple comparse : il suivait les événements plutôt qu’il ne les créait. Dans cette ambiance pratiquement inchangée, où Gasparri succédait à Gasparri, il partageait son temps entre la Propagation de la Foi et le Latran lorsque, à l’improviste…
Une nomination imprévue
« Le 3 mars 1925, à l’improviste, arrive la nomination à l’Archevêché titulaire d’Æropolis, avec la fonction de Visiteur Apostolique en Bulgarie. Le 19 mars, en l’église de St. Charles au Corso, Roncalli fut sacré par le Cardinal Tacci, secrétaire de la Congrégation pour l’Église Orientale, de laquelle dépendait le peu de catholiques se trouvant en Bulgarie » (9).
Le Cardinal Gasparri lui en avait déjà parlé le 17 février, en précisant que l’idée venait du même Cardinal Tacci, que Pie XI l’approuvait chaleureusement et que si la nomination en Bulgarie constituait bien un “petit tour au Purgatoire”, il en sortirait bientôt pour un siège plus confortable en Argentine, avec en plus tous les avantages provenant de sa nouvelle qualité de membre du Corps Diplomatique du Vatican (10). Il va en fait rester au “Purgatoire” pendant dix ans, et ne verra jamais l’Argentine.
Promoveatur ut amoveatur ?
Avant de poursuivre la narration, au moment où notre personnage entre en plein dans sa carrière, on doit se demander: s’agit-il d’une promotion ou d’une punition ?
« Il est clair d’une part qu’il s’agit bien d’une promotion » (11) : il devient évêque, voire archevêque, et il entre en diplomatie. Mais la nomination est inattendue : Roncalli n’a jamais été diplomate et il n’a jamais dépendu des Églises Orientales. Il doit s’éloigner de Rome. S’agirait-il d’un promoveatur ut amoveatur ( l’aurait-on promu pour s’en débarrasser ? ) comme ce sera le cas plus tard pour Montini, transféré de Rome à Milan ?
Roncalli lui-même accueille la nomination avec consternation. Il avoue : après la rencontre avec Gasparri « pendant la nuit j’ai versé maintes larmes » (12). La Bulgarie est éloignée et il n’y a que 62.000 catholiques… Malgré la promotion « on ne peut donc pas entièrement éloigner la suspicion qu’il n’ait été victime d’un complot ou d’une quelconque manœuvre secrète. Dom Lambert Beauduin O.S.B., l’un de ses meilleurs amis, qui deviendra professeur de théologie fondamentale à l’Institut St. Anselme de Rome, avait l’habitude de répéter que « Roncalli avait été levé de son enseignement au Latran car suspect de modernisme » ( M. Trevor, Pope John, Macmillan, Londres 1967, p. 132 ). Cette théorie a joui d’un large crédit. » (13). Hebblethwaite lui-même, qui nous fournit cette information ne la donne pas pour sûre : l’enseignement au Latran n’ayant duré que peu de temps et les temps ayant beaucoup changé depuis l’époque où le Cardinal De Lai avait suspecté de modernisme don Roncalli, alors professeur au séminaire de Bergame. Il se peut que Dom Beauduin ait confondu les deux périodes d’enseignement bien distinctes, comme il est tout aussi possible que “notre héros” ait récidivé. Quoiqu’il en soit, « d’autres amis lui montrent leur soutien » en expliquant que « la mission de Roncalli en Bulgarie pouvait ainsi assurer un résultat très positif » (14) : un résultat œcuménique. Parmi ces “amis” se trouvait Montini qui non seulement lui adressa une lettre de félicitations le 2 mars (15), mais qui eut même une conversation avec lui « la veille de son départ de Rome pour Bergame » (16). Le caractère, le passé, les idées, les relations : tout prédisposait Roncalli à devenir un œcuméniste ; il ne lui manquait que l’occasion de se manifester et un champ d’application : « à Sofia… continuellement en contact avec le monde orthodoxe… “il découvrit” les premiers horizons de sa vocation œcuménique » (17).
Dom Beauduin
Mgr. Roncalli quitte son pays natal le 23 avril 1925 et arrive à Sofia après deux jours de voyage sur l’ “Orient Express”. Le 22 mars 1925 déjà, son ami Dom Lambert Beauduin lui avait présenté « un confrère bénédictin, dom Constantin Bosschaerts, qui le suivra à Sofia en tant que secrétaire provisoire » (18); telle était l’amitié entre Dom Beauduin et le nouveau Visiteur Apostolique. Cette amitié mérite d’être approfondie : « elle dura de 1924 jusqu’à la mort de Dom Beauduin en 1960, et exerça toujours un grande influence sur Roncalli » (18).
J’ai déjà parlé de Dom Beauduin dans mon article “L’hérésie anti-liturgique depuis les Jansénistes, jusqu’à Jean XXIII (1668-1960)” : trois siècles de gestation des réformes conciliaires ( Sodalitum n°11, pp.8-16 ). J’y reprenais en partie les informations données par M. l’abbé Didier Bonneterre (19) dans son livre “Le mouvement liturgique” ( Ed. Fideliter, 1980 ). A son tour, il tenait ses informations sur Beauduin d’un ouvrage du P. Bouyer : “Dom Lambert Beauduin, un homme d’église” ( Castermann 1964 ).
Beauduin naît en 1873 en Belgique. Prêtre séculier à Liège, « il avait fait partie des Aumôniers du Travail, une communauté de pères spirituels qui s’occupaient des ouvriers » (20). Entré chez les bénédictins du Mont César, il y prononça les vœux de religion en 1907 et garda de son ancien ministère une vision plus activiste que contemplative de la liturgie dont le but ne serait pas tant l’adoration de Dieu, mais bien plutôt l’instruction du peuple. Au cours du Congrès des associations catholiques, il avait exposé ses principes lesquels, portés aux extrêmes conséquences, auraient conduit ( et en effet conduisirent ) au néo-protestantisme liturgique de la “nouvelle messe”. A cette occasion, il avait été encouragé par le Cardinal Mercier, celui-là même qui “jugeait impossible la théologie romaine” et que Mgr. Benigni stigmatisait avec raison de cette façon : « il est bien connu comme étant lié à tous les traîtres de l’Église » (21). Je rappelle que Roncalli, dès 1906, connaissait et estimait Mgr. Mercier. Beauduin et Roncalli vont ainsi bras dessus, bras dessous avant même de faire connaissance. Jusqu’à la première guerre mondiale, notre moine propage son principe fondamental, à savoir : « faire de la liturgie avant tout un moyen d’apostolat ; plier la liturgie aux exigences (?) de l’apostolat. Là se trouve le point du drame » (22). Mais on peut toujours faire pire. En 1915 les allemands envahissent la Belgique. « Homme de confiance du Cardinal Mercier, dom Lambert Beauduin joue un rôle capital dans la résistance belge à l’envahisseur allemand. Non seulement il rédige de sa propre main la célèbre lettre pastorale du Cardinal Mercier, mais il se charge aussi de sa diffusion… » (23). Aloïs Simon fait remarquer que Mercier appelle les belges à une « union sacrée », à « une cohésion des forces politiques, appartenant à toute idéologie, pour assurer la défense de la Patrie », et cela, « non seulement pendant la durée du conflit ; il s’agissait bien de la vision sur la gestion de la société telle qu’elle aurait dû d’après lui se développer au lendemain de la guerre » (24).
Le duo Mercier-Beauduin passe ensuite de l’œcuménisme politique à l’œcuménisme religieux. Les péripéties de la guerre obligent Beauduin « à se réfugier en Angleterre. Là, fait capital, il se lie d’amitié à bon nombre de personnalités de l’anglicanisme » (25). La guerre de 14-18 une fois terminée, Beauduin met à profit ses connaissances parmi les hérétiques. Entre 1921 et 1925 ( les dates sont à remarquer : il devient l’ami de Roncalli en 1924 ), Dom Beauduin participe aux “Conversations de Malines”, qui, bien qu’informelles, étaient de véritables rencontres œcuméniques entre le Cardinal Mercier et Lord Halifax (appartenant à la haute église Anglicane). « Dom Beauduin, théologien du Cardinal Mercier, avait préparé pour ces conversations un rapport sur « l’Église Anglicane unie mais non pas réabsorbée » où il révélait ses conceptions plus que douteuses sur l’œcuménisme » (26). Le même Père Bouyer ( un pasteur luthérien converti (?) par dom Beauduin, dont il se considérait le fils et le disciple ) (27) écrit que ce rapport “contenait de graves erreurs” : traiter l’ “église anglicane” de la même manière qu’un Patriarcat oriental, en en maintenant la liturgie et la discipline ( protestantes ) et y absorber l’Église Catholique en Angleterre moyennant la destitution de ses évêques ! Les “Conversations de Malines” furent interrompues en 1926 par une intervention de Pie XI, et les anglicans, qui s’en souvinrent toujours avec nostalgie, opposaient le duo belge et sa méthode œcuménique à celle du Pape Ratti (28). Beauduin toutefois ne renonce pas et, en 1925 ( lorsque Roncalli va en Bulgarie ), il s’engage dans le chemin de l’œcuménisme avec les “Orthodoxes”, en fondant un “Monastère de l’Union” à Amay-sur-Meuse d’abord, et ensuite à Chevetogne, où les moines adoptèrent la liturgie orientale « pour que le Catholicisme ne puisse plus être confondu avec le latinisme » (29). Parmi les moyens on compte : « Attention portée sur le rapprochement entre les orthodoxes et les anglicans ; une large hospitalité accordée à tous ceux qui, catholiques ou pas, s’intéressent à la question… Dom Beauduin en vient même à prendre en considération la possibilité de nouveaux développements dans l’Église, même dans le domaine de la doctrine, permettant aux non-catholiques de mieux comprendre, et donc d’accepter plus facilement, la présentation officielle de sa doctrine ; présentation qui est indubitablement exacte en soi, mais qui pourrait encore être incomplète ou insuffisante » (29). Un bulletin du monastère répandait ces idées : Irénikon. Roncalli en était lecteur passionné, comme le démontre Hebblethwaite : « La première lettre de Roncalli sur l’œcuménisme cite justement Irénikon. Remarquable aussi le fait que cette lettre est adressée à une laïque, Adélaïde Coari, et non pas à un confrère dans le sacerdoce. Roncalli s’intéresse passablement à ladite personne, au point d’envoyer une lettre de recommandation en sa faveur au Père Enrico Rosa, jésuite de la Civiltà Cattolica (“Gran Sacerdote”, p. 142 ). En présentant Mlle Coari à Rosa, il précise que la demoiselle s’occupe de la formation des instituteurs à Milan, qu’il s’agit d’une de ces personnes qu’on ne peut pas facilement étiqueter en telle ou telle autre organisation catholique et qu’elle est enfin « une belle énergie qui se nourrit d’une piété très solide, de laquelle une direction sacerdotale intelligente et prudente saurait tirer le plus grand bien ». Il ajoute ensuite que le pape Pie XI, qui en avait fait la connaissance à Milan, « la connaît et – juxta modum – l’apprécie et l’encourage » (ibidem). Les réserves exprimées par le juxta modum ( dans une certaine limite ) de Pie XI s’expliquent assurément par le fait que Mlle Coari s’intéresse à toute nouveauté – aux mouvements des femmes, bibliques et œcuméniques – et encore plus par le fait qu’elle se préoccupe du sort d’Ernesto Buonaiuti, ancien camarade de séminaire de Roncalli, maintenant trois fois excommunié.
Le 9 mai 1927 Roncalli écrit à Mlle Coari : « Je me réjouis beaucoup que vous vous intéressiez à l’union des Églises et que, surtout, vous appréciiez l’esprit de charité qui anime le bulletin belge Irénikon ( Roncalli écrit “Irenicon” ). Nous partageons donc les mêmes pensées. Sur ce point, à savoir, traiter avec les Orthodoxes, les catholiques ont encore à parcourir un long chemin. Ils devraient sans doute se mettre à l’école de notre saint père Pie XI, qui insiste sur ce critère d’apostolat. Ah, savoir comprendre et savoir compatir ! Quelle grande chose ! Il y a un mois, j’eus à Constantinople une entrevue intéressante avec le patriarche œcuménique Basile III, le successeur de Photius et de Michel Cérulaire. Oh comme les temps ont changé ! Mais il est demandé à la charité des catholiques de faire approcher l’heure du retour des frères à l’unité du bercail. Comprenez-vous ? A la charité : beaucoup plus qu’aux discussions scientifiques. A la charité expliquée exactement, selon l’éloge de St. Paul ( I Cor. 13,4 ) » ( “Douzième anniversaire”, p. 49 ).
Il faudra ensuite beaucoup de temps à Roncalli pour se débarrasser de cette idée de “retour”, jugée offensante par les frères séparés. Il est maintenant important de chercher à comprendre ce que Roncalli veut dire par “primauté de la charité”, là où on a souvent voulu voir une attitude anti-intellectuelle, méprisant la théologie. Beauduin avait développé l’idée de la primauté de la charité dans un numéro d’Irénikon ( juin-juillet 1928, p. 226 ss. ). Son article était un hommage au Cardinal Mercier, l’un des “héros” de Roncalli. Pour Beauduin, Mercier avait découvert sa vocation œcuménique simplement en réfléchissant sur ce que signifiait être un évêque catholique : il est avant tout le responsable de son diocèse, mais il partage aussi, en tant que membre du collège épiscopal, la “charge de toutes les Églises”. Il ne peut donc pas demeurer indifférent face au scandale suscité par les divisions des chrétiens. Sa préoccupation portait tout particulièrement sur l’Église orthodoxe, et il comprit bientôt qu’il aurait été inutile d’essayer de persuader les chrétiens orthodoxes par des arguments apologétiques de type scolastique. Seule la “primauté de la charité” aurait consenti des progrès. « Ce qu’il nous faut » – écrit Beauduin – « c’est une apologétique vivante qui ne demande pas d’autre miracle que l’amour ».
« On ne peut pas dire – argue Beauduin – que Mercier ait été un anti-intellectuel. Bien au contraire, dans tous les secteurs où il est intervenu, il a toujours souligné la nécessité d’une compétence professionnelle. Il était au courant de tout ce qu’il y avait de mieux dans la pensée moderne et il avait en horreur tout esprit de clocher » ( ibidem, p. 229 ). L’influence de Mercier et de Beauduin se manifestera dans le pontificat de Roncalli. Dans les années 20 cette même influence lui inspirait une approche de l’œcuménisme qui, à l’époque, n’allait pas tellement de soi au Vatican. L’œcuménisme catholique fut pendant une cinquantaine d’années une sorte de courant souterrain. Roncalli lui témoignait sa sympathie, car il correspondait entre autres à ses expériences en Orient (30).
Laissons à Hebblethwaite son enthousiasme pour la “primauté de la charité” qui n’a rien à voir avec la pensée de St. Paul, pour qui la charité présuppose la foi droite, et qui en revanche a beaucoup d’affinités avec les idées d’une association œcuméniste protestante qui, en 1925 justement, se dénommait “Life and Action” ( Vie et Action ) car elle recherchait l’union non pas au plan de la doctrine comme “Faith and Order” ( Foi et Discipline), l’autre branche du mouvement œcuméniste : mais bien au plan pratique de la “pseudo”charité.
Mgr. Roncalli, on l’a vu, se couvrait de l’autorité de Pie XI pour faire de la propagande à Irénikon, Dom Beauduin pour en faire à l’œcuménisme… On est en 1927. Le 6 janvier 1928 l’Encyclique Mortalium Animos ( dont on reparlera plus loin ) condamne l’œcuménisme. Dom Beauduin est contraint de donner sa démission de Prieur du Monastère d’Amay. En 1929 il est convoqué à Rome : « On laissa entendre à Dom Beauduin qu’il ferait mieux de ne plus avoir de rapports avec Amay et de se retirer dans un monastère éloigné : ce fut l’exil à Encalcat » (31). L’intervention de Rome ne doit pas nous étonner : les premiers fruits du “Monastère de l’Union” fondé par Beauduin s’étaient montrés : certains des moines catholiques apostasièrent pour entrer parmi les “Orthodoxes” (31) !
Le Pape a parlé : la méthode de Beauduin est erronée. Roncalli, une fois monté au Siège de Pierre, dira : « La méthode de Dom Lambert Beauduin est la bonne » (32). Beauduin, en 1958, le savait : « s’ils élisaient Roncalli ( à la papauté ), tout serait sauvé : il serait capable de convoquer un Concile et de consacrer l’œcuménisme… » (32).
L’œcuménisme
Avant de voir le Visiteur Apostolique concrètement à l’ouvrage à Sofia, il nous faut brièvement expliquer en quoi consiste l’œcuménisme qu’il propageait et vivait. Aujourd’hui, tout le monde en a plus ou moins entendu parler, depuis que “Vatican II” l’a consacré par son décret De Œcumenismo : Unitatis Redintegratio ( 20-11-1964 ). Mais l’œcuménisme n’est pas né avec le Concile : le Concile n’a fait rien d’autre que de l’adopter. L’œcuménisme est né parmi les protestants, lesquels ont ressenti la nécessité d’une certaine unité depuis l’effritement de leur “réforme” en quelques 800 “églises” différentes. Un grand nombre de sectes protestantes s’allièrent ainsi, entre la fin du XIXè siècle et le commencement du XXè siècle, en diverses “unions fédérales”, tandis que les “anglocatholiques” ( anglicans de la Haute Église ) théorisèrent une Église à trois nefs : la catholique, l’anglicane et l’orthodoxe. Au XXè siècle, enfin, commencèrent de véritables conférences œcuméniques, que l’on dénommait panchrétiennes : Edimbourg ( 1910 ), Stockholm ( 1925 : Vie et Action ), Lausanne ( 1927 : Foi et Discipline )… jusqu’à ce que les deux courants ( Vie et Action, Foi et Discipline ) fusionnent en 1947 pour former le Concile Mondial des Églises, ou Concile Œcuménique d’Amsterdam, lequel fonda à son tour le célèbre Conseil Œcuménique des Églises ( COE ) avec siège à Genève, auquel Paul VI rendit visite le 10 juin 1969. Si telle est l’origine, quelle en sera la doctrine ? Je cède ici la parole au Père Jésuite Maurizio Gordillo qui, dans l’Enciclopedia Cattolica ( “Cité du Vatican”, 1949 ) décrit l’œcuménisme protestant d’abord, sa version “catholique” ensuite.
« Au sens propre – écrit le Père Gordillo – l’œcuménisme est la théorie la plus récente inventée par les mouvements interconfessionnaux, plus particulièrement protestants, pour parvenir à l’union des Églises Chrétiennes… L’œcuménisme présuppose comme base propre l’égalité de toutes les Églises face à la question de l’union.
Et cela sous le triple aspect psychologique, historique et eschatologique : a) psychologiquement toutes les Églises doivent se reconnaître comme étant également coupables de la séparation et, au lieu de se rejeter la faute l’une sur l’autre, se demander réciproquement pardon ; b) historiquement, depuis la séparation, aucune Église ne peut se considérer comme étant l’unique et totale Église du Christ, mais seulement une partie de cette unique Église : par conséquent, aucune d’entre elles ne pourra s’arroger le droit d’obliger les autres à revenir à elle, mais toutes doivent ressentir l’obligation de se réunir, afin de reconstituer l’Église Une et Sainte fondée par le Sauveur ; c) eschatologiquement l’Église future résultant de l’union ne pourra être identique à aucune des Églises qui existent maintenant. La Sainte Église Œcuménique qui surgira de cette nouvelle Pentecôte dépassera de la même manière chacune des confessions chrétiennes. On voit d’emblée que de telles théories sont contraires à la foi catholique. » (33)
On voit aussi d’emblée que ces théories ont été reprises, avec de subtiles et prudentes nuances, par le “Concile Vatican II”.
Le Père Gordillo poursuit : « Pour les catholiques les voies de l’œcuménisme dans son sens primitif sont fermées, particulièrement depuis que le Pape Pie XI dans son Encyclique Mortalium Animos ( 6-1-1928 ) et Pie XII dans Orientalis Ecclesiae ( 1944 ) ont rappelé la conception authentique de l’unité de l’Église, et ont tracé la méthode à suivre pour promouvoir le retour des dissidents. Dans Orientalis Ecclesiae, Pie XII écrit : “ Une telle théorie qui ne pose comme fondement du consensus unanime des fidèles que les points de doctrine sur lesquels toutes ou la plupart des communautés s’honorant du nom de chrétiennes se trouvent d’accord, ne conduit pas au retour très désiré des fils errants à l’unité juste et sincère en Jésus Christ, contrairement à cette autre, qui accueille toute vérité révélée par Dieu sans en excepter ou diminuer aucune ”.
On peut ajouter que le 5 juin 1948 la Ste. Congrégation du St. Office, en rappelant les prescriptions canoniques interdisant les réunions mixtes, affirme que de telles prescriptions “doivent surtout être observées lorsqu’il s’agit de ces conventions qu’on appelle œcuméniques, auxquelles les catholiques, qu’ils soient laïques ou clercs, ne peuvent aucunement prendre part sans avoir d’abord obtenu l’autorisation du Saint Siège”. Ces prescriptions ont été confirmées par l’ “Instruction du Saint Office” du 20 décembre 1949 concernant le “Mouvement œcuménique”. Certains catholiques toutefois, partisans du mouvement unioniste, favorisent l’œcuménisme, non pas entendu au sens protestant, mais comme une tactique visant à rechercher les points de contact avec les chrétiens dissidents qui, selon certains, auraient des leçons à donner aux catholiques. Tout cela semble pour le moins inopportun, car l’usage d’un terme impliquant dans le sens courant des théories anticatholiques, prête à confusion.
En 1934, le hiéromoine Alexis van der Menschbrugge, dans son article “Danger du formalisme” ( Œcumenica, I, 1934, p.312-28 ), et Oscar Bauhofer dans son livre “Einheit und Glauben” ( Einsiedeln, 1935 ), montrent une propension ouverte en faveur de l’œcuménisme. Y adhèrent l’Abbé P. Couturier par ses articles dans Revue Apologétique ( 1937 ) et le P. M.J. Congar dans le livre publié à Paris en 1937 : “Chrétiens désunis. Principes d’un œcuménisme catholique”.
Une telle tentative est toutefois de nature à soulever de graves réserves. Si pour les catholiques en effet l’œcuménisme signifie ce que les dissidents entendirent en forgeant le mot, il comporte l’admission des Églises séparées et protestantes dans le sein de la véritable Église, ainsi que l’affirmation que l’Église Catholique ne possède pas actuellement en elle la plénitude essentielle. Le P. Congar peut difficilement se soustraire à la nécessité d’admettre au moins en partie les postulats assignés à l’œcuménisme, à savoir : non seulement que les séparés individuellement de bonne foi sont membres de la véritable et unique Église, mais aussi que leurs Églises sont en possession d’un tel nombre d’éléments de la véritable Église, que les dissidents se sauvent dans leur Église. Par ce fait, ces dernières peuvent ne pas être considérées comme étant entièrement séparées de la seule Église fondée par Jésus Christ pour le salut des âmes. Quant à l’Église Catholique, il est clair que tout en ne manquant de rien d’essentiel, un certain degré de perfection lui fait défaut. On rétablit ainsi un certain équilibre et égalité : bien que de façon et à un degré différents, nous allons tous vers l’union pour intégrer ce qui manque à chaque Église.
Il faut bien avouer que même cet usage de l’œcuménisme a rencontré une méfiance presque générale auprès des catholiques » (33).
Plus que de méfiance il faudrait parler de condamnation ! Comme Dom Beauduin, ainsi l’œcuméniste Père Congar connut ses problèmes. Si l’Encyclique Mortalium Animos avait frappé Dom Beauduin sans le nommer, Humani Generis fit de même contre le “faux irénisme” de Congar. « A ce moment là, il fut l’objet de diverses censures : interdiction de mettre sur le marché sa traduction de “L’Unité dans l’Église” de Möhler ; arrêt de son enseignement au Saulchoir, suivi de la nomination en 1954 à Jérusalem et, un semestre plus tard, à Strasbourg ; résidence obligée à Cambridge en 1955, avec interdiction de prêcher, de confesser et de rendre visite aux couvents dominicains anglais » (34). Et pourtant, qui ne voit que les formules de l’“œcuménisme catholique” décrites par le P. Gordillo et condamnées par Pie XII sont celles-là mêmes qu’a approuvées le “Concile Vatican II”? (35). Comment s’en étonner, d’ailleurs, si Jean XXIII appela au Concile en qualité d’expert justement Congar ? L’œcuménisme, condamné par l’Église dans sa doctrine et dans sa méthode ( réunions œcuméniques, c’est-à-dire interconfessionnelles ), constitua au contraire l’activité principale de Mgr. Roncalli dans les Balkans. Suivons ses traces…
La Bulgarie et l’église “Orthodoxe”
Mgr. Roncalli, en arrivant en Bulgarie, ne trouve pas une situation facile. Le Pays, jadis évangélisé par Rome, était tombé sous l’influence des gréco-schismatiques et de l’Empire Byzantin d’abord, et sous la tyrannie turque ensuite. Les russes en firent une principauté tributaire des turcs mais régie par un prince chrétien ( 1878 ). En 1877 Ferdinand de Saxe Cobourg et Gotha est élu Prince de Bulgarie. Ferdinand est catholique, élevé à Vienne, marié à une Bourbon-Parme : son fils et héritier, Boris, naît en 1894 et est baptisé avec le rite catholique. Mais le Tzar de Russie, Nicolas II, menace Ferdinand de ne pas le reconnaître s’il ne fait pas baptiser son fils Boris dans la “religion” orthodoxe. Ferdinand se rend alors à Rome ( 1896 ) pour obtenir l’impossible autorisation du Pape ( Léon XIII ) à l’apostasie de son fils. L’audience avec le Pape se termine de façon dramatique : Ferdinand ( qui deviendra Roi en 1908 ) fera rebaptiser Boris dans l’ “orthodoxie”, et sera excommunié par le Pape. La “raison d’État” imposait à Ferdinand d’éduquer son héritier au trône dans l’ “orthodoxie”, attendu que la presque totalité du pays suivait la dite religion (36).
Roncalli devint ainsi le premier diplomate ( bien qu’officieux ) du S. Siège auprès d’une cour apostate du catholicisme et d’un pays qui fait de sa propre église “orthodoxe” le ciment de l’unité nationale, vis à vis même de Constantinople, de laquelle l’église bulgare avait fait schisme. Il est donc tout à fait compréhensible que dans de telles conditions un diplomate doive nécessairement se mouvoir avec prudence et patience, mais il y a des limites à tout, limites que Roncalli dépassa. En guise d’exemple, on citera trois épisodes :
- Le mariage du Roi Boris.
- Le prosélytisme.
- Les secours aux “orthodoxes”.
Ici, il est tout d’abord nécessaire que le lecteur ait des idées claires concernant l’Église dite “orthodoxe”, qui se sépara de Rome sous le Patriarche Michel Cérulaire, en 1054, après un premier schisme provoqué au IXe siècle par l’usurpateur Photius. Beaucoup de catholiques en effet, même parmi les fidèles de la tradition hostiles par conséquent à l’œcuménisme envers les protestants, sont particulièrement condescendants à l’égard des “orthodoxes”. Ils sont attirés par la beauté de la liturgie, le culte commun de la Ste Vierge, des Saints, des images, un certain traditionalisme “orthodoxe”, la validité de leurs sacrements… Tous ces biens ne sont pourtant qu’un souvenir de leur ancienne union à l’unique Église de Jésus Christ, l’Église Catholique ! Après la rupture définitive de 1054 ( les unions réalisées par les Conciles de Lyon en 1274 et de Florence en 1442 ne furent malheureusement que passagères ) les divergences disciplinaires, mais aussi dogmatiques, ne firent que se multiplier, suite entre autres au parti pris antiromain des orientaux dissidents. En 1895, le “Patriarche” de Constantinople faisait la liste de dix “erreurs latines” ( c’est-à-dire catholiques ) : 1) la procession du Saint Esprit du Père et du Fils (Filioque). 2) L’addition du Filioque dans le Symbole. 3) Le Baptême par aspersion ou par infusion. 4) Les azymes comme matière eucharistique. 5) L’Épiclèse ou invocation du Saint Esprit, considérée comme nécessaire par les “orthodoxes” pour opérer la consécration au cours de la Messe. 6) La Communion sous une seule espèce. 7) Le Purgatoire, les Indulgences et la rétribution immédiate avant le Jugement Dernier. 9) Le Primat de Rome. 10) L’infaillibilité pontificale. On pourrait ajouter, de notre côté la permission donnée par les “orthodoxes” au divorce. Le lecteur pourra facilement constater que ces divergences ne sont pas seulement d’ordre disciplinaire ( comme le seraient pour nous les points 2 et 6, lesquels sont toutefois considérés comme doctrinaux par les “orthodoxes” ) mais aussi et surtout dogmatique ( particulièrement les points 1, 7, 8, 9 et 10 ). Les “orthodoxes” ne sont donc pas seulement (!) schismatiques, mais aussi hérétiques ; et si avant 1054, par opposition aux autres orientaux hérétiques (Nestoriens ou Monophysites), ils méritaient le nom d’orthodoxes, ils ne peuvent plus s’honorer de ce nom qui n’appartient qu’aux catholiques (37). Ils ne sont en effet pas orthodoxes ( c’est-à-dire professant la vraie foi ) mais hétérodoxes ; c’est donc à raison que, suivant en cela l’Encyclopédie Catholique, nous écrivons, à leur égard, le mot orthodoxe avec des signes typographiques. Après cette indispensable précision, suivons l’ “apprentissage œcuménique” de Mgr. Roncalli en Bulgarie, par lequel il apprendra « les règles fondamentales de l’œcuménisme, très mal vu au Vatican », la première de ces règles étant celle qui « prévoit qu’il n’est pas possible d’espérer entamer un dialogue avec des condamnations » (38).
a) Le mariage du Roi Boris.
