« As-tu des enfants ? Éduque-les » (Ecclésiastique VII,23)

(Extrait de Sodalitium n°22 de novembre-décembre 1990)

Par M. l’Abbé Giuseppe Murro

C’est le grand problème des familles : « Vous savez, mon fils n’est pas un jardin de vertu », « Le mien est une peste », « Mon fils est une catastrophe », « Les miens ? ils me désespèrent ».

On dit qu’ils sont petits, qu’ils ne comprennent pas, que lorsqu’ils seront plus grands, ils deviendront meilleurs. Voire ! L’expérience montre que de nombreuses fois, devenus grands, ils sont bien différents de ce qu’on espérait, ils deviennent presque des étrangers pour leurs parents, qui cependant ont sué, travaillé pour eux, fait des sacrifices et « tiré le diable par la queue » pour leur procurer le nécessaire, ils ont renoncé à avoir une « vie » pour qu’ils ne manquent de rien. Et alors, à qui la faute ? aux enfants ? au Seigneur qui commande d’avoir des enfants et de les éduquer ? à la société qui, au lien d’aider, complique ce problème ? au Seigneur encore qui nous fait vivre Sans avoir tous les moyens nécessaires dans cette époque de corruption ?

Cependant c’est aux parents que Saint Paul s’adresse : « Pères, ayez soin de bien les élever en les corrigeant et les instruisant selon le Seigneur » (Éphésiens 6,4).

À qui revient l’éducation

L’éducation est une œuvre sociale et non solitaire ; il y a trois sociétés nécessaires que Dieu à établies : la famille, l’État, l’Église. Les deux premières regardent l’ordre de la nature, la troisième l’ordre surnaturel. L’éducation regarde tout l’homme (individuellement et socialement, dans l’ordre naturel et dans l’ordre surnaturel) et donc le combat de l’éducation appartient à ces trois sociétés de façon proportionnée selon l’ordre de la providence établie par Dieu. De l’État, nous nous limiterons à dire qu’il doit promouvoir et protéger la famille et l’individu ; l’école est une institution subsidiaire de la famille et de l’Église, et donc elle doit s’accorder avec elles.

L’Église

Dieu nous a créés à son image et à sa ressemblance, et nous a destinés à lui, perfection infinie. Les biens terrestres sont pour cela insuffisants à nous donner le vrai bonheur et la perfection à laquelle quelquefois nous nous sentons appelés. C’est pourquoi l’éducation, en tant qu’elle est une étape de notre perfection, dépend de Dieu notre créateur. « Il est donc de suprême importance de ne pas errer en matière d’éducation, non plus qu’au sujet de la tendance à la fin dernière, à laquelle est intimement et nécessairement liée toute l’œuvre éducatrice. En fait, puisque l’éducation consiste essentiellement dans la formation de l’homme, lui enseignant ce qu’il doit être et comment il doit se comporter dans cette vie terrestre pour atteindre la fin sublime en vue de laquelle il a été créé, il est clair, qu’il ne peut y avoir de véritable éducation qui ne soit tout entière dirigée vers cette fin dernière. Mais aussi, dans l’ordre présent de la Providence , il ne peut y avoir d’éducation complète et parfaite en dehors de l’éducation chrétienne ». (Pie XI : « Divini illius magistri »).

C’est l’Église qui a reçu de Notre Seigneur Jésus-Christ la mission et l’autorité suprême de l’enseignement et de l’éducation sur tous les hommes : Jésus parle (aux apôtres) en disant : « Toute puissance m’a été donnée au Ciel et sur la terre : allez donc, et instruisez tous les peuples… leur apprenant à observer toutes les choses que je vous ai commandées ». (Mt. 28, 18-20).

C’est l’Église qui engendre, nourrit et élève les âmes dans la vie divine de la grâce, par ses sacrements et son enseignement… a le droit indépendant d’user et surtout de juger tout ce qui est utile ou contraire à l’éducation chrétienne ». (Pie XI – op. cit.).

C’est l’Église qui dirige les parents dans leur œuvre, leur indique ce qui est bien et ce qui mal, ce qui est juste et ce qui est injuste, ce qui est péché et ce qui est vertu, ce qu’ils doivent faire et ce qu’ils doivent éviter.

C’est l’Église qui dissipe les ténèbres de l’ignorance avec la lumière de sa doctrine reçue de Notre Seigneur ; qui éloigne les mauvaises habitudes avec la direction de la vie, inculquant à chacun ses propres devoirs et stimulant la charité fraternelle.

C’est l’Église qui, avec la providence maternelle et non avec une ingérence injuste comme l’affirment les partisans du laïcisme, protège ses fils des doctrines et morales empoisonnées.

C’est l’Église qui a sauvé tant de sociétés de la décadence, formant des générations entières et les éloignant des vices et de la corruption. Il suffit de se rappeler les écoles des Jésuites et des Dominicains, les œuvres de Saint Jean Baptiste de la Salle et de Saint Jean Bosco.

« Il n’aura pas Dieu pour père celui qui aura refusé d’avoir l’Église pour mère » dit Saint Augustin (De symb., ad catech. XII). Il n’est pas possible d’avoir d’éducation chrétienne sans l’Église. Il n’est pas possible d’avoir une vraie éducation sans l’éducation chrétienne. En effet cette dernière doit assurer le Bien Suprême, Dieu, à celui qui doit être enseigné et, en même temps le maximum de bien-être possible sur cette terre. Si la jeunesse n’est pas habituée au respect de Dieu, elle ne pourra supporter aucune discipline pour mener une vie honnête. Habituée à ne jamais rien refuser à sa volonté, elle portera finalement le désordre dans la société. Sans une instruction religieuse et morale droite, chaque type de formation de l’âme humaine est corrompu à la racine.

C’est pourquoi aussi est faux tout naturalisme pédagogique, héritier de Jean-Jacques ROUSSEAU qui exclut ou diminue la formation surnaturelle chrétienne, le Péché Originel, la part de la grâce : ainsi à l’exemple de la « méthode Montessori » et autres semblables qui, nous appelant à une prétendue autonomie et liberté de l’enfant, supprime ou réduit l’activité de l’éducateur : pour eux l’enfant (évidemment sans aucune trace du Péché Originel) a la primauté exclusive d’initiative et une activité indépendante de quelque loi supérieure (naturelle ou divine). L’éducation consiste donc dans le libre développement de l’activité de l’enfant : la présence de l’éducateur est secondaire et même proprement inutile pour les tenants de l’auto-éducation.

Ils sont aveugles et guides d’aveugles, ceux qui suivent de tels systèmes : qui ignorent qu’un enfant est comme une petite plante qui doit être liée à un tuteur afin qu’elle grandisse droite et saine. L’enfant, bien entendu, n’est pas naturellement bon : il suffit de voir les caprices qu’il fait quand il est laissé à lui-même. Ceux-ci, avec leurs systèmes, au lieu de libérer l’enfant, le rendent esclave de son orgueil et de ses passions désordonnées, considérées comme exigences nécessaires de son activité autonome.

La famille

« Corrige ton fils ; il t’épargnera toute inquiétude et fera les délices de ton âme » (Prov. 29,17). Pour que les fils soient bons il est nécessaire que les parents soient bons. Le premier et très saint devoir des parents est d’éduquer les enfants à l’amour de Dieu en vue de l’acquisition de la vie éternelle. Pour faire ceci, eux-mêmes doivent avoir l’amour de Dieu et chercher le Ciel avec toutes leurs forces.

« Or, cette vertu précoce qui fait aborder si heureusement les âmes aux rivages de la bienheureuse patrie, qui la peut donner aux enfants, si ce n’est vous, pères et mères, avec qui Dieu a partagé, pour ainsi dire, sa toute puissance, vous associant à ses desseins, afin que par vous le ciel se peuple d’élus ? … si nos enfants se perdent, vous êtes tenus d’en rendre compte par obligation naturelle, non écrite mais innée, non humaine mais divine, et, partant, beaucoup plus rigoureuse… Si vous négligez une affaire d’une telle importance, si vous ne prenez nul souci qu’ils soient élevés pour le ciel plutôt que pour l’enfer, qui pourra suppléer à votre négligence ? » (Saint Léonard de Port Maurice – De l’Éducation des enfants).

