Une source de découragement peut être l’imprudente tendance de rechercher hors de la religion catholique des points de référence ou bien d’attribuer, à l’intérieur de l’aire conservatrice/traditionaliste, le brevet d’orthodoxie à des personnes non fiables. Le résultat est de prendre pour argent comptant tout ce que ces personnes disent ; dans le premier cas, sans s’apercevoir de la pénétration dans nos milieux de doctrines inconciliables avec la doctrine catholique et, dans le second cas, grâce à la tactique rodée de la ‘gestion de l’opposition’, de suivre d’apparents défenseurs de la Foi.
On oublie alors que le Magistère de l’Église et les auteurs qui lui sont les plus fidèles devraient suffire pour donner au bon catholique des points fermes pour se protéger de la subversion omniprésente. Et qu’il ne suffit pas de sembler être du bon côté si ensuite, sur les choses essentielles (l’autorité dans l’Église, être en communion avec les innovateurs, la validité des nouveaux rites), on n’a pas les idées claires.
Dans la pensée des mauvais maîtres acatholiques peut-être y a-t-il la foi en la divine Providence qui régit tout et permet tout ? Le rôle de la grâce et de l’action du Saint-Esprit émerge-t-il peut-être dans les affaires humaines ? Peut-être parle-t-on du mérite surnaturel dans l’affrontement des situations les plus graves et douloureuses ? Absolument pas, c’est une vision, uniquement sous le signe du naturalisme (une des colonnes de la franc-maçonnerie…), sans la conscience que la vie terrestre prépare la vie éternelle. Et dans la voie tracée par tant d’“hommes providentiels” qui poussent comme des champignons sur les blogs et les réseaux sociaux, peut-être y a-t-il le primat de la Foi dans les choix fondamentaux de la vie chrétienne, envers ceux qui occupent les sommets de l’Église ou dans la manière de sanctifier les fêtes (avec le nouveau ou l’ancien rite, avec messe una cum ou non una cum) ?
Les marchands de fumée des deux catégories examinées, pour avoir visibilité et consentements, souvent “gasconnent”, avec des projections catastrophiques sur l’avenir ou en exagérant de manière quasi obsessionnelle certaines questions, sans doute réelles mais non insurmontables, qui sont décrites au contraire comme des murs infranchissables, comme des abîmes qui vont engloutir l’humanité entière. Ou bien (dans la ‘gestion de l’opposition’), ils décrivent l’Église comme si elle avait été vaincue par l’ennemie et était devenue un foyer d’erreurs et de tromperies diaboliques, et même celui qu’ils considèrent comme étant le légitime Vicaire du Christ serait devenu un précurseur ou carrément l’Antéchrist lui-même (le principe de non contradiction évidemment est… vacant !). Le résultat ? Nombre de braves, mais imprudents catholiques, qui se retrouvent frustrés, anéantis, et même paralysés dans la pratique des vertus, puisqu’ils sont désormais convaincus que les ennemis ont triomphé.
Pour ne pas parler de l’autre courant néfaste, relatif à certains milieux apparitionnistes, qui de manière maladive recherchent et répandent de présumés prophéties, messages, etc., tous sous le signe du châtiment, de la catastrophe, de l’apocalypse. La conclusion est semblable à celle décrite précédemment, avec beaucoup de bonnes âmes envahies par l’agitation et par l’insécurité. Dans ce cas aussi, l’enseignement et la doctrine de l’Église ne sont pas prises en considération et ainsi, en plus de la dévastation spirituelle, les bons catholiques en ayant l’illusion de suivre la ‘voie droite’, risquent d’avaliser de pernicieuses erreurs comme le millénarisme.
Dieu est Tout-Puissant et toutes les créatures rebelles, qu’elles soient angéliques ou humaines, bien que nombreuses et féroces, n’égratignent en rien Sa toute-puissance. Une preuve tangible, bien que minime à l’intérieur de l’immense œuvre salvifique du Christ, est devant nos yeux et c’est un motif profond de réconfort, qui rend le cœur confiant, à l’abri de la tentation de découragement.
Je pense à tout le bien qu’un petit Institut sacerdotal comme le nôtre peut faire malgré les nombreux problèmes et les nombreux obstacles (“periculis in civitate, periculis in solitudine, periculis in mari, periculis in falsis fratribus”, 2 Cor. 11, 26). Pensons à la célébration de la Messe et à l’administration des sacrements non altérés par les réformes : aucune prévision humaine n’aurait pu imaginer leur maintien et la diffusion, éventuellement lente mais constante, dans un nombre toujours plus grand de régions et de nations. Pourquoi ne pas souligner davantage cette immense grâce, au lieu de penser toujours et seulement aux (bien qu’indéniables) malheurs ? Tous les dimanches, des familles entières se déplacent d’une ville à l’autre, d’une région à l’autre, voire d’un pays à l’autre, pour chercher les sources de la sanctification et terminer la journée probablement fatiguées mais heureuses. Elles l’ont fait avant, pendant et après la pandémie, elles le font par beau ou mauvais temps, elles le font par amour de Dieu, de leurs âmes et de leurs proches. N’est-ce peut-être pas un motif de grande consolation ? Et les catéchismes par internet qui désormais rejoignent des centaines d’enfants et de jeunes ? Et les autres activités pour la jeunesse (réunions, colonies, camps) ? Et les exercices spirituels ? Et les pèlerinages, comme celui de Lorette qui cette année a atteint un nombre important de participants ? Et le séminaire et les noviciats de Verrua Savoia, qui permettent de former de nouveaux prêtres, de nouveaux frères et de nouvelles sœurs pour prêter main forte à ceux qui existent déjà et qui rendent possible tout ce que je viens d’énumérer ?
Tout cela manifeste l’intervention de Dieu qui n’abandonne jamais les âmes et qui permet toujours, sans doute de manière différente des temps où la Religion était à la base de la vie quotidienne, d’avoir le secours surnaturel. C’est en vertu de ce secours qu’il faut repousser le découragement, se dissocier du catastrophisme et de la capitulation psychologique face à l’ennemi.
La base doctrinale sur laquelle se fonde notre ministère, la Thèse de Cassiciacum, est un antidote au découragement. La pénétration du modernisme est impressionnante et désastreuse, et pourtant cette fois les portes des enfers n’ont pas non plus prévalu ! Le désarroi et le découragement, en revanche, sont quasi inévitables pour ceux qui continuent à considérer (encore) Bergoglio comme formellement pape et donc Vicaire du Christ. Au-delà de la propagande lefebvriste qui illusionne qui veut bien se laisser illusionner, si le “pape François” était vraiment le Chef visible de l’Église, le Père du mensonge aurait prévalu, semant l’effroi parmi les catholiques. Il n’en est pas ainsi, puisque tout le mal que l’on voit et que l’on entend ne vient pas de l’Église mais des ennemis qui l’occupent.
Alors, au lieu de trop s’inquiéter pour l’avenir, recherchons la sanctification de l’heure présente par la fidélité au devoir d’état et la correspondance aux grâces que nous recevons de notre Sauveur. Le Sacré-Cœur de Jésus, que nous invoquons au mois de juin et Son Précieux Sang, objet de la dévotion au mois de juillet, doivent être les puissants secours pour une vie chrétienne vigilante mais non paralysée, affligée par les nombreux maux de l’heure présente mais non désespérée, toujours sous le manteau protecteur de Marie Auxiliatrice.
Abbé Ugo Carandino