Le Roi de Bulgarie, on l’a vu, était né catholique mais, dès l’âge de deux ans, avait été éduqué dans la religion “orthodoxe”. En 1930 on envisage le mariage du Roi, qui a alors trente cinq ans, avec Jeanne de Savoie, la fille de Victor Emmanuel III. Les deux fiancés professant deux religions différentes, une dispense du Saint Siège était nécessaire pour pouvoir célébrer les noces. Au représentant du Pape, notre Roncalli, revenait évidemment la charge de conduire les tractations.
Le canon 1060 interdit en effet “très sévèrement” de tels mariages mixtes qui, de plus, « s’ils constituent un danger pour la foi du conjoint catholique et des enfants, sont interdits par la loi divine elle-même ». Un tel danger que le conjoint catholique ou ses enfants perdent la foi pour embrasser la foi acatholique, peut être écarté en faisant promettre par écrit à l’acatholique qu’il ne tentera pas de “convertir” le catholique et qu’il fera baptiser et éduquer dans l’Église Catholique tous les enfants qui naîtront (can. 1061), en interdisant en outre que les noces soient célébrées ou répétées devant un ministre acatholique (can. 1063) (39).
De Sofia parviennent les promesses, et le Vatican octroie la dispense pour le mariage royal qui est célébré à Assise le 25 octobre 1930 selon le rite catholique. L’illusion ne dure pas longtemps. Roncalli a à peine le temps de rentrer en Bulgarie : le 31 du même mois le couple royal répète la cérémonie nuptiale à Sofia, selon le rite “orthodoxe”, encourant ainsi l’excommunication latae sententiae ( can 2319 § 1 ). Pie XI, tout comme Léon XIII par le passé, s’indigne : « La veille de Noël, il dénonce le couple royal qui s’était d’abord engagé solennellement, et ensuite n’a pas tenu parole. (…) Roncalli, Visiteur Apostolique à Sofia, a droit à sa part de reproches à cause des événements » (40). Hebblethwaite souligne la différence entre les réactions de Pie XI et celles du futur Jean XXIII (évidemment à l’avantage de ce dernier) : « Le cancan fait autour de ce mariage bulgare met en évidence les deux caractères diamétralement opposés de Roncalli et de Pie XI. Tandis que le pape donne libre cours à son indignation et dramatise la situation, son visiteur apostolique maintient un calme parfait, tout en recherchant une solution diplomatique et en minimisant les dures déclarations du pontife » (40). En réalité, Pie XI agit en homme de Foi qui voit un sacrement foulé aux pieds, l’Église injuriée et les âmes des enfants de la Reine en danger ; Roncalli par contre agit en homme du monde, iréniste et œcuménique. Le Roi Boris est satisfait, et le 26 septembre 1931 il consent à accepter une représentation officielle du St. Siège, ce qui fait de Roncalli un Délégué Apostolique. Mais « Pie XI reprend sa polémique contre le couple royal – je cite Hebblethwaite! – au mois de mars de 1933, à l’occasion de la naissance de la première fille de Boris et Jeanne » (40), qui fut baptisée selon le rite “orthodoxe” ; le canon 2319 prévoit pour cela une autre excommunication (§3). Le Pape « dénonce de nouveau tous ceux qui ont violé la sainteté du mariage catholique » (40), et Roncalli offre à la Reine « un magnifique missel, pour lui démontrer que l’irritation du pape ne la concerne (40) pas ». Et l’excommunication ? Si la Reine subissait peut-être contre sa volonté, que dire du Roi ? « En son cœur, Mgr. Roncalli ne se sentait pas de condamner entièrement le Roi Boris » ; depuis la toute première rencontre ( 25- 4-1925 ), pas « un seul mot de l’incident entre le Tzar Ferdinand et Léon XIII, pas la moindre allusion à la situation religieuse du Roi » (41). Pour « un lecteur expérimenté d’Irénikon » (42) comme l’était Roncalli, il était en effet facile d’avoir « l’impression que Pie XI faisait la situation plus grave qu’elle ne l’était » (42) et il était sans doute plus facile de “verser” toujours et seulement « de l’huile sur les blessures » (43). « A Rome », au contraire, on jugeait Roncalli naïf, homme inapte à la situation. On le jugea, on le dit à haute voix, quelqu’un même l’écrivit » (43). D’aucuns racontent même, sans fondement paraît-il, qu’il y eut une audience de Pie XI au cours de laquelle Roncalli aurait dû rester à genoux pendant trois bons quarts d’heures… (44). Mais le lecteur estimera peut-être que le diplomate devait faire contre mauvaise fortune bon cœur face au Roi dont il était l’hôte ( soumis lui-même à la “raison d’État” ). Voyons alors le comportement de Roncalli face à des personnages moins en vue…
b) Pas de “prosélytisme”.
Le Père Tanzella rapporte le cas du journaliste bulgare Etienne Karadgiov. “Orthodoxe”, il s’était présenté à Mgr. Roncalli pour être aidé à poursuivre ses études. Karadgiov nous dit :
« II m’accueillit avec beaucoup de bonté, m’écouta attentivement, et me dit : “très bien, mais on ne doit pas heurter la susceptibilité des orthodoxes. Ils ne doivent pas penser que nous autres les catholiques nous venons ici dans le but de faire du prosélytisme, de vouloir attirer la jeunesse. Les orthodoxes sont nos frères, et nous voulons vivre en harmonie avec eux. Nous nous trouvons dans ce pays pour montrer notre amitié à ce peuple et l’aider. Si tu veux donc étudier en Italie, tu dois d’abord demander l’autorisation à l’Église orthodoxe à laquelle tu appartiens”. J’écrivis, et la réponse fut négative. Mgr. Roncalli jugea opportun de m’envoyer en Italie par l’intermédiaire de l’œuvre Pro Oriente qu’il avait lui-même fondée avec Mgr. Francesco Galloni. L’œuvre avait pour but de financer le séjour en Italie des jeunes catholiques bulgares désirant acquérir des diplômes en ce pays. Moi, j’étais orthodoxe, et Mgr. Roncalli, qui de par sa position ne figurait pas comme fondateur de l’œuvre, fit pour moi une exception. “Un jour viendra, où les diverses Églises seront unies ; ce n’est qu’en s’unissant pour combattre les maux du monde, me dit-il, qu’elles pourront espérer gagner”.
J’ai ensuite étudié en Italie, où j’eus comme camarades d’études et d’internat les parlementaire Bettiol et Fanfani. Mgr. Roncalli suivait de loin mes études, comme si j’avais été son propre fils. Lorsque je parvins à la dernière année, il m’écrivit : “Si tu reviens en Bulgarie avec le diplôme d’une université catholique, comment vas-tu faire pour trouver un emploi ? Tes concitoyens sont presque tous orthodoxes, et ils ne vont pas avoir une grande sympathie pour toi. Je te conseille par conséquent de te présenter dans une Université laïque”. II écrivit au Père Gemelli, recteur de l’Université catholique de Milan, et je passai à Pavie où j’obtins le diplôme.
Entre-temps, j’avais décidé de devenir catholique. Je lui fis part de ma décision, et il me dit : “Mon fils, ne sois pas pressé. Réfléchis. Tu auras toujours le temps de te convertir Nous ne sommes pas venus en Bulgarie pour faire du prosélytisme” » (45).
Le Père Tanzella rapporte cet épisode comme s’il s’agissait de nouveaux fioretti de St. François. Des fioretti, certes, mais au contraire, dans lesquels la dernière recommandation du Christ : « Allez, enseignez toutes les nations… » n’est pas considérée comme valide. “Il y a toujours le temps” pour entrer dans l’Église, vivre en grâce de Dieu, quitter le schisme et l’hérésie… car un successeur des Apôtres n’est pas envoyé dans le monde “pour faire du prosélytisme” ( c’est-à-dire pour convertir ), mais pour laisser les âmes dans les ténèbres de l’erreur : voici le nouveau credo œcuméniste de Mgr. Roncalli.
c) Aidons les hérétiques “orthodoxes”.
Ouvrons le Bréviaire Romain au 4 mars, fête de St. Casimir Roi de Pologne, là où les lectures de matines nous racontent la vie du saint, et lisons : « II s’appliqua de toutes ses forces à promouvoir la Foi Catholique et abolir le schisme des Rutènes ; pour cela, St. Casimir induisit son père à promulguer une loi interdisant aux schismatiques de construire de nouvelles églises ou de restaurer les anciennes ( églises ) délabrées » (46). Le schisme des Rutènes n’était rien d’autre que celui des soi-disants “orthodoxes”. Un chef d’État, un saint par dessus le marché, laisse leurs églises s’écrouler. Un évêque, notre Roncalli, les fait reconstruire. Lisons encore ce qu’écrit l’admiratif P. Tanzella : après le tremblement de terre de 1928, Roncalli « … accourut parmi les victimes, s’engagea pour obtenir des secours immédiats, distribua l’argent qu’il avait sur lui, rendit visite aux blessés et apporta à chacun une parole de réconfort, avec la plus grande sollicitude, tant envers les catholiques qu’envers les orthodoxes. Son attitude fut encore plus remarquée et appréciée lorsque, ayant réussi à obtenir une forte somme d’argent pour la reconstruction des églises détruites par le tremblement de terre, il l’employa au profit tant des églises catholiques que des églises orthodoxes, comme si toutes avaient appartenu à sa juridiction. Quant à ceux qui la lui reprochaient, il avait coutume de répondre : “Toutes sont des maisons de Dieu. Les orthodoxes aussi sont nos frères” » (47). Roncalli fut l’objet de reproches, non tant pour avoir secouru des nécessiteux, même s’ils étaient “orthodoxes”, ce qui est conforme à l’Évangile, mais pour les avoir aidés en tant qu’ “orthodoxes”, à reconstruire leurs lieux de culte schismatique. N’importe quel manuel de Théologie morale préconciliaire aurait précisé que l’évêque Roncalli, suite à une telle action, était tenu de se confesser avant de célébrer la Ste. Messe. Quant à nous, puisque les comportements de St. Casimir et de Mgr. Roncalli sont incompatibles, nous attendons la “décanonisation” ( impossible ) du premier, ou la condamnation ( souhaitable ) du second.
Dans l’attente d’une promotion
Entre-temps, le séjour de Mgr. Roncalli dans le “purgatoire” bulgare se prolongeait un peu trop, même pour quelqu’un de “très humble” comme lui, loin de tout “carriérisme” (?). Peu de temps après son arrivée (1926), il se plaint : « Voilà vingt mois que je suis évêque. Comme prévu, mon ministère devait m’apporter des tribulations. Et pourtant – chose singulière – ces tribulations ne me viennent pas des bulgares pour lesquels je travaille, mais des organes centraux de l’administration ecclésiastique » (48). Trois ans plus tard, en 1929, Roncalli « traverse une crise qui lui cause diverses impressions : celle d’avoir été oublié et abandonné, un sens de frustration face à ses plans pour l’Église bulgare, en fait irréalisables, et enfin l’impression désagréable d’être parvenu à un point mort de sa carrière » (48).
En 1929 justement il espère une promotion à l’évêché de Milan, espoir vite déçu (49). Après l’encyclique antiœcuménique Mortalium Animos ( 1928 ) et les incidents dus au mariage du Roi ( 1930-33 ), Mgr. Roncalli n’est plus tout à fait à l’aise, et tout le monde aurait préféré qu’il quitte la Bulgarie. La nouvelle nomination, cette promotion si inattendue, date du 24 novembre 1934. Nommé en Grèce et Turquie, il partira le 4 janvier 1935.
Délégué Apostolique en Turquie
En arrivant en Turquie, Mgr. Roncalli se trouve dans la délicate situation de représentant du Vatican auprès d’une nation qui ne reconnaît aucune religion. L’ancienne Byzance, qui avait pris le nom de Constantinople en devenant la capitale de l’Empire d’Orient, s’était séparée de l’unité de l’Église en 857 une première fois, et une deuxième fois, pratiquement définitive, en 1054. Elle fut conquise en 1453 par les Turcs, qui en firent la capitale de l’Empire Ottoman ; celui-ci ne devait s’écrouler qu’à la suite de la défaite subie à la première guerre mondiale, faisant place à une République Turque “nationaliste, populiste, laïque et révolutionnaire” ( 1923 ) dirigée par Mustafa Kemal, dit Ataturk ( le père des Turcs ). État laïc par conséquent, dont la population à forte majorité musulmane ne comptait qu’une minorité chrétienne, bien que schismatique, où les catholiques n’étaient que 35.000 environ. Le prédécesseur, Mgr. Margotti, « contrairement à Mgr. Roncalli, n’était pas un homme capable d’avaler des couleuvres avec le sourire » (50), raison pour laquelle il s’était mis à dos le monde entier, « le clergé comme le gouvernement d’Ataturk » (51). Certes, parfois c’est une preuve de vertu que d’avaler des affronts avec le sourire, tout particulièrement pour les diplomates. Mais Roncalli le fit avec un tel zèle qu’il dépassa comme d’habitude toute mesure.
“Un typique homme d’affaires lombard”
Aussitôt se présenta la première occasion de rendre heureux les ennemis de l’Église avec son sourire à toute épreuve. La laïcisation proclamée par Ataturk comprenait entre autres l’habillement: après avoir occidentalisé les turcs, il fallait maintenant laïciser les religieux. « Les habits et les signes distinctifs religieux sont abolis par une loi entrant en vigueur le 13 juin 1935 » (52). L’intention profanatrice, au delà de la coupe des habits, était évidente. « Certains instituts de sœurs exprimèrent leur deuil au cours de cérémonies réparatrices, fermèrent ensuite face au scandale et quittèrent la Turquie. Les prêtres âgés firent d’ardentes prédications contre le honteux empiétement de l’État laïc et persécuteur. Le patriarche orthodoxe menaça de se retirer dans un exil dédaigneux, enfermé dans son palais » (53).
Et notre Évêque ? « Roncalli ne fait pas une tragédie de la nouvelle loi » (54) et commente : « Quelle importance que nous portions la soutane ou des pantalons lorsque nous proclamons la parole de Dieu » (54). Et voilà l’affront avalé. Mais voilà aussi la joie excessive que Roncalli éprouve à avaler des affronts : le jour même de l’entrée en vigueur de la loi, il ordonne aux prêtres de se réunir à l’église. « A la fin des offices l’on put assister à la plus étrange procession de la vie du pape Jean. Le délégué apostolique, et à la suite des prêtres âgés bien embarrassés ainsi que tout le clergé quittèrent l’église en habit civil.
Monseigneur garda pour lui le col blanc, en tant que chef et représentant de l’Église catholique en Turquie. Les chefs étaient en effet exemptés de la loi générale, mais Mgr. Roncalli s’en tint à cet unique signe distinctif, afin d’encourager ses prêtres au sacrifice et obliger les religieuses à revêtir l’habit de la charité du Christ au lieu de leur habit monastique.
Chrétiens et musulmans, deux rangées de peuple, assistèrent à l’extraordinaire procession, désarmés par le sourire du Délégué Apostolique qui avançait avec désinvolture, comme s’il avait toujours porté la veste et les pantalons. Parmi les premiers du défilé se trouvait le secrétaire de Mgr. Roncalli, don Angelo dell’Acqua, futur Cardinal. Don Angelo avait déjà reçu la nouvelle de son transfert à Rome et aurait ainsi pu s’abstenir de la manifestation et quitter le pays avant la fête historique, avant que le décret n’entre en vigueur. Mais le délégué ne le voulut pas ainsi. Son Éminence pensait que cela aurait pu froisser le gouvernement turc. Il voulut donc que je reste et que je me fasse confectionner un habit civil comme tous les autres prêtres. Un matin il me fit envoyer un tailleur qui prit mes mesures et choisit lui-même l’étoffe : la meilleure. Je n’ai jamais possédé un habit de tant de prix, si beau et robuste. J’en fis présent à mon père qui le porta pendant de nombreuses années, et il semblait toujours neuf » (55).
Ce fut ainsi que, sans aucune nécessité, car la loi elle-même l’en exemptait, Mgr. Roncalli se fit immortaliser par le photographe « habillé de façon sobre, avec l’air d’un typique homme d’affaires lombard » (56).
Tanre Mubarek olsun
Hebblethwaite poursuit sa narration : « au commencement de 1936 Roncalli décide d’introduire quelques paroles turques dans la liturgie. A partir du 12 janvier 1936 les “louanges divines” ( Dieu soit béni, béni soit son saint nom… etc. ) dans la cathédrale du St. Esprit doivent être proclamées en turc. La même chose est recommandée aux autres églises. Il s’agit d’un changement minime, qui témoigne toutefois de son désir que l’Église soit présente au milieu du peuple turc. Pourtant, comme le démontrera son pontificat, tout changement initial peut avoir une importance dépassant amplement ses effets immédiats ( comme par exemple le fait d’ajouter le nom de St. Joseph dans le canon de la Messe signifiera que son texte n’est ni immuable ni intouchable ). En 1936, de tels “changements” ne sont pas appréciés par tout le monde : “Lorsqu’on récita Tanre Mubarek olsun ( Dieu soit béni ), beaucoup de personnes, mécontentes, abandonnèrent l’église ( … ) ; moi ( au contraire ), je suis satisfait. Dimanche on a eu l’Évangile en turc en présence de l’ambassadeur de France ; aujourd’hui les litanies en turc en présence de l’ambassadeur d’Italie ( … ). L’Église Catholique respecte tout le monde. Le délégué apostolique est un évêque pour tout le monde, et cherche à être fidèle à l’Évangile, qui ne reconnaît aucun monopole national, qui n’est pas fossilisé, et qui regarde vers le futur” (Trevor, p. 169).
D’après lui, ces innovations linguistiques sont un moyen pour rendre l’Église plus authentiquement “catholique”. Mais à Rome il est dénoncé justement pour cela. Au cours de sa retraite au mois d’octobre 1936 il écrit : “Je ne mérite rien, et ne souffre d’aucune impatience. Mais je souffre beaucoup de constater la distance entre ma façon de voir la situation sur place, et certaines formes d’appréciation des mêmes choses à Rome : c’est ma seule vraie croix” (GdA, 13-16.10. 1936) » (56).
En réalité j’ai de la peine à voir dans quelle mesure l’Évangile, le Pater et les “louanges divines” en turc auraient pu attirer les catholiques qui, n’étant pas des musulmans, n’étaient ni de souche ni de langue turque : les plaintes ne se firent en effet pas attendre. Avec l’innovation on ne cherchait donc pas l’approbation des fidèles, mais celle du gouvernement. Le P. Tanzella écrit justement que « l’acceptation de l’habit civil et l’introduction de la langue nationale dans les églises catholiques attirèrent sur le Délégué Apostolique la sympathie du gouvernement. Même si son titre n’était pas officiellement reconnu (…) sa personne était connue et l’homme était estimé tant par le gouvernement que par le président Ataturk lui-même » (57).
La laïcité de l’État
La liturgie en turc lui ouvrit en effet les portes du gouvernement et l’année suivante «…il fut reçu par le sous-secrétaire aux affaires étrangères Numan Rifat Menemengioglu (4 janvier). Le colloque nous est rapporté comme suit : “Je me trouve à Ankara pour mon ministère – nous dit Mgr. Roncalli – et suis heureux de pouvoir manifester mon hommage aux autorités de la Turquie” . “Moi aussi je suis heureux de cette rencontre – réplique Menemengioglu – heureux de pouvoir faire votre connaissance. Je peux vous dire que le gouvernement turc éprouve le plus profond respect pour vous et pour l’illustre tradition que vous représentez”. “Je vous remercie, – ajoute Mgr. Roncalli – et j’espère que les autorités turques pourront à leur tour constater la sincérité des catholiques dans leur respect des lois du Pays, même si parfois elles leur déplaisent. L’habit que je porte en est une preuve. L’Église se félicite du progrès de la Turquie et de trouver dans sa constitution certains des principes fondamentaux du christianisme, même si l’esprit areligieux qui les anime, la trouve évidemment en désaccord” . “Nous vous garantissons la plus ample liberté de ministère – reprend le Sous-secrétaire – en tout ce qui ne contredit pas nos lois ou ne s’y oppose. Nous n’aimons pas nous servir de titres qui impliqueraient de quelque manière que ce soit la reconnaissance d’une quelconque activité religieuse, bien que le respect pour une telle activité soit absolu. La laïcité de l’État est notre principe fondamental : la garantie de notre liberté” . “L’Église se gardera bien de diminuer ou mettre en discussion une telle laïcité, – conclut Mgr. Roncalli. Je suis optimiste. En toute chose, je cherche à développer plutôt ce qui unit que ce qui divise.
Étant d’accord sur les principes naturels, nous pouvons faire un bout de chemin ensemble. Il vaut mieux avoir confiance. Pour ma part, j’ai déjà introduit la langue turque dans l’Église…” Cette conversation tranquille, exprimée en un subtil langage diplomatique, éveille la sympathie réciproque des deux interlocuteurs, qui se retrouveront tous les deux à Paris, l’un en qualité de nonce, l’autre comme ambassadeur. A Paris, les deux pourront s’exprimer plus librement, et se manifester ces sentiments qu’à Ankara ils avaient dû taire ou sous-entendre.
Le colloque d’Ankara est important, car on y discerne déjà le signe des temps nouveaux que Jean XXIII proclamera depuis la Chaire de Pierre et que le Concile Œcuménique Vatican II proclamera dans sa constitution sur l’Église face au monde » (58).
“La laïcité de l’État est l’un de nos principes fondamentaux”. A ces mots, Roncalli répond que “l’Église se gardera bien de diminuer ou de mettre en discussion une telle laïcité” ! Ce sont des paroles très graves, que la diplomatie elle-même ne peut justifier dans la bouche de celui qui représentait le Pontife Pie XI, lequel avait solennellement enseigné que « la peste qui infecte la société, (…) la peste de notre temps, c’est le laïcisme, ses erreurs et ses attentats impies » ( Encyclique Quas Primas sur la Royauté sociale de Jésus-Christ, 11-12-1925 ). Face à de telles affirmations on peut légitimement se demander si en 1937 Mgr. Roncalli était encore catholique.
Du vernis sur le dogme…
… certes pas pour le faire resplendir davantage, mais pour l’effacer. Que le lecteur ne soit pas étonné si nous attribuons un tel geste à Mgr. Roncalli : celui qui envoie aux oubliettes les encycliques du Pape ( Mortalium Animos contre l’œcuménisme, Quas primas contre le laïcisme ) ne se fait pas de scrupules. Le geste “prophétique” ( mais de faux prophète ) fut fait sur l’ordre même du Délégué Apostolique. Tout le monde sait que nous les catholiques, contrairement aux “orthodoxes”, nous croyons que dans la Sainte Trinité le Saint Esprit procède du Père et du Fils, et non du Père seul ( Qui ex Patre Filioque procedit ). Combien de fois ne l’avons nous pas chanté à la Messe, dans le Credo, ou au Salut du Très Saint Sacrement, dans le Tantum Ergo (procedenti ab Utroque). A Lyon, à l’occasion du Concile d’union avec les orientaux, les Pères firent même chanter trois fois le Filioque dans le Credo ! Le P. Spinelli écrit qu’au contraire… « la vocation pastorale et œcuménique de Roncalli se manifestait de plus en plus par des gestes particulièrement significatifs, tel l’effacement du Filioque qui avait été écrit à grandes lettres sur la façade de la délégation apostolique, en signe de polémique ouverte avec les orthodoxes » (59).
Les ratures œcuméniques se poursuivront avec le Concile.
Rencontres œcuméniques
« En outre, (…) il rencontre certaines personnalités haut-placées dans la hiérarchie orthodoxe, ouvrant ainsi la voie à ces contacts fraternels entre l’Orient et l’Occident ( non ! Entre hérétiques et catholiques ! N.d.a. ), qui constitueront la principale préoccupation de son pontificat » (59). « Il fut même le premier dignitaire de l’Église Catholique à visiter le célèbre monastère orthodoxe du Mont Athos en Grèce. Cette visite fut tout autre chose aussi qu’une simple visite touristique. Ses yeux regardaient déjà la diversité des Églises chrétiennes dans une perspective œcuménique » (Tanzella) (60). Les rencontres avec les membres de la hiérarchie “orthodoxe”, déjà commencées en Bulgarie, se multiplient: le 25 mars 1927 il a une entrevue avec le “patriarche” œcuménique Basile III, en 1936 « il est présent aux funérailles du patriarche œcuménique Photius II, et présente ses congratulations à son successeur Benjamin I » (61), le 27 mai 1939 il se rend au Fanar ( le siège du “patriarche” à Constantinople ) auprès du même Benjamin I, et les deux se donnent un “chaleureuse” accolade. « Dans la tradition orthodoxe, le “baiser de paix”, l’accolade, a une valeur hautement symbolique. Après une si longue période d’inimitié, le “baiser de paix” entre Benjamin I et le représentant du Pape, Roncalli, préfigure l’accolade qu’échangèrent en janvier 1964 à Jérusalem les Patriarches frères, Aténagoras et Paul VI (…). Cet heureux résultat – évidemment, je cite Hebblethwaite – est représentatif des conséquences de la méthode œcuménique de Roncalli, telle qu’elle a été décrite par le révérend Austin Oakley, représentant personnel de l’archevêque de Cantorbéry ( en réalité, non pas évêque, mais laïc protestant ! N.d.a. ) auprès du patriarche œcuménique, le premier anglican qu’il lui fut donné de connaître. Roncalli pense aux longues échéances. On ne peut espérer abattre les murs élevés entre les chrétiens par leurs divisions (sic !), mais, affirme Roncalli, “je cherche à enlever quelques briques par ci par là”. Il applique ainsi, et dans le même contexte, la maxime gutta cavat lapidem, la goutte d’eau creuse le rocher (cf. M. Trevor, Pope John. Macmillan, Londres, 1967, p. 177) » (62).
Peu de temps auparavant, le 10 février 1939, Pie XI était décédé. « Le Délégué Apostolique célébra les obsèques à Istanbul, ne réservant au rite latin que les cinq dernières absoutes solennelles au cercueil, et représentant ainsi le Pape disparu comme si celui-ci avait lui aussi été œcuméniste » (63).
Outre la Turquie, Roncalli devait aussi s’occuper de la Grèce, pays à la sévère législation anticatholique voulue par le clergé “orthodoxe” : interdiction de “prosélytisme”, interdiction de résidence pour les prêtres étrangers, obligation de célébrer les mariages mixtes devant un ministre “orthodoxe”… La venue en Grèce de Roncalli, qui devait préparer un “modus vivendi” avec le gouvernement, irrita l’antipapisme des grecs, lesquels « sollicitèrent une rencontre avec les anglicans de Londres; (…) de ces réunions d’Athènes sortit la reconnaissance de la validité des Ordres Sacrés de l’église Anglicane, contre laquelle Léon XIII s’était déjà prononcé.
Tant les Anglicans que les Orthodoxes s’attendaient à une réaction négative du Délégué, ne serait-ce qu’à travers un rappel de la sentence du grand pape Léon » (64). Ils n’avaient pas tenu compte de l’extraordinaire capacité d’avaler les couleuvres que possédait Roncalli! « Monseigneur ( Roncalli ), qui n’intervenait pas officiellement dans la question des mariages mixtes, si ce n’est pour nuancer les positions belliqueuses de certains ( catholiques. N.d.a. ) criant à l’empiétement de l’État et à la persécution, ne fut pas pris au dépourvu. Il dit : ”je ne me plains pas du fait que les frères séparés aient fait le premier pas vers l’unité”.
Londres anglicane et Athènes orthodoxe se regardèrent étonnées. Décidément : le Délégué de Rome les dépassait ( Tanzella ) » (64). Pas de doute, il les dépassait vraiment, vu que les seules interventions du représentant du pape étaient dirigées contre les catholiques qui protestaient, et non pas contre les hérétiques qui persécutaient et faisaient alliance. Le silence de Roncalli servit-il au moins à obtenir le fameux “modus vivendi” avec le gouvernement, qui aurait allégé la persécution ? Que nenni ! Le P. Tanzella lui-même, quelques lignes plus loin, rapporte que le « modus vivendi, déjà prêt à Rome, resta à Rome » (64).
Le travail commencé en 1935 échoua ainsi en 1939. Mais les couleuvres avalées par Roncalli auront servi à quelque chose: en réussissant à faire parvenir au chef gréco-orthodoxe Damaskinos, à travers le Vatican, des aides humanitaires destinées aux populations affamées par la guerre, Roncalli mérita d’ajouter le dur athénien à sa collection de barbus orthodoxes “chaleureusement embrassés” (1941) ! (65).
La question Rose Croix
La deuxième guerre mondiale avait éclaté en septembre 1939. Dans un autre épisode nous suivrons l’œuvre de Roncalli au cours de la guerre, œuvre qui eut pour théâtre en grande partie encore Istanbul ( jusqu’au 24 décembre 1944 ). Mais auparavant, par souci d’exactitude, il nous faut encore mentionner l’initiation présumée de Mgr. Roncalli à la société secrète des Rose Croix, initiation qui aurait paraît-il justement eu lieu pendant son séjour en Turquie. Voici ce qu’en dit un auteur catholique particulièrement bien informé sur la Franc-maçonnerie, Giovanni Vannoni, commentant le fait que “avant le nouveau courant instauré sous Jean XXIII” “l’attitude antimaçonnique” était “une habitude bien enracinée dans le monde catholique”. Giovanni Vannoni écrit donc : « Sur Angelo Roncalli, cf. Pier Carpi, “Les prophéties du Pape Jean. L’histoire de l’humanité entre 1935 et 2033”, Rome, 1976. L’auteur, qui s’était déjà fait connaître par une biographie sur Cagliostro (éd. Meb) et une enquête sur “Les Marchands de l’occulte” (éd. Armenia), soutient en ce livre qu’en 1935, étant Délégué Apostolique en Turquie, Roncalli avait été initié dans une société secrète dont il ne mentionne pas le nom. L’auteur toutefois décrit la cérémonie d’initiation (p. 53 ss.), qui laisse supposer qu’il s’agit d’une franc-maçonnerie templariste, du type de celle qu’a étudiée Le Forestier. En faisant son entrée dans l’ordre, Roncalli aurait pris le nom de Johannes, le même qu’il prendra pour son pontifcat. La source de Pier Carpi serait une personne âgée affiliée aux Rose Croix ( “Les Prophéties…” , cit. p. 35). L’auteur rapporte aussi que Roncalli aurait participé à une séance quelques semaines après son initiation, toujours en Turquie, dans un temple de l’Ordre. (…) » Pendant cette réunion, Roncalli aurait fait des prophéties. « Une partie de ces prétendues prophéties a été publiée dans le livre, qui se veut une apologie catholique de l’exotérisme johannique (cf. à ce propos : “Lettres inédites de Stanislas de Guaïté”, cit. p. 126/9) et du pape Jean XXIII lui-même. L’authenticité de l’ensemble est plus que douteuse, bien que le cas soit d’après nous digne d’être mentionné » (66).
Je partage le jugement de M. Vannoni. L’authenticité est très douteuse, et nombre de traditionalistes ne devraient pas se fier au seul témoignage de Pier Carpi. Car il n’y a que sa parole pour attester l’initiation. Parole de franc-maçon, certes (67), mais toutes les informations sur la Franc-maçonnerie et sur ses membres ne sont pas à prendre comme des vérités indiscutables, comme nous avons eu l’occasion de rappeler dans un article sur le Cardinal Liénart (Sodalitium, édition française, n. 19, pp.32-33 ). Ne soyons pas étonnés, par exemple, si un franc-maçon nous dit qu’un tel l’est aussi quand il ne l’est pas, ou que tel autre n’est pas franc-maçon alors qu’il l’est, ou que tel autre encore est franc-maçon et qu’il l’est vraiment… en ajoutant toute sorte de détails faux ou grotesques pour laisser entendre qu’il ne l’est pas ! Voici ce qu’affirme Nina Berberova sur la sincérité des francs-maçons : « Remarquons également que les francs-maçons eux-mêmes, dans leur transmission orale du passé, dans leur correspondance avec les “profanes”, et tout particulièrement dans les rares et peu convaincants : “mémoriaux” rédigés souvent négligemment et parfois beaucoup d’années après les faits, ont recouru en des cas exceptionnels à leur droit de faire usage du “mensonge préservateur”, qui les dispense du secret ( privilège accordé à tout franc-maçon à partir du troisième degré ) et qui lui permet de nier, contre toute évidence, un fait réel.
Nous en arrivons donc à la déduction suivante qui est indiscutable : l’avantage du témoignage indirect – mieux encore s’il s’agit de plusieurs témoignages sur celui des Frères eux-mêmes, qui jouissent du privilège propre de toute société secrète, c’est-à-dire celui de nier ce qui fut, en d’autres termes, celui du mensonge légalisé » (68). De plus, le seul témoin, Pier Carpi justement, offre à ses lecteurs un curriculum vitae à laisser perplexe : « collaborateur de Oggi ( hebdomadaire illustré ), Il Giorno ( quotidien à scandales ), Annabella ( hebdomadaire féminin ), Giallo Mondadori ( romans noirs ), Il Corriere dei Piccoli ( bandes dessinées ), et d’autres magazines étrangers. Il est en plus directeur éditorial de la maison Sansoni ; éditeur et directeur de l’édition italienne de Crepy et Horror ( bandes dessinées d’épouvante), l’unique revue de l’insolite, et plusieurs séries de livres humoristiques, fantastiques et autres bandes dessinées. Parmi ses livres : “Magia” ; “Noël noir” ; “Le Magicien” ; “Le mystère de Sherlock Holmes” ; “La mort facile” ; “Le nouveau Satyricon” ; “Quelqu’un l’a-t-il vu ?” ; “Le Journal de Pupa” ; “Les Sociétés secrètes…” Il est considéré comme l’un des principaux experts d’histoire et philosophie des religions, d’ésotérisme et mystériosophie. Il prépare un roman, “Les Fils du Serpent”, une analyse ésotérique de l’Évangile et une biographie de Raspoutine, qu’il tentera de réhabiliter, ainsi qu’il l’a fait ces dernières années avec le comte Cagliostro. Il est républicain » ! (69).
On se demande à ce point à quel genre littéraire appartiennent les “révélations” de Pier Carpi sur Jean XXIII : l’histoire, les bandes dessinées, le roman noir ou l’épouvante !
Et alors, pourquoi suivre Vannoni et donner une information si peu fondée ? Parce que d’autres arguments, bien plus sérieux, permettent d’établir peut-être pas une initiation, mais certainement une collusion entre Roncalli et la Franc-maçonnerie. On en reparlera…
Notes:
- Sur les agissements du Card. Gasparri sous Benoît XV, cf. Sodalitium, n.24 –p.11,13 -– note 31. Quant aux rapports de Gasparri avec la Franc-maçonnerie, on pourra compléter ce qu’on a déjà dit par une allusion peut-être voilée de G. Spadolini dans “Le Card. Gasparri et la question romaine” (avec des extraits des mémoires inédites). Le Monnier, Florence, 1972, p.54.
- Spadolini, op.cit. – pp.51-4. L’auteur fait remarquer (p.51) que la “confessionnalité” du parti démocrate-chrétien de don Sturzo était “inconcevable à l’époque du pape Sarto”.
- Notre jugement sur la conciliation entre l’État et l’Église en 1929 a été donné dans un article de don Curzio Nitoglia “Le pouvoir temporel des Papes et les concordats de 1929 et de 1984”, Sodalitium n°19, éd. Italienne – pp.19-23. On lira avec intérêt mais avec précaution l’ouvrage de Vannoni “Massoneria, Fascismo e Chiesa Cattolica”, Laterza, 1979, où la question est traitée au chapitre IX.
- Hebblethwaite, “Jean XXIII, Le pape du Concile”, Ed. Le Centurion. 1988, p.153.
- Hebblethwaite op.cit – p.124. Les notices sont tirées du journal du Card. Gustavo Piffl, evêque de Vienne.
- Hebblethwaite op.cit – p.124-5. Spadolini op.cit – pp.249-75.
- Spadolini op.cit – p.275 – (7*) p.269 – (7**) p.275.
- Certains aspects historiquement négatifs du pontificat sont en effet à attribuer au Card. Gasparri, tels la condamnation de l’Action Française ( “condamnable mais non à condamner”, selon St. Pie X, pour ne pas favoriser les catholiques démocratiques ), l’approbation des Associations Diocésaines en France ( pour remédier, selon l’expession de Gasparri, à “la plus grave erreur” de St. Pie X, à savoir : “la condamnation des Associations Cultuelles” qui avait amené à la rupture avec le gouvernement ), l’abandon des “Cristeros” entre les mains du gouvernement maçonnique mexicain, nonobstant le massacre prévisible et advenu de ces défenseurs de la Foi…cf. Spadolini, op.cit – pp.10-1.
- Giovanni Spinelli, Rubrique : “Giovanni XXIII”, in Bibliotheca Sanctorum, Prima appendice, Città Nuova Ed, Roma 1987, col.578.
- Hebblethwaite op.cit. – pp.132-3.
- Hebblethwaite op.cit. – p.134.
- Hebblethwaite op.cit. – p.133. “Cinquantesimo anniversario”, L. Capovilla, Ed. Storia e Letteratura, Roma 1987 – p.33.
- Hebblethwaite op.cit. – p.135.
- Hebblethwaite op.cit. – p.136.
- Istituto Paolo VI. “Giovanni e Paolo. Due Papi. Saggio di corrispondenza (1925-62)” aux soins de L. Capovilla, Ed Studium 1982 – pp.25-7.
- Hebblethwaite op.cit. – p.136. A Fappani-Molinari, “Lettre de Montini, 9 avril 1925. Le jeune Montini”, Marietti Turin 1979.
- Spinelli op.cit. – col.578.
- Hebblethwaite op.cit. – pp.135-6.
- Le livre de l’abbé Bonneterre réunit les articles qu’il publia enre 1978 et 1979 dans la revue de la Fraternité St. Pie X Fideliter. Il est très intéressant lorsqu’il parle des précurseurs de ce “mouvement liturgique” qui déboucha sur la réforme liturgique de Vatican II; les principes exposés sont bons, même si les conclusions sont réticentes pour cause d’ “orthodoxie” lefebvrienne ( par ex. concernant les réformes de Jean XXIII ). Le succès de cette première œuvre obnubila-t-il l’auteur ? Quoiqu’il en soit, une deuxième série d’articles sur St. Pie X ( “Hommage à Saint Pie X” . Fideliter n°21-5, mai 1981-février 1982 ) fut désastreuse pour la réputation du Pape en question, et n’est intéressante que pour vérifier jusqu’à quel point le libéralisme et le progressisme s’étaient infiltrés dans la Fraternité. Aucune réédition n’a heureusement réuni en un seul volume ces articles contre le catholicisme intégral et les collaborateurs de St. Pie X.
- “Histoire de l’Église” dirigée par Hubert Jedin. Jaca Book, 1880, vol. X/I –p.237.
- Sodalitium n°22 – pp.16-7, voir aussi n°23 – p18, note 16.
- Bonneterre op.cit. dans le texte; p.34.
- Bonneterre op.cit. – p.36.
- Aloïs Simon, “L’influence de l’Église sur la vie politique dans l’entre deux-guerres”. Dans Res Publica, revue de l’Institut Belge de Sciences Politiques, vol.IV, 1962-4 – pp.387 ss. Cité par P. M.Bourguignon dans “Actualité de Mortalium Animos”, dans Didasco ( périodique bimestriel antilibéral ), n°51, janv./fév. 1989–p.4-5.
- Cf. (23).
- Bonneterre op.cit – p.38.
- Bonneterre op.cit – p.85.
- Déclaration des “évêques” anglicans à la conférence de Lambeth (1930): « Depuis la mort du Card. Mercier, les Conversations sont interdites, et il est fait interdiction aux catholiques romains de prendre part à une quelconque conférence sur l’unité. Le comité se déclare convaincu de la valeur de telles conversations conduites avec franchise et regrette qu’à cause de l’intervention du Pape toute rencontre de ce genre soit désormais interdite et que les catholiques romains se soient vus interdire la participation aux discussions. Ce regret…est partagé par de nombreux membres de l’Église romaine. Ils regrettent pareillement que dans l’encyclique ( Mortalium Animos de 1929 ) soit proposée la méthode de l’absorption complète, excluant celle présentée par les Conversations ( de Malines ) comme, par exemple, dans… “L’Église anglicane unie mais pas absorbée” ». Cité par Sonya A. Quitslund: “Beauduin. A prophet vindicated”. New York, 1973-p.76; et par Didasco, op.cit. – p.2.
- Louis Bouyer. “Dom Lambert Beauduin, un homme d’Église”. Castermann, 1964-pp.133-5.
- Hebblethwaite op.cit – pp.142-3.
- Bonneterre, op.cit – p.41. Remarquons que Mercier était mort en 1926. Bonneterre l’appelle “protecteur sans doute inconscient de Dom Beauduin”. On a vu au contraire combien il était conscient de ce qu’il faisait !
- Bouyer op. cit. – pp.135-6 et 180-1.
- P. Maurizio Gordillo S.J., Enciclopedia Cattolica, rubrique: Ecumenismo, col.64-6, vol.V, Città del Vaticano 1949.
- “Deux modernistes témoins de leur temps: le Père Yves Congar et le Père Chenu” dans “Fort dans la Foi” n°53 avril 1978-p.287.
- Cf. l’idée de “communion imparfaite” (Unitatis Redintegratio, n°3 ) entre l’Église Catholique et les sectes non catholiques, ainsi que l’affirmation que ces dernières sont aussi des moyens de “salut” ( ibidem, n°3 ).
- D’autres princes catholiques ont apostasié pour une couronne terrestre et passagère. Citons par exemple : la Maison de Bavière pour le trône grec, celle de Hohenzolern-Sigmaringen pour le trône roumain, celle de Saxe, justement pour le trône bulgare. Aucune d’entre elles ne règne actuellement. S’ils avaient suivi le conseil que Léon XIII avait donné à Ferdinand de Bulgarie, c’est-à-dire d’abdiquer plutôt que de faire “une offense à l’Église, si scandaleuse de la part d’un prince catholique” (cf. Enciclopedia Treccani, t.XV-p.5 ), ils auraient au moins sauvé la couronne éternelle dans le Ciel. Signalons que Paul VI non seulement n’a pas excommunié Henri de Laborde de Monpezat, qui se fit luthérien pour épouser la future reine du Danemark, mais qu’il le reçut avec toutes les honneurs en audience privée. Puissance de “Vatican II”, qui transforme tous les maux en biens et les biens en maux…
- Dans le canon de la Messe, en effet, l’on prie “pro Ecclesia tua Sancta Catholica…una cum famulo tuo Papa nostro N., et Antistite nostro N., et omnibus orthodoxis atque catholicæ et apostolicæ fidei cultoribus”. Signalons en passant l’incohérence ( et pire ) qui consiste à nommer des personnages qui profèrent habituellement l’hérésie, et qui pour cela ne peuvent pas posséder l’Autorité, in primis parmi les “orthodoxes qui professent la foi catholique et apostolique”.
- Hebblethwaite op.cit. – p.142.
- Le “Concile Vatican II” et la législation post-conciliaire ont entièrement démoli la législation catholique du mariage mixte, en substituant à la “très sévère interdiction” du can.1060 un encouragement de Jean Paul II à de telles unions. Pour lui, les familles à religion mixte “doivent accomplir la tâche difficile de devenir artisanes d’unité” ( 16-06-1985 ) et “d’affirmer la dimension œcuménique que possède nécessairement la famille” (06-12-1981) ( cf. G. Celier : “La dimension œcuménique de la réforme liturgique”. Fideliter, 1987-pp.71-80 ). Et même si le nouveau code s’arrête à mi-chemin ( “canons” 1124-9 ) les conférences épiscopales d’un grand nombre de pays, avec l’autorisation du canon1126, contredisent le droit divin lui-même en prévoyant l’éducation non catholique des enfants (cf. G. Celier, op.cit. – pp.78-80, où il est question des Conférences Episcopales du Congo et de l’Allemagne ).
- Hebblethwaite op.cit. – pp.158-60.
- Padre Paolo Tanzella s.c.j. “Papa Giovanni”. Ed. Dehoniane, Andria 1973 – pp.108,115.
- Cf. (39).
- Cf. (40).
- Cf. (39).
- Padre Tanzella, op.cit – p.116.
- Breviarium Romanum, lectio V, ad Matutinum. Evidemment, dans sa réforme liturgique, que la Fraternité de Mgr. Lefebvre a adoptée, Jean XXIII a supprimé l’éloge ecclésiastique à St. Casimir, directement opposé à la “liberté religieuse”.
- Padre Tanzella op.cit. – p.117.
- Giovanni XXIII, “Il giornale dell’anima”.Ed. Storia e Letteratura, Roma 1967-p.231.
- Hebblethwaite op.cit. – p.148. Qui cite d’autres lamentations de Roncalli dans son journal du 28 avril au 4 mai 1930.
- Hebblethwaite op.cit. – p.135.
- Padre Tanzella op.cit. – p.125.
- Hebblethwaite op.cit. – p.161.
- Hebblethwaite op.cit. – pp.166-7.
- Padre Tanzella op.cit. – pp.126-7.
- Cf. (53).
- Cf. (54).
- Cf. (53).
- Hebbelthwaite op.cit. – p.171.
- Padre Tanzella op.cit. – p.128.
- Padre Tanzella op.cit. – pp.132-3.
- Spinelli op.cit. – col.579.
- Cf. (59).
- Cf. (58).
- Hebblethwaite op.cit. – p.181.
- Cf. (60).
- Padre Tanzella op.cit. – pp.138-9.
- Padre Tanzella op.cit. – pp.143-5.
- G. Vannoni op.cit. – pp.170, 185-6.
- Son nom apparaît dans la célèbre Loge P2 ( cf. Emilio Innocenti. “Inimica Vis”. Chez l’auteur, Rome, 1990 – p.34 ). Les “Edizioni Mediterranee” qui ont publié le livre intitulé “Les Prophéties du pape Jean” sont d’ailleurs aussi proches de la Franc-maçonnerie.
- Nina Berberova “Les Francs-maçons russes du XXèsiècle”, Les éditions noir sur blanc. Aetes Sud, 1990 – pp.10-1. Traduction de l’original en russe de 1986.
- Curriculum extrait de la couverture du livre de Victor Emmanuel de Savoie. “Io, Vittorio Emanuele, principe in esilio”. Mémoires éditées par Pier Carpi. Éd. Meb., Turin, 1973. Amis de jadis ( ils ont écrit un livre en collaboration ), Pier Carpi et le prince Victor Emmanuel se sont disputés récemment ( si mes souvenirs sont bons ). Victor Emmanuel lui-même est d’ailleurs proche de Giordano Gamberini, ancien Grand Maître de la Maçonnerie, comme l’a indiqué le quotidien milanais “Il Giornale”.