La commission préparatoire du Concile (1959-1960)
(Extrait de la revue Sodalitium n. 37 d’octobre 1994 pp. 19 sqq.)
par M. l’Abbé Francesco Ricossa
Ce petit livret aux dimensions réduites mais lourd d’intérêt date de 1959: Jean XXIII venait d’annoncer la célébration d’un Concile Œcuménique. Je l’ai entre les mains et le feuillette avec tristesse: je l’ai acheté pour deux sous, dans un lot avec d’autres œuvres du fameux mariologue bradées par les Pères Servites. La gloire de l’ordre maintenant, ce ne sont plus des personnages tels que le card. Lépicier ou le Père Roschini mais des gens comme le Père Turoldo. En effet trente ans ont passés désormais depuis le Concile Vatican II, mais le “souffle de l’Esprit-Saint” n’a pas dissipé en cette occasion les “ténèbres de l’erreur”. On peut même dire, comme au jour du Vendredi Saint, “les ténèbres couvrirent toute la terre” (…) “le soleil s’obscurcit” (Luc XXIII, 44, 45; cfr. Mt. XXVII, 45 et Marc XV, 33). Roschini, lui, dénonçait le “relativisme de la culture moderne”, ceux qui n’ identifient pas le Corps Mystique avec la seule Eglise Romaine, le “faux irénisme” œcuménique, l’exégèse indépendante, l’opposition artificielle entre les Pères d’un côté, la scholastique et la contre-réforme de l’autre, l’évolutionisme polygéniste et les nouvelles théories sur le péché originel, la confusion entre ordre naturel et ordre surnaturel, la surestimation du “sacerdoce” des fidèles, les actes d’indépendance du Magistère et de la hiérarchie ecclésiastique, la négation de la procréation comme fin première du mariage etc. etc… Et, pensait le bon Père, le Concile du Pape Jean y mettra bon ordre. Et dénonçant dans la foulée les errants avec les erreurs, le religieux Servite citait entre autres, le Père Theilard de Chardin, le Père Danielou, Karl Barth et le Père Henri de Lubac avec leur néo-origénisme, les disciples de Maurice Blondel, le Père René Laurentin, le philosophe Jean Guitton, les liturgistes Jungmann et Parsch… tous condamnés sinon dans leur personne du moins dans leurs écrits par le magistère de l’Eglise. Pauvre Père Roschini! Ces errants, après le Concile, il les a vus honorés et respectés, certains même élevés à la “pourpre cardinalice”; et leurs erreurs sont devenues l’enseignement officiel de ce Concile qui aurait dû les dissiper.
Le Père Roschini n’était pas seul à espérer que le Concile soit une réédition du “Syllabus contre les principales erreurs de notre temps”; tous les théologiens dits “romains” à cause de leur orthodoxie solide et de leur fidélité absolue au Pape et à l’Eglise romaine partageaient cet espoir. “Au cours de la semaine de préparation à Vatican II de l’Université du Latