Cor Jesu
virtutum omnium abyssus
doce nos amare
L’œuvre visible de Jésus-Christ sur la terre est accomplie : Il siège couronné de la gloire éternelle à la droite de Dieu le Père. Nous avons contemplé, l’un après l’autre, les grands mystères de sa vie, et nous sommes restés stupéfaits, interdits, conquis : consideravi opera tua et expavi [Vendredi Saint]. Nous avons touché du doigt la profondeur de Sa justice, Sa pureté ineffable, l’excès de Son amour, la hardiesse de Sa providence pour porter au Paradis ses pauvres créatures ; nous avons commencé à comprendre que “autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées” [Is. LV, 9]. Dans notre vie quelque chose change.
Après avoir été émus et éveillés par ces mystères, pour porter un fruit plus abondant, il nous faut remonter aux causes, nous immerger dans la fournaise dans laquelle ils ont été forgés. Entrer dans le Cœur de Jésus qui a conçu, mesuré, voulu, causé chacun d’eux, et qui en eux s’est donné entièrement pour nous.
En ce mois de juin nous sommes invités à une plus grande intimité et assimilation avec Notre-Seigneur. Répondons à l’invitation : jetons-nous dans cette fournaise avec un confiant abandon, vidons-nous de tout ce qui ne vient pas de Dieu pour laisser agir en nous Son Saint Amour. « L’amour de Dieu est ce qui inspire et crée la bonté dans les choses » [saint Thomas]. Nous devons reconsidérer nos jugements et nos voies à la lumière des Siens, et nous demander si ce que nous poursuivons est vraiment bien, si cela contente le Cœur de Dieu, si cela nous conduit au Ciel. Nous devons nous confronter avec notre vrai Modèle, Jésus-Christ, le Seul dont nous sommes appelés à être l’image.
Notre sanctification personnelle est un autre mystère présent dans le Cœur de Jésus, par lui désiré et voulu. De la part de Dieu, tout est disposé. À nous il revient de le vouloir réellement : vouloir vivre de Son Amour et, pour ce motif, élever notre vie vers Lui en accomplissant nos actions de manière vertueuse.
Coopérer sérieusement avec Notre-Seigneur à réaliser son désir veut dire courir « mais non comme quelqu’un qui n’a pas de but », lutter « mais non comme qui bat l’air » [I Cor IX, 26]. C’est quelque chose de précis et de concret que Jésus demande de nous, parce qu’Il nous connait bien et sait ce qui nous sera vraiment utile. La sanctification ne s’accomplit pas en suivant un peu le hasard ou l’attrait du moment, multipliant n’importe quels actes ou prières. Demandons à Notre-Seigneur la lumière pour comprendre ce qu’Il veut de nous, et la force pour l’accomplir. C’est le but ultime qui est commun à toutes les âmes, et qui est le parfait amour de Dieu, mais pour chaque âme, ce but s’atteint par le moyen d’étapes successives, chacune desquelles représente un « point particulier », c’est-à-dire un vice à combattre ou une vertu à acquérir. Si jusqu’ici nous ne nous sommes jamais proposé un point particulier, nous devons comprendre maintenant quel est le premier sur lequel Jésus nous demande de travailler.
Dans ce but, nous proposons deux textes spirituels : dans le premier, saint François de Sales nous donne les principes, la mesure selon lesquels nos actes sont réellement vertueux : ils doivent toujours avoir les caractères d’humilité, de douceur, d’honnêteté, de tempérance, qui sont fondamentaux dans la vie chrétienne ; ils doivent être conformes, adaptés à notre devoir d’état ; ils doivent être mesurés selon qu’ils nous rapprochent de Dieu, et non selon qu’ils touchent nos sens, selon qu’ils nous plaisent, qu’ils nous flattent. Il est très utile que nous nous habituions à chercher dans nos actes une spécifique raison de bien, qui soit celle qui nous est le plus nécessaire en ce moment : pour vaincre notre défaut principal, c’est-à-dire celui de l’inclination au mal qui est le plus fort en nous, ou pour nous animer davantage au service de Dieu.
Dans le deuxième texte, Saint Alphonse trace brièvement le portrait de l’âme qui aime vraiment Jésus-Christ. Et nous-mêmes, à quel point sommes nous ? Nous pouvons retourner souvent sur ce texte. Nous avons inséré des annotations qui peuvent aider à identifier le point qui intéresse davantage chacun de nous : cette raison de bien qui doit devenir le moteur de notre vie spirituel. Que faire, une fois que ce point est identifié ? Agir, pour nous approcher toujours plus de notre Modèle.
Je vois un mal vers lequel je suis incliné ? Je commence à chercher le bien qui lui est contraire. Par exemple : 1) Je vois que je suis incliné à m’impatienter quand quelqu’un ou quelque chose m’est désagréable. Je m’appliquerai spécialement à garder le calme et à offrir ces désagréments à Notre-Seigneur, sans me laisser influencer par celui-ci. 2) Je vois que j’ai une grande estime pour ce que je fais et facilement j’ai une impression défavorable des autres et de leur manière d’agir. Je m’appliquerai à considérer avec attention mes défauts, mes limites, mes péchés, jusqu’à ce que je sois parvenu à laisser tout jugement à Dieu seul, procédant avec modestie et humilité intérieure.
Je vois un bien que je peux, que je dois concrètement faire ? je le fais. Par exemple : 1) Je vois que dans mes journées, il y a peu de place pour la prière. En accord avec un prêtre, je me fixerai quelque temps de prière auquel je ne devrai absolument pas manquer. 2) Je vois que quelqu’un qui m’est proche a une nécessité dans laquelle je peux l’assister, une difficulté que je peux secourir, un problème que je peux résoudre, ou au moins que je peux apporter quelque soutien moral et l’aider par la prière, je le fais.
Notre travail spirituel doit se concentrer sur des points très concrets pour nous, et qui sont à notre portée. Aimer Dieu est une question de faits réels. Souvent, il sera nécessaire de nous appliquer à un point particulier pendant un certain temps, plusieurs semaines, quelques mois ; nous proposant chaque matin d’y porter une attention spéciale, et examinant chaque soir si nous avons réussi à atteindre notre objectif, ou ce qui a au contraire posé obstacle pour l’atteindre ; surtout en demandant l’aide de Notre-Seigneur et son pardon pour nos chutes, et reliant continuellement cet effort au grand but d’aimer Jésus, de L’aimer davantage, de L’aimer avec plus de perfection.
Ne faisons pas ce travail seuls : recourrons au prêtre qui nous connaît le plus, en l’interrogeant sur ce que nous avons compris et que nous désirons faire ; recourrons à Notre-Seigneur dans l’Eucharistie. Souvenons-nous toujours que notre sanctification est avant tout l’œuvre de Son Amour en nous. Que ce mois de juin nous meuve particulièrement à une plus fréquente et plus fervente pratique de la Sainte Communion : « Qui demeure en Moi, et Moi en lui, porte beaucoup de fruits, parce que sans Moi vous ne pouvez rien faire » – « Ce qui glorifie mon Père c’est que vous portiez beaucoup de fruit ; et ainsi vous montrerez que vous êtes mes disciples » [Jn XV ; 5,8].
Extrait de
L’Introduction à la vie dévote
de Saint François de Sales
Du choix que l’on doit faire quant à l’exercice des vertus
Le roi des abeilles ne se met point aux champs qu’il ne soit environné de tout son petit peuple, et la charité n’entre jamais dans un cœur qu’elle n’y loge avec soi tout le train des autres vertus, les exerçant et mettant en besogne ainsi qu’un capitaine fait ses soldats ; mais elle ne les met pas en œuvre ni tout à coup, ni également, ni en tous temps, ni en tous lieux. Le juste est « comme l’arbre qui est planté sur le cours des eaux, qui porte son fruit en son temps », parce que la charité arrosant une âme, produit en elle les œuvres vertueuses chacune en sa saison. « La musique », tant agréable de soi-même, « est importune en un deuil », dit le Proverbe. C’est un grand défaut en plusieurs qui, entreprenant l’exercice de quelque vertu particulière, s’opiniâtrent d’en produire des actions en toutes sortes de rencontres, et veulent, comme ces anciens philosophes, ou toujours pleurer ou toujours rire ; et font encore pis quand ils blâment et censurent ceux qui, comme eux, n’exercent pas toujours ces mêmes vertus. « Il se faut réjouir avec les joyeux et pleurer avec les pleurants », dit l’Apôtre ; et « la charité est patiente, bénigne », libérale, prudente, condescendante.
Il y a néanmoins des vertus lesquelles ont leur usage presque universel, et qui ne doivent pas seulement faire leurs actions à part, ains doivent encore répandre leurs qualités ès actions de toutes les autres vertus. Il ne se présente pas souvent des occasions de pratiquer la force, la magnanimité, la magnificence ; mais la douceur, la tempérance, l’honnêteté et l’humilité sont des certaines vertus, desquelles toutes les actions de notre vie doivent être teintes. Il y a des vertus plus excellentes qu’elles ; l’usage néanmoins de celles-ci est plus requis. Le sucre est plus excellent que le sel ; mais le sel a un usage plus fréquent et plus général. C’est pourquoi il faut toujours avoir bonne et prompte provision de ces vertus générales, puisqu’il s’en faut servir presque ordinairement.
Entre les exercices des vertus, nous devons préférer celui qui est plus conforme à notre devoir, et non pas celui qui est plus conforme à notre goût. C’était le goût de sainte Paule d’exercer l’âpreté des mortifications corporelles pour jouir plus aisément des douceurs spirituelles, mais elle avait plus de devoir à l’obéissance de ses supérieurs ; c’est pourquoi saint Jérôme avoue qu’elle était répréhensible en ce que, contre l’avis de son évêque, elle faisait des abstinences immodérées. Les Apôtres au contraire, commis pour prêcher l’Évangile et distribuer le pain céleste aux âmes, jugèrent extrêmement bien qu’ils eussent eu tort de s’incommoder en ce saint exercice pour pratiquer la vertu du soin des pauvres, quoique très excellente. Chaque vacation a besoin de pratiquer quelque spéciale vertu : autres sont les vertus d’un prélat, autres celles d’un prince, autres celles d’un soldat, autres celles d’une femme mariée, autres celles d’une veuve ; et bien que tous doivent avoir toutes les vertus, tous néanmoins ne les doivent pas également pratiquer, mais un chacun se doit particulièrement adonner à celles qui sont requises au genre de vie auquel il est appelé.
Entre les vertus qui ne regardent pas notre devoir particulier, il faut préférer les plus excellentes et non pas les plus apparentes. Les comètes paraissent pour l’ordinaire plus grandes que les étoiles et tiennent beaucoup plus de place à nos yeux ; elles ne sont pas néanmoins comparables ni en grandeur ni en qualité aux étoiles, et ne semblent grandes sinon parce qu’elles sont proches de nous et en un sujet plus grossier au prix des étoiles. Il y a de même certaines vertus lesquelles, pour être proches de nous, sensibles et, s’il faut ainsi dire, matérielles, sont grandement estimées et toujours préférées par le vulgaire : ainsi préfère-t-il communément l’aumône temporelle à la spirituelle, la haire, le jeûne, la nudité, la discipline et les mortifications du corps à la douceur, à la débonnaireté, à la modestie et autres mortifications du cœur, qui néanmoins sont bien plus excellentes. Choisissez donc, Philothée, les meilleures vertus et non pas les plus estimées, les plus excellentes et non pas les plus apparentes, les meilleures et non pas les plus braves (1).
Saint Jean l’Aumônier
Il est utile qu’un chacun choisisse un exercice particulier de quelque vertu, non point pour abandonner les autres, mais pour tenir plus justement son esprit rangé et occupé. Une belle jeune fille, plus reluisante que le soleil, ornée et parée royalement et couronnée d’une couronne d’olives, apparut à saint Jean, évêque d’Alexandrie et lui dit : « Je suis la fille aînée du roi ; si tu me peux avoir pour ton amie je te conduirai devant sa face ». Il connut que c’était la miséricorde envers les pauvres que Dieu lui recommandait, si que, par après, il s’adonna tellement à l’exercice d’icelle, que pour cela il est partout appelé saint Jean l’Aumônier. Euloge Alexandrin, désirant faire quelque service particulier à Dieu, et n’ayant pas assez de force ni pour embrasser la vie solitaire ni pour se ranger sous l’obéissance d’un autre, retira chez soi un misérable tout perdu et gâté de ladrerie pour exercer en icelui la charité et mortification ; ce que pour faire plus dignement, il fit vœu de l’honorer, traiter et servir comme un valet ferait son maître et seigneur. Or, sur quelque tentation survenue tant au ladre qu’à Euloge de se quitter l’un l’autre, ils s’adressèrent au grand saint Antoine qui leur dit : « Gardez bien, mes enfants, de vous séparer l’un de l’autre ; car étant tous deux proches de votre fin, si l’ange ne vous trouve pas ensemble, vous courez grand péril de perdre vos couronnes ».
Le roi saint Louis visitait, comme par un prix fait, les hôpitaux et servait les malades de ses propres mains. Saint François aimait surtout la pauvreté qu’il appelait sa dame ; saint Dominique, la prédication de laquelle son ordre a pris le nom. Saint Grégoire le Grand se plaisait à caresser les pèlerins à l’exemple du grand Abraham, et comme icelui, reçut le Roi de gloire sous la forme d’un pèlerin. Tobie s’exerçait en la charité d’ensevelir les défunts ; sainte Élisabeth, toute grande princesse qu’elle était, aimait surtout l’abjection de soi-même ; sainte Catherine de Gênes, étant devenue veuve, se dédia au service de l’hôpital. Gassien raconte qu’une dévote damoiselle, désireuse d’être exercée en la vertu de patience, recourut à saint Athanase, lequel à sa requête, mit avec elle une pauvre veuve, chagrine, colère, fâcheuse et insupportable, laquelle gourmandant perpétuellement cette dévote fille, lui donna bon sujet de pratiquer dignement la douceur et condescendance.
Saint Louis pansant les malades
Ainsi entre les serviteurs de Dieu, les uns s’adonnent à servir les malades, les autres à secourir les pauvres, les autres à procurer l’avancement de la doctrine chrétienne entre les petits enfants, les autres à ramasser les âmes perdues et égarées, les autres à parer les églises et orner les autels, et les autres à moyenner la paix et concorde entre les hommes. En quoi ils imitent les brodeurs qui, sur divers fonds, couchent en belle variété les soies, l’or et l’argent pour en faire toutes sortes de fleurs ; car ainsi ces âmes pieuses qui entreprennent quelque particulier exercice de dévotion, se servent d’icelui comme d’un fonds pour leur broderie spirituelle, sur lequel elles pratiquent la variété de toutes les autres vertus, tenant en cette sorte leurs actions et affections mieux unies et rangées par le rapport qu’elles en font à leur exercice principal, et font ainsi paraître leur esprit
En son beau vêtement de drap d’or recamé,
Et d’ouvrages divers à l’aiguille semé.
Quand nous sommes combattus de quelque vice, il faut, tant qu’il nous est possible, embrasser la pratique de la vertu contraire, rapportant les autres à icelle ; car par ce moyen nous vaincrons notre ennemi et ne laisserons pas de nous avancer en toutes les vertus. Si je suis combattu par l’orgueil ou par la colère, il faut qu’en toute chose je me penche et plie du côté de l’humilité et de la douceur, et qu’à cela je fasse servir les autres exercices de l’oraison, des sacrements, de la prudence, de la constance, de la sobriété. Car, comme les sangliers pour aiguiser leurs défenses les frottent et fourbissent avec leurs autres dents, lesquelles réciproquement en demeurent toutes fort affilées et tranchantes, ainsi l’homme vertueux ayant entrepris de se perfectionner en la vertu de laquelle il a plus de besoin pour sa défense, il la doit limer et affiler par l’exercice des autres vertus, lesquelles en affinant celle-là, en deviennent toutes plus excellentes et mieux polies ; comme il advint à Job, qui s’exerçant particulièrement en la patience, contre tant de tentations desquelles il fut agité, devint parfaitement saint et vertueux en toutes sortes de vertus. Ains il est arrivé. comme dit saint Grégoire Nazianzène, que par une seule action de quelque vertu, bien et parfaitement exercée, une personne a atteint au comble des vertus, alléguant Rahab, laquelle, ayant exactement pratiqué l’office d’hospitalité, parvint à une gloire suprême ; mais cela s’entend quand telle action se fait excellemment, avec grande ferveur et charité.
Suite du même discours du choix des vertus
Saint Augustin dit excellemment que ceux qui commencent en la dévotion commettent certaines fautes, lesquelles sont blâmables selon la rigueur des lois de la perfection, et sont néanmoins louables, pour le bon présage qu’elles donnent d’une future excellence de piété, à laquelle même elles servent de disposition. Cette basse et grossière crainte qui engendre les scrupules excessifs ès âmes de ceux qui sortent nouvellement du train des péchés, est une vertu recommandable en ce commencement, présage certain d’une future pureté de conscience ; mais cette même crainte serait blâmable en ceux qui sont fort avancés, dedans le cœur desquels doit régner l’amour, qui petit à petit chasse cette sorte de crainte servile.
Saint Bernard de Clairvaux
Saint Bernard en ses commencements, était plein de rigueur et d’âpreté envers ceux qui se rangeaient sous sa conduite, auxquels il annonçait d’abord qu’il fallait quitter le corps et venir à lui avec le seul esprit. Oyant leurs confessions, il détestait avec une sévérité extraordinaire toutes sortes de défauts, pour petits qu’ils fussent, et sollicitait tellement ces pauvres apprentis à la perfection qu’à force de les y pousser il les en retirait ; car ils perdaient cœur et haleine de se voir si instamment pressés en une montée si droite et relevée. Voyez-vous, Philothée, c’était le zèle très ardent d’une parfaite pureté qui provoquait ce grand saint à cette sorte de méthode, et ce zèle était une grande vertu, mais vertu néanmoins qui ne laissait pas d’être répréhensible. Aussi Dieu même, par une sacrée apparition, l’en corrigea, répandant en son âme un esprit doux, suave, amiable et tendre, par le moyen duquel s’étant rendu tout autre, il s’accusa grandement d’avoir été si exact et sévère, et devint tellement gracieux et condescendant avec un chacun qu’il se fit « tout à tous pour les gagner tous ».
Saint Jérôme ayant raconté que sainte Paule, sa chère fille, était non seulement excessive, mais opiniâtre en l’exercice des mortifications corporelles, jusques à ne vouloir point céder à l’avis contraire que saint Épiphane son évêque lui avait donné pour ce regard, et qu’outre cela, elle se laissait tellement emporter au regret de la mort des siens, que toujours elle était en danger de mourir, enfin il conclut en cette sorte : « On dira qu’en lieu d’écrire des louanges pour cette sainte, j’en écris des blâmes et vitupères. J’atteste Jésus, auquel elle a servi et auquel je désire servir, que je ne mens ni d’un côté ni d’autre, ains produis naïvement ce qui est d’elle, comme chrétien d’une chrétienne ; c’est-à-dire, j’en écris l’histoire, non pas un panégyrique, et que ses vices sont les vertus des autres ». Il veut dire que les déchets et défauts de sainte Paule eussent tenu lieu de vertu en une âme moins parfaite, comme à la vérité il y a des actions qui sont estimées imperfections en ceux qui sont parfaits, lesquelles seraient néanmoins tenues pour grandes perfections en ceux qui sont imparfaits. C’est bon signe en un malade quand au sortir de sa maladie les jambes lui enflent, car cela dénote que la nature déjà renforcée rejette les humeurs superflues ; mais ce même signe serait mauvais en celui qui ne serait pas malade, car il ferait connaître que la nature n’a pas assez de force pour dissiper et résoudre les humeurs. Ma Philothée, il faut avoir bonne opinion de ceux esquels nous voyons la pratique des vertus, quoiqu’avec imperfection, puisque les saints mêmes les ont souvent pratiquées en cette sorte ; mais quant à nous, il nous faut avoir soin de nous y exercer, non seulement fidèlement, mais prudemment, et à cet effet observer étroitement l’avis du Sage, de « ne point nous appuyer sur notre propre prudence », ains sur celle de ceux que Dieu nous a donnés pour conducteurs.
Il y a certaines choses que plusieurs estiment vertus et qui ne le sont aucunement, desquelles il faut que je vous dise un mot : ce sont les extases ou ravissements, les insensibilités, impassibilités, unions déifiques, élévations, transformations, et autres telles perfections desquelles certains livres traitent, qui promettent d’élever l’âme jusqu’à la contemplation purement intellectuelle, à l’application essentielle de l’esprit et vie superéminente. Voyez-vous, Philothée, ces perfections ne sont pas vertus ; ce sont plutôt des récompenses que Dieu donne pour les vertus, ou bien encore plutôt des échantillons des félicités de la vie future, qui quelquefois sont présentés aux hommes pour leur faire désirer les pièces tout entières qui sont là-haut en paradis. Mais pour tout cela, il ne faut pas prétendre à telles grâces, puisqu’elles ne sont nullement nécessaires pour bien servir et aimer Dieu, qui (2) doit être notre unique prétention ; aussi bien souvent ne sont-ce pas des grâces qui puissent être acquises par le travail et industrie, puisque ce sont plutôt des passions que des actions, lesquelles nous pouvons recevoir, mais non pas faire en nous. J’ajoute que nous n’avons pas entrepris de nous rendre sinon gens de bien, gens de dévotion, hommes pieux, femmes pieuses ; c’est pourquoi il nous faut bien employer à cela ; que s’il plaît à Dieu de nous élever jusques à ces perfections angéliques, nous serons aussi des bons anges ; mais en attendant exerçons-nous simplement, humblement et dévotement aux petites vertus, la conquête desquelles Notre Seigneur a exposée à notre soin et travail : comme la patience, la débonnaireté, la mortification du cœur, l’humilité, l’obéissance, la pauvreté, la chasteté, la tendreté envers le prochain, le support de ses imperfections, la diligence et sainte ferveur.
Rebecca
Laissons volontiers les suréminences aux âmes surélevées : nous ne méritons pas un rang si haut au service de Dieu ; trop heureux serons-nous de le servir en sa cuisine, en sa paneterie, d’être des laquais, portefaix, garçons de chambre ; c’est à lui par après, si bon lui semble, de nous retirer en son cabinet et conseil privé. Oui, Philothée, car ce Roi de gloire ne récompense pas ses serviteurs selon la dignité des offices qu’ils exercent, mais selon l’amour et humilité avec laquelle ils les exercent. Saul, cherchant les ânes de son père, trouva le royaume d’Israël ; Rebecca, abreuvant les chameaux d’Abraham, devint épouse de son fils ; Ruth, glanant après les moissonneurs de Booz et se couchant à ses pieds, fut tirée à son côté et rendue son épouse. Certes, les prétentions si hautes et élevées des choses extraordinaires sont grandement sujettes aux illusions, tromperies et faussetés ; et arrive quelquefois que ceux qui pensent être des anges ne sont pas seulement bons hommes, et qu’en leur fait il y a plus de grandeur ès paroles et termes dont ils usent, qu’au sentiment et en l’œuvre. Il ne faut pourtant rien mépriser ni censurer témérairement ; mais en bénissant Dieu de la suréminence des autres, arrêtons-nous humblement en notre voie plus basse mais plus assurée, moins excellente mais plus sortable à notre insuffisance et petitesse, en laquelle si nous conversons humblement et fidèlement, Dieu nous élèvera à des grandeurs bien grandes.
Notes
(1) Au sens vieilli de : qui fait figure, qui a de l’apparence.
(2) qui = ce qui.
Extrait de
La pratique de l’amour envers Jésus-Christ
de Saint Alphonse de Liguori
ABRÉGÉ DES VERTUS
Qui doivent être pratiquées par ceux qui aiment Jésus-Christ
Nous conseillons de lire chaque phrase de ce texte en réfléchissant sur la manière dont elle s’adapte à notre vie : quelles sont les circonstances dans lesquelles cela se vérifie, comment cela se vérifie, comment j’agis habituellement. Concrètement, comment je dois faire ce que m’indique Saint Alphonse ? Ne nous limitons pas à admirer la vertu, comme elle nous est décrite, mais examinons comment Dieu demande à chacun d’entre nous, actuellement, de la pratiquer.
Nous avons inséré dans le texte de Saint Alphonse, entre parenthèses, certains titres pour nous aider dans notre examen. Descendons dans le détail qui nous est fourni par Saint Alphonse et déterminons quels actes particuliers sont plus importants pour nous, et ceux-ci feront l’objet de notre effort. Ce peut être l’acte pour lequel nous avons plus de répugnance, pour lequel nous trouvons plus de difficultés ; celui qui nous aidera le plus à bien accomplir notre devoir d’état ; celui qui nous permettra d’être plus utiles, spirituellement, au prochain. Souvenons-nous que notre point particulier doit viser à des choses très concrètes et à notre portée.
Nous conseillons de lire d’abord le point 21, qui est comme le fondement à la lumière duquel doivent être lu tous les autres, et que nous rapportons immédiatement ci-dessus.
[LE POINT FONDAMENTAL : aimer Dieu, donc faire sa volonté, que l’on connaît au moyen de la direction sacerdotale. C’est de l’amour que procède tout le reste. – voir aussi les points 13 et 14]
21. Toute la sainteté consiste à aimer Dieu, et tout l’amour de Dieu consiste à faire sa volonté. Nous devons donc nous résigner entièrement à tout ce que Dieu dispose, et par conséquent embrasser en paix tous les événements favorables ou désagréables qu’il plaît à Dieu de nous envoyer. Ainsi, ayons pour but dans nos prières d’obtenir la grâce de faire la volonté du Seigneur. Pour nous assurer de la volonté divine, soumettons-nous entièrement à celle de nos supérieurs, si nous sommes religieux, ou à celle de notre confesseur, si nous sommes séculiers, étant sûrs, disait Saint Philippe de Néri, que nous ne devrons pas rendre compte à Dieu de tout ce que nous aurons fait par obéissance : bien entendu, pourvu qu’il n’y ait pas de péché évident.
Saint Benoît-Joseph Labre
[Accepter ce qui nous fait souffrir. Souvent c’est ce qui est le plus utile à notre âme… – voir aussi les points 22 et 23]
1. Il faut souffrir avec patience toutes les tribulations de cette vie, les infirmités, les maladies, les douleurs, la pauvreté, la perte des biens, la mort des parents, les affronts, les persécutions et toutes les adversités. Les afflictions de cette vie nous démontrent, que Dieu nous aime et qu’il veut nous sauver ; et les mortifications involontaires que Dieu nous envoie lui sont plus agréables que les volontaires que nous prenons par notre choix.
2. Dans les maladies, tâchons de nous résigner entièrement à la volonté du Seigneur : cette disposition plaît à Dieu plus que toute autre pratique de piété. Si nous ne pouvons alors méditer, jetons les yeux sur le crucifix, et offrons à Jésus nos souffrances en union de celles qu’il a endurées pour nous sur la croix. Si l’on nous annonce que l’heure de notre mort est proche, recevons cet avis en paix et dans un esprit de sacrifice, c’est-à-dire, en voulant mourir pour plaire à Jésus-Christ ; c’est cette volonté qui fit tout le mérite de la mort des martyrs. Ainsi disons à Dieu : Seigneur, me voici ; je suis prêt à faire tout ce que vous voudrez, à souffrir autant que vous voudrez, et à mourir quand vous voudrez. Ne désirons pas vivre plus longtemps pour faire pénitence : la plus belle pénitence est d’accepter la mort avec une entière résignation.
3. Conformons-nous aussi à la volonté divine quand nous éprouvons la pauvreté et ses suites, comme le froid, la faim, la fatigue, la confusion et les dérisions.
[Conformer notre volonté à celle de Dieu et se servir des souffrances pour notre bien]
4. Soyons aussi résignés à la perte des biens, des parents ou amis qui auraient pu être utiles. Accoutumons-nous à répéter dans les adversités ces mots : Le Seigneur le veut, je le veux aussi. À la mort de nos proches, au lieu de perdre notre temps à pleurer sans utilité, employons-le à prier pour les âmes des défunts, offrant alors à Jésus-Christ la peine que nous éprouvons de les avoir perdus.
[Ne pas rendre le mal pour le mal]
5. Souffrons avec patience et en paix les mépris et les affronts. Répondons avec bonté et douceur à celui qui nous insulte. Mais, si nous nous sentons agités, il vaut mieux souffrir en silence, jusqu’à ce que notre esprit soit calmé. Gardons-nous bien de nous plaindre aux autres de l’affront que nous avons reçu, mais offrons-le à Jésus-Christ, qui a tant souffert pour l’amour de nous.
[Être bons avec tous, sans exception]
6. Soyons doux et affables avec tout le monde, supérieurs, inférieurs, nobles, roturiers, parents et étrangers, mais surtout avec les pauvres et les malades, et plus spécialement encore avec les ennemis.
[Comment et quand faire une correction fraternelle]
7. Quand nous faisons une réprimande, que ce soit avec douceur ; c’est le meilleur moyen de la rendre profitable. Ainsi, gardons-nous de reprendre les autres lorsque nous sommes en colère : il y aurait toujours alors quelque chose d’amer, ou dans les paroles ou dans les manières ; gardons-nous encore de reprendre une personne irritée ; la correction servirait plutôt à l’exaspérer qu’à la faire rentrer en elle-même.
[Pureté d’intention : ne pas chercher nos satisfactions dans les biens créés, mais chercher uniquement Dieu et son bon plaisir – voir aussi les points 18 et 19]
8. N’envions aux grands du monde ni leurs richesses, ni les honneurs, les dignités et les applaudissements qu’ils reçoivent des hommes. Portons envie à ceux qui aiment le plus Jésus-Christ ; ils sont plus contents de leur sort que les premiers monarques de la terre. Remercions Dieu de nous avoir fait connaître la vanité des biens terrestres, qui causent la perte de tant d’âmes.
9. Dans toutes nos pensées et nos actions n’ayons point égard à notre propre satisfaction, mais ne cherchons qu’à plaire à Dieu ; ainsi, ne nous troublons pas quand nos desseins sont traversés ; et, quand nous réussissons, ne recherchons point les applaudissements ni les remerciements des hommes ; si l’on parle mal de nous, n’en faisons point de cas : c’est à Dieu et non aux hommes que nous voulons plaire.
Saint Alphonse Marie de Liguori
10. Les principaux moyens pour arriver à la perfection sont :
[Fuir tout péché]
D’éviter tout péché délibéré, même léger ; mais, s’il nous arrive malheureusement de tomber dans quelque faute, gardons-nous de nous irriter contre nous-même : il faut alors nous en repentir sans trouble, faire un acte d’amour envers Jésus-Christ et lui promettre de ne plus l’offenser à l’avenir, moyennant sa sainte grâce ;
[Vouloir fermement devenir des saints]
11. Désirer d’arriver à la perfection des Saints, et souffrir tout pour plaire à Jésus-Christ ; ou, si nous n’avons pas ce désir, prier le Seigneur de nous l’accorder ; car, sans un véritable désir de notre sanctification, nous ne pourrons jamais avancer dans la perfection ;
12. Être dans une ferme résolution d’atteindre à la perfection. C’est là un moyen de surmonter tous les obstacles et toutes les répugnances ; sans cette résolution, on reste faible et on succombe aux moindres difficultés ;
[Se mettre sous la direction d’un prêtre, fixer un vrai programme de piété, le suivre fidèlement – voir aussi le point 21]
13. Faire deux heures ou au moins une heure d’oraison mentale tous les jours (1), et quelque ennui, quelque aridité ou agitation qu’on y éprouve, ne point l’abandonner sans une vraie nécessité ;
14. Communier plusieurs fois la semaine, avec la permission d’un sage directeur (2) ; car on ne doit pas le faire sans son consentement. Il en est de même des mortifications extérieures, comme des jeûnes, des cilices ; sans l’obéissance, ces mortifications pourraient ou nuire à la santé, ou devenir un sujet de vaine gloire. Ainsi, il est nécessaire de se soumettre en cela à un sage directeur qui en règle l’usage selon nos dispositions ;
[Notes :
(1) Celui qui peut faire l’oraison mentale, devra voir avec le directeur spirituel le temps et la fréquence.
(2) Ces conseils de saint Alphonse sont antérieurs au décret de saint Pie X sur la communion fréquente et quotidienne.]
[Se tenir toujours unis à Dieu ; recourir à Lui spécialement dans les tentations, dans les difficultés, dans les circonstances les plus importantes ; demander toujours les grâces fondamentales d’amour et de persévérance]
15. Enfin, prier continuellement, recourir dans tous nos besoins à Notre-Seigneur Jésus-Christ, à l’intercession de notre bon Ange, de nos saint Patrons, et surtout à la sainte Vierge, par les mains de laquelle Dieu nous accorde toutes ses grâces. On a déjà vu […] que c’est de la prière que dépend le salut. Ce que nous devons surtout demander à Dieu dans la prière, c’est la persévérance dans la grâce. Celui qui la demande l’obtient, et celui qui ne la demande pas ne l’obtient pas et se perd. Nous devons aussi demander l’amour de Jésus-Christ et la parfaite conformité à sa sainte volonté, ayant toujours soin de ne prier qu’au Nom de Jésus-Christ. Ces demandes, nous devons les faire le matin en nous levant, les répéter durant l’oraison mentale, la Communion, la visite au saint Sacrement, et le soir à l’examen de conscience. Mais c’est principalement quand nous sommes tentés, qu’il faut demander à Dieu la force de résister, et, surtout s’il s’agit d’impureté, invoquons alors plusieurs fois les saints Noms de Jésus et de Marie. Celui qui prie finit par vaincre ; celui qui ne prie pas est vaincu.