Les parents connaissent la responsabilité qui pèse sur leurs épaules, et n’estiment pas léger ce qui au contraire est lourd. La Providence a placé dans le cœur des enfants comme une espèce d’instinct d’imiter les parents : c’est pourquoi écrit Saint Jérôme : « L’enfant ne doit jamais rencontrer dans le père ou la mère ce qu’il ne pourrait imiter sans péché ». Si les parents savaient comprendre cela et s’ils tentaient sérieusement de le pratiquer, ils seraient les vrais auteurs de la prospérité temporelle et éternelle de leurs enfants. Ils recueilleraient en outre le mérite non seulement dans l’autre vie mais déjà dans celle-là, parce que « le fils sage réjouit son père ». (Prov. 15,20).


Maman Marguerite, mère de St Jean Bosco
(1-4-1788 — † 25-11-1856)

Les exemples abondent : il suffit d’ouvrir les Écritures et nous lisons de Joseph qu’il méprisa les flatteries impudiques de la patronne égyptienne parce que pendant sa vie de famille il écoutait les bonnes directives de son père Jacob ; Suzanne donne une héroïque fin de non-recevoir aux vieux impurs parce que « ses parents éduquèrent leur fille selon la loi de Moïse » (Dan. 13,3) ; Louis IX, roi de France, fut un saint aimé et admiré par ses sujets et par ses contemporains grâce à sa mère, Blanche de Castille, qui lui inspira l’horreur du péché : « Mon fils, lui enseigna-t-elle, je voudrais te voir mourir plutôt que d’offenser gravement Dieu ». Tous savent que « Jeannot » devint Saint Jean Bosco grâce à maman Marguerite : L’Esprit Saint le dit : « Tu as des fils, instruis-les et dresse-les dès l’enfance pour qu’ils soient dociles et savent freiner leurs caprices et leurs passions. Un cheval mal dressé devient rétif, un enfant laissé à lui-même devient mal élevé. Cajole ton enfant, il te causera des surprises, joue avec lui, il te fera pleurer. Ne lui laisse pas de liberté pendant sa jeunesse et ne ferme pas les yeux sur ses sottises. Instruis l’enfant de la voie à suivre, devenu vieux, il ne s’en détournera pas (Eccles. 7,25 ; 30, 8, 9,11 ; Prov. 22,6).

Ces vérités que Marguerite avait apprises aux instructions paroissiales, furent sa loi continuelle interprétée par l’amour maternel et chrétien et rendue toujours plus aimable par les exemples persuasifs de ses vertus. Et le petit Jean reproduit en lui toutes les vertus de sa mère (Lemoyne : « Vie de Saint Jean Bosco » vol. I chap. II).

À l’opposé, le mauvais exemple des parents engendre le mauvais exemple des fils. Élie fut un prêtre méprisant le culte divin et ses enfants furent méprisants et impies, David commit un adultère une seule fois, par faiblesse, ses enfants furent adultères et incestueux non par faiblesse mais par habitude. Si les parents sont tièdes, les enfants seront indifférents, s’ils sont pécheurs, les fils seront sans foi, s’ils sont faibles, les enfants seront capricieux et rebelles ; si le père est avare, l’enfant sera rapace ; si le père est coléreux, le fils sera meurtrier ; si le père est trop libéral le fils sera débauché.

Quelquefois, on entend un père ou une mère déclarer : « Mes enfants, Dieu me les a donnés ainsi ». Quoi ? Dieu vous les à donnés ainsi ? C’est vous qui les avez faits ainsi (Saint Léonard op. cit.). Qui a enseigné à blasphémer, sinon le père qui, à chaque petite colère, a les saints noms sur les lèvres ? Qui a enseigné les gros mots, sinon les parents quand ils parlent à la maison ou avec les amis ? Qui a mis dans l’esprit des enfants, des jeunes gens, certaines choses, sinon les pères et les mères qui – s’ils le savaient – seraient effrayés à la vue du mal qu’ils ont causé à leurs enfants qui, curieux, vont épier pour voir et savoir ce dont il n’est pas permis de parler publiquement.

Certains diront : notre famille est une famille « bien ». Sont-elles des familles bien, celles où l’on ne pratique pas les commandements, où l’on n’enseigne pas la vie chrétienne ? D’autres diront : nous sommes catholiques, nous allons à la messe le dimanche, nous avons telle et telle pratique (religieuse). Les vraies familles chrétiennes sont celles où l’on enseigne aux enfants l’amour et le respect de Dieu, où l’on prie ensemble tous les jours où l’on pratique les vertus, les renoncements et les mortifications, où l’on apprend la bonne éducation, où l’on obéit avec amour et respect aux parents, où l’on subvient aux nécessités de tous et de chacun.

Mais les familles qui vont le dimanche à la Messe, font quelques autres pratiques et c’est tout, ne sont chrétiennes que de nom. La place de Dieu est plus ou moins réduite à un jour sur sept, le reste de la semaine ils se comportent comme tous les mondains et les païens et dans les vingt-quatre heures de chaque jour ils ont à peine le temps de faire un signe de croix.

Comment éduquer

L’éducation est un rapport entre deux personnes, l’éduqué et l’éducateur : pour qu’elle ait de bons résultats il faut que l’éduqué ait confiance en l’éducateur. De quelle manière ? Il faut que l’éducateur mérite la confiance : il faut donc que les parents aiment leurs enfants, qu’ils cherchent dans toutes leurs instructions, conversations, corrections, actions, le vrai bien de cet enfant sans tomber dans une intimité qui ôte le respect, ni une sévérité et rigidité qui empêchent la confiance.

Le vrai bien

Le vrai bien est le bien spirituel : il est stupide de se préoccuper de la santé, de la nourriture, des jeux, des vacances, des études et, après, de négliger ou de fermer l’œil sur ce qui est essentiel dans cette affaire.

« Aussi, qu’y a-t-il de plus grand que de gouverner les âmes, que de former les mœurs de la jeunesse ? » (Saint Jean Chrysostome). La forme que les parents impriment dans l’âme de ce petit enfant restera pour toujours. C’est une œuvre délicate parce qu’il faut chercher le bien objectif : les parents se cherchent eux-mêmes bien des fois dans l’éducation ; que le fils ressemble à l’un plutôt qu’à l’autre conjoint, qu’il soit lié à l’un plus qu’à l’autre ; ils cherchent la consolation des enfants, leur sourire et leurs caresses, ils cherchent l’apaisement de leur sotte vanité, et c’est pourquoi ils aiment qu’on les loue, qu’on les admire, qu’on les tienne en considération et seulement pour des motifs justes. Ils cherchent leur orgueil en ayant des fils seulement courageux et capables dans leur propre famille ; ils cherchent leur propre présomption quand ils se délectent à la pensée de pouvoir commander à la baguette ; ils recherchent leur sentiment propre, quand ils craignent de les gronder ou de les punir quand c’est nécessaire.

Le vrai bien au contraire conserve les qualités naturelles du petit enfant et cherche à les faire grandir et développer ; en même temps il veille aussi sur les mauvaises inclinations, les dirigent vers le bien, extirpant ce qui est intrinsèquement mauvais.

C’est un devoir qui ne peut être seulement naturel : le Péché Originel a laissé ses blessures même sur les enfants, et il faut que la grâce reçue avec le baptême commence à opérer. C’est pourquoi l’éducation doit être faite en gardant l’action de la grâce dans l’âme des enfants. Il faut les encourager à suivre les bonnes inspirations, à faire de bonnes actions, à réciter les prières, à écouter les recommandations.

Il faut nourrir leurs âmes en leur lisant et racontant l’Histoire Sainte, les vies des Saints et d’autres épisodes qui font apprécier la pratique du bien. Il faut les instruire, leur donnant les premiers enseignements du catéchisme, afin qu’ils connaissent les vérités les plus importantes de la religion, les choses qu’il faut accomplir pour aller au Paradis.

Il faut savoir les encourager quand ils agissent bien et quand ils progressent dans les vertus de manière qu’ils sachent que Dieu est content de leur manière d’agir et combien ils doivent continuer sur cette route ; mais qu’en même temps ils ne se sentent pas loués par les parents pour empêcher la vanité d’entrer facilement dans leur âme. Il faut leur inspirer l’horreur du péché : c’est pourquoi on doit les gronder et les punir chaque fois non à cause de la fraude, du vase cassé ou des coups qu’ils se sont donnés mais parce qu’ils ont offensé Dieu. Ce qui veut dire que les parents doivent déjà intervenir quand ils voient que l’enfant est sorti de la bonne route même s’il n’a encore fait aucun mal aux autres.

La prévention

Le mieux est que l’éducateur sache prévenir les chutes des enfants ou des jeunes gens comme l’enseigne si bien S. Jean Bosco : pour cela il est nécessaire d’instruire et de surveiller toujours les enfants, de leur parler honnêtement, d’être leur guide à tout moment, de les conseiller et corriger affectueusement, de les mettre dans l’impossibilité de commettre une faute. Pour réaliser cela on doit s’appuyer totalement sur la raison, la religion et la bonté.

Bien qu’une telle manière de faire soit difficile car elle requiert un grand zèle de la part de celui qui éduque (« il doit être prêt à affronter tout dérangement, toute fatigue pour atteindre le but » écrivait S. Jean Bosco), elle est riche en avantages : elle évite les chutes, l’enfant « ne se fâche pas pour la correction donnée ou pour la punition infligée parce qu’en elle il y a toujours un avis amical et préventif qui le fait réfléchir », bien plus elle réussit à gagner le cœur de telle sorte qu’il « connaisse la nécessité de la punition et la désire presque ».

L’enfant voit dans l’éducateur « un bienfaiteur qui l’avertit, qui veut le rendre bon et le libérer des déboires, des punitions, du déshonneur. L’éducateur pourra parler avec le langage du cœur soit au moment de l’éducation soit après … une fois gagné le cœur son de protégé, il pourra exercer sur lui une grande autorité, l’avertir, le conseiller et aussi le corriger lorsque celui-ci se trouvera dans son métier et avec des devoirs d’état. La pratique de ce système est toute appuyée sur les paroles de S. Paul qui dit : Charitas benigna est, patiens est… omnia suffert, omnia sperat, omnia sustinet. La charité est bienveillante et patiente ; elle souffre tout, mais elle espère tout et supporte n’importe quel trouble. C’est pourquoi le chrétien seulement peut appliquer avec succès le Système Préventif. Raison et Religion sont les instruments que l’éducateur doit constamment utiliser, enseigner, pratiquer lui-même, s’il veut être obéi et obtenir son but (S. J. Bosco : « Le Système Préventif dans l’éducation de la Jeunesse »).

La correction

« Ne ménage pas à l’enfant la correction : si tu le frappes de la baguette, il n’en mourra pas et tu délivreras son âme de l’enfer » (Prov. 23, 13-14).

Il faut habituer les enfants à l’obéissance rapide et exacte ; et savoir punir les fautes non avec colère mais avec charité chrétienne. Ainsi dans la punition il faut regarder uniquement au bien de l’enfant : elle doit être donnée avec mesure, selon la gravité de la faute. On ne doit jamais punir quand on est entraîné par la colère : alors, au lieu du bien de l’enfant on obtiendra la satisfaction de sa propre vengeance et ce sera un désastre pour l’œuvre aussi délicate qu’est l’éducation.

Néanmoins, il arrive qu’il y ait une proportion avec les fautes qui méritent un regard sérieux, un reproche, une punition plus ou moins grande. Si peu après la punition on en vient à rire et à plaisanter, ou pire encore à cajoler surtout celui qui aura été puni, cela signifie que la punition n’était pas sérieuse et l’enfant oubliera facilement que la faute commise était un mal, et il la recommencera.

En conclusion, il faut que la correction soit faite fortement, sans faiblesse, animée par la charité dans le cœur de celui qui punit, charité qui donne le mal physique, pour apporter le bien spirituel à l’enfant, c’est-à-dire son amélioration ; et ensuite, pour lui inspirer le sens de la justice, afin qu’il sache que toute faute entraîne toujours une peine.

Quel mal font ces pères et ces mères qui par fausse tendresse et par amour déréglé ne punissent pas les fautes, de sorte que les vices se multiplient chez leurs enfants. Ce garçon crie, se dispute, « fait la pluie et le beau temps » à la maison et à l’extérieur : les mauvaises inclinations devraient être déracinées avec des menaces, des mortifications, et aussi du martinet mais le père n’a d’yeux que pour son fils et alors il se tait ou ne dit que quelques mots, ce qui ne sert à rien ; cette fille se maquille, se coiffe et ses vêtements, ses regards, ses attitudes cherchent à exciter les désirs et les regards coupables : mais elle est la « préférée » de la maman et alors, celle-ci passe outre ou fait une simple allusion que personne ne comprend. Sont-ils parents, ceux-là ? Leur amour est ainsi déréglé que dans la pratique il est comme une haine pour les enfants : que deviendront-ils ? et à qui sera la faute ?

