Extrait du dialogue de sainte Catherine de Sienne
(Appendice, chapitre 3 : D’une vision que cette âme dévote eut une fois, et dans laquelle fut pleinement expliquée la manière d’atteindre à la parfaite pureté. Comment il ne faut pas juger.)
« Veux-tu parvenir à la pureté parfaite, disait ma Vérité, être délivrée de tout scandale, et que rien ne soit plus pour ton esprit une occasion de faute ? Sois-moi toujours unie par affection d’amour ; car je suis la souveraine et éternelle Pureté, je suis le Feu, qui fait l’âme pure. Et donc, plus elle s’approche de Moi, plus elle devient pure ; plus elle s’en éloigne, plus elle est souillée. C’est parce qu’ils sont séparés de moi que les mondains tombent en tant de crimes. Mais l’âme qui, sans intermédiaire, s’unit à moi, participe à ma Pureté.
« Il est une chose qu’il faut faire, pour arriver à cette union, à cette pureté : c’est de t’abstenir de juger la volonté de l’homme en quoi que ce soit que tu voies faire ou dire, et par n’importe quelle créature, soit contre toi, soit contre autrui. C’est ma volonté, et uniquement ma volonté, qu’il faut voir, en eux et en toi. Si tu es en présence d’une faute ou d’un péché évident, sache extraire de l’épine la rose, en les offrant devant Moi, par une sainte compassion. Dans les injures qui te sont faites, juge que c’est ma volonté qui les permet pour éprouver la vertu en toi et dans mes autres serviteurs. Estime que celui qui te les inflige n’est qu’un instrument de mon choix, et que souvent ses intentions seront bonnes : car il n’est au pouvoir de personne de juger les secrets du cœur de l’homme.
Ce qui ne t’apparaît pas comme un péché mortel manifeste, tu ne dois pas le juger dans ton esprit. Là encore, tu ne dois considérer que ma volonté vis-à-vis de ceux qui agissent ainsi, et ne pas en prendre occasion de jugement, mais de sainte compassion, comme je t’ai dit. De cette manière, tu arriveras à la pureté parfaite, parce que ton esprit ne sera jamais scandalisé, ni à mon sujet, ni au sujet du prochain, comme lorsque vous tombez dans le mépris du prochain, quand vous jugez sa mauvaise volonté à votre égard, au lieu de considérer ma volonté en lui. Ce mépris, ce scandale, éloigne l’âme de moi et l’empêche d’atteindre à la perfection. À quelques-uns, il fait perdre la grâce, plus ou moins, suivant la gravité de l’indignation et de la haine que leur propre jugement leur a fait concevoir contre leur prochain.
« Il en va tout autrement pour l’âme qui voit en toute chose ma volonté, cette volonté qui ne veut rien d’autre que votre bien, et qui, dans tout ce qu’elle permet, dans tout ce qu’elle vous donne, n’a d’autre dessein que de vous conduire à la fin pour laquelle je vous ai créés. En se gardant ainsi sans cesse dans l’amour du prochain, l’âme demeure aussi toujours dans mon amour, et, demeurant dans mon amour, elle conserve l’union qu’elle a avec moi.
« Voilà pourquoi, si tu veux parvenir à la pureté que tu me demandes, il est absolument nécessaire d’observer ces trois règles principales, à savoir : t’unir à Moi par affection d’amour, en ayant présents à ta mémoire les bienfaits que tu as reçus de Moi ; contempler par le regard de l’intelligence l’amour de ma Charité, qui vous aime ineffablement ; enfin, dans la volonté de l’homme, considérer non pas sa malice, mais ma volonté à moi. Le juge, ici, ce n’est pas vous, c’est Moi !
« Par ce moyen, tu parviendras à la perfection. »
Telle fut, s’il t’en souvient, la doctrine que t’enseigna ma Vérité.
Maintenant, ma très chère fille, je dis que ceux qui pratiquent cette doctrine ont, dès cette vie, un avant-goût de la vie éternelle. Si tu la conserves dans ton esprit, tu ne te laisseras pas prendre aux pièges du démon, car tu les sauras reconnaître aux signes que tu m’as demandés ! Néanmoins, pour satisfaire à ton désir, je te dirai plus nettement que vous ne devez pas juger, par manière de sentence, mais sous forme de sainte compassion.