[Reconnaître pratiquement que nous sommes rien : tout ce qu’il y a de bien en nous vient de Dieu, c’est à Lui seul qu’il faut en rendre honneur ; accepter d’être traités pour ce que nous sommes réellement]
16. Quant à l’humilité, nous ne devons pas nous enorgueillir des richesses, des honneurs, de la noblesse, du talent, ni de tout autre bonne qualité naturelle, et bien moins encore de celles qui sont purement spirituelles, car, toutes ces qualités nous viennent de Dieu : nous devons, au contraire, nous regarder comme les plus méchants des hommes, et aimer par conséquent à nous voir méprisés, sans faire comme ceux qui se disent être les plus coupables, et qui veulent pourtant être mieux traités que tous les autres. Ainsi, recevons avec humilité les corrections sans nous excuser, pas même lorsqu’on nous accuse à tort, à moins que notre justification ne soit nécessaire pour éviter le scandale.
17. Gardons-nous encore bien plus de désirer d’être honorés et estimés dans le monde. Ayons toujours devant les yeux cette belle maxime de saint François, que nous ne sommes rien de plus que ce que nous sommes aux yeux de Dieu. Il conviendrait bien moins encore à un religieux de rechercher les charges honorables et la supériorité : l’honneur d’un religieux consiste à être le plus humble de tous ; et celui-là est le plus humble qui embrasse avec plus de joie les humiliations.
Saint François d’Assise embrassant Jésus sur la croix
[Ne pas porter d’affection exagérée aux créatures quelles qu’elles soient. Cela vaut aussi pour les rapports humains et l’attachement à soi-même : en échange nous posséderons Dieu – voir aussi les points 8 et 9]
18. Détachons notre cœur de toutes les créatures. On ne pourra jamais voler à Dieu et s’unir parfaitement à lui tant qu’on tiendra au plus petit objet terrestre.
19. Bannissons surtout de notre cœur l’amour déréglé des parents. Saint Philippe de Néri disait que plus nous aimons la créature, moins nous aimons Dieu. Pour choisir un état de vie, tenons-nous en garde contre la volonté des parents ; ils ont plus en vue leurs intérêts que notre avantage personnel. Renonçons au respect humain, à la vaine estime des hommes, et principalement à notre propre volonté. Il faut tout laisser, dit Thomas-A-Kempis, pour tout acquérir.
[Bannir la colère et toute agitation]
20. Ne nous mettons jamais en colère pour quelque motif que ce soit ; si nous nous sentons quelquefois agités, cessons tout de suite de parler ou d’agir, jusqu’à ce que nous soyons sûrs que la colère est apaisée. C’est pourquoi, il est à propos que nous nous préparions d’avance dans l’oraison à tout événement où nous serions en danger de nous emporter. À ce propos, rappelons-nous que saint François de Sales disait que toutes les fois qu’il s’était fâché, il s’en était ensuite repenti.
[LE POINT FONDAMENTAL : aimer Dieu, donc faire sa volonté, que l’on connaît au moyen de la direction sacerdotale. C’est de l’amour que procède tout le reste. – voir aussi les points 13 et 14]
21. Toute la sainteté consiste à aimer Dieu, et tout l’amour de Dieu consiste à faire sa volonté. Nous devons donc nous résigner entièrement à tout ce que Dieu dispose, et par conséquent embrasser en paix tous les événements favorables ou désagréables qu’il plaît à Dieu de nous envoyer. Ainsi, ayons pour but dans nos prières d’obtenir la grâce de faire la volonté du Seigneur. Pour nous assurer de la volonté divine, soumettons-nous entièrement à celle de nos supérieurs, si nous sommes religieux, ou à celle de notre confesseur, si nous sommes séculiers, étant sûrs, disait Saint Philippe de Néri, que nous ne devrons pas rendre compte à Dieu de tout ce que nous aurons fait par obéissance : bien entendu, pourvu qu’il n’y ait pas de péché évident.
[Affronter les épreuves et les combat spirituels – voir aussi les quatre premiers points]
22. Il y a deux remèdes contre les tentations, savoir : la résignation et la prière. La résignation, car les tentations de pécher ne viennent pas de Dieu, mais il les permet pour notre bien. Ne nous irritons donc pas, quelque fâcheuses, quelque désagréables que soient les tentations ; résignons-nous à la volonté de Dieu, qui les permet, et, pour les vaincre, armons-nous de la prière, qui est le plus puissant et le plus sûr moyen de se défendre contre les attaques de l’ennemi. Les mauvaises pensées ne sont point des péchés, pourvu qu’on n’y consente point. Invoquons les saints Noms de Jésus et de Marie, et nous serons invincibles. Au moment de la tentation, il est bon de renouveler le ferme propos de mourir plutôt que d’offenser Dieu, de faire souvent le signe de la croix, de prendre de l’eau bénite, et de découvrir la tentation au confesseur. Mais le plus nécessaire de tous les remèdes, c’est de prier, de recourir à Jésus et à Marie.
23. Dans les tentations et les peines intérieures, nous devons : 1° nous humilier, avouer que nous méritons d’être traités de la sorte ; 2° nous résigner à la volonté du Seigneur, en nous abandonnant entre les bras de la Miséricorde divine. Quand Dieu nous console, préparons-nous aux tribulations, qui suivent ordinairement de près les consolations. Quand il nous envoie des afflictions quelconques, humilions-nous, résignons-nous à la volonté divine, et les afflictions nous seront bien plus avantageuses que les consolations.