Omnis potestas a Deo

Que les parents se rappellent toujours : s’ils ont une autorité sur leurs enfants, c’est parce que Dieu la leur a donnée. C’est un don incomparable, parce qu’ils tiennent la place de Dieu envers leurs fils : ils doivent exercer l’autorité non pour eux-mêmes, mais au nom de Dieu et donc comme Dieu l’exercerait, avec justice, avec bonté, fortement et suavement. La faiblesse des parents est un manquement envers ce devoir que Dieu leur a donné : la grâce qu’ils ont reçue pour conduire saintement leur famille est dédaignée.

C’est une omission grave dans leur devoir d’état. Méditons pour cela ce que dit S. Paul : « Proclame la parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, menace, exhorte avec une patience inlassable et le souci d’instruire ». (II Tim. 4,2). Et prenons en exemple la façon dont maman Marguerite élevait son fils : « Qui peut dire le bien que fait à un enfant le sourire maternel ? Il suscite joie et amour, il est un aiguillon stimulant pour l’accomplissement du devoir et un des souvenirs les plus agréables pour les années de l’âge mûr. Toutefois, bien que Marguerite aimât beaucoup ses fils, elle ne devait jamais leur faire de démonstration d’amour douceâtre. Aussi avait-elle soin de les habituer à une vie sobre, dure et pénible. Ainsi ils devinrent robustes » (Lemoyne op. cit.).

Les caresses et les cajoleries que tant de mamans donnent à profusion à leur enfants, au lieu de marques d’affection sont des sources de mollesse, qui engendrent facilement un relâchement dans la conduite de vie de toute la famille, avec de lourdes conséquences pour le lendemain : habitués à être élevés dans du coton, comment réagiront ces enfants devant les difficultés de la vie ? Combien seront en crise pour un rien, ils se font surprendre par un désespoir, une contrariété, un obstacle, ils cèdent facilement ou ils réagissent avec violence.

L’excessive sévérité, la rigueur, l’âpreté sont l’erreur opposée dans l’exercice de l’autorité, c’est comme un abus du pouvoir que Dieu attribue aux parents afin qu’ils conduisent au ciel leurs enfants. Bien que la dureté envers les enfants donne parfois de bons résultats, spécialement pour les personnes dociles, en pratique, elle enlève la confiance envers l’éducateur ; elle empêche l’ouverture si nécessaire des enfants envers leurs parents. En général, la dureté comporte une certaine froideur, il s’ensuit que l’on n’aime pas la vertu, la pratique chrétienne et encore moins la récompense éternelle. Aussi, les parents ne doivent-ils pas oublier les recommandations de S. Paul : « Parents, n’exaspérez pas vos enfants de peur qu’ils ne se découragent » (Col. 3,21). Que l’excès de sévérité ne soit pas dû à un endurcissement du cœur ; que cet amour – interne et aussi externe – que l’on doit avoir entre parents et enfants ne rencontre aucun obstacle ; que cet excès ne soit pas une marque d’égoïsme et de négligence des parents qui, dans cette sévérité, trouvent le moyen le plus rapide pour se tirer d’embarras dans le problème de l’éducation.

Conclusion

Prenons encore l’exemple de Marguerite Bosco pour avoir une méthode d’éducation simple et sûre, inspirée sans doute par Dieu à cette pauvre paysanne, veuve avec trois garçons. « À cette époque, il n’était pas rare de trouver dans les maisons des paysans l’Histoire Sainte ou les vies des Saints, et même à Capriglio un bon vieux avait l’habitude d’en lire quelques pages le Dimanche soir à la famille réunie. C’est dans ces lectures que Marguerite avait appris de nombreux exemples tirés de la Sainte Écriture ou de la vie des Saints à propos des récompenses que le Seigneur donne aux enfants obéissants, et des punitions par lesquelles Il châtie ceux qui désobéissent, et elle racontait souvent ces histoires à ses petits, dont elle savait exciter la curiosité et retenir l’attention, spécialement quand elle décrivait avec grande vivacité l’enfance et l’adolescence du Divin Sauveur toujours obéissant envers Sa Sainte Mère. De cette façon, Marguerite s’était tellement rendue patronne de la volonté de ses enfants, que toutes ses paroles étaient écoutées promptement avec un amour inexprimable ; et quand elle demandait quelques petits services, comme celui d’aller chercher du bois, de l’eau ou de l’herbe, ou de la paille pour les animaux, il suffisait qu’elle fasse signe à l’un, pour que l’autre y courre. Elle avait ainsi réussi à obtenir deux choses qui semblent assez difficiles à beaucoup de parents : qu’ils ne soient pas accompagnés, sans sa permission, par quelqu’un qu’ils ne connaissent pas et qu’ils ne sortent pas de la maison, sans en avoir tout d’abord demandé et obtenu la permission.

Bien qu’elle veillât ainsi attentivement sur leur conduite, toutefois sa surveillance n’était pas sombre, méfiante, récriminatrice mais, comme le voulait le Seigneur, continuelle, prudente et tendre. Elle s’efforçait de rendre chère à ses enfants sa compagnie, les amenant avec douceur à l’obéissance.

C’est pourquoi elle ne s’émouvait pas de leurs jeux bruyants, elle-même y prenait part et en suggérait de nouveaux ; elle répondait avec patience à leurs demandes enfantines et insistantes ; et non seulement elle arrivait à les écouter volontiers mais elle les faisait beaucoup parler, pour en connaître toutes les pensées qui se soulèvent dans leurs jeunes esprits et les affections qui commençaient à germer dans leurs cœurs. Et les fils, amoureux de tant de bonté, n’avaient pas de secret pour elle qui savait trouver mille expédients affectueux pour accomplir si dignement son devoir.

Parmi les très douces invitations avec lesquelles, dans les livres sapientiaux l’Esprit Saint cherche à attirer à lui l’attention filiale des âmes, il interrompt la série de ses admonestations, par ces chères paroles : « enfant, donne-moi ton cœur, et que tes yeux soient attentifs à mes voies » (Prov. 23,6). Les mêmes paroles, Marguerite pouvait les répéter à ses garçons, comme on les entendra prononcer mille fois sur les lèvres de S. Jean Bosco, lorsqu’il invitait au bien ; et pourtant nous en revenons à répéter que nous voyons en lui transfusé héroïquement ce même esprit de foi, ce zèle, cet amour de la fatigue et surtout cette charité, cette continuelle vigilance, ce besoin d’être, autant que possible, au milieu de la jeunesse, cette patience pour écouter toutes les paroles et cette attention, et cette prudence pour interroger avec laquelle il invitait à réfléchir sur sa propre conduite : de tout cela sa mère avait été pour lui une maîtresse incomparable » (Lemoyne, op. cit.).

PRIÈRE POUR SES PROPRES ENFANTS

O Dieu de bonté et de miséricorde, Vous qui avez fait des parents les ministres de votre providence sur leurs propres enfants, allégez le poids de leurs devoirs.

Vous qui avez commandé à tous les enfants d’aimer et de respecter leur propre père et leur propre mère ainsi que de leur obéir et de les secourir selon leurs forces,

Vous qui avez menacé de malédiction et de vie très courte quiconque a la témérité de les affliger par une conduite coupable,

Donnez à ma descendance la grâce de ne jamais marquer à aucune de ses obligations.

Éclairez-la donc dans son ignorance, conseillez-la dans son inexpérience, soutenez-la dans sa faiblesse et freinez-la dans ses ardeurs, afin qu’elle n’ait jamais à s’écarter de la Voie de vos commandements.

Imprégnez dans son âme le commencement de toute sagesse et votre sainte crainte. Empêchez qu’un quelconque ennemi ne tente de s’introduire dans ce champ pour y semer la zizanie.

Ainsi, ajoutant à mes nombreux conseils et exemples Votre spéciale bénédiction, faites qu’elle donne toujours des fleurs plus odorantes et des fruits plus salutaires.

Renouvelez dans ma descendance le spectacle très consolant de l’innocence d’Abel, de l’obéissance d’Isaac, de la mansuétude de Jacob, de la chasteté de Joseph, de là docilité de Tobie et de la piété de Samuel.

Et faites que, à la ressemblance de Votre fils unique incarné dans la maison de Nazareth, elle croisse chaque jour en sagesse et en grâce devant vous comme devant les hommes pour s’assurer la participation à votre règne dans le Ciel, après avoir fait la consolation de ses parents sur la terre.

Ainsi soit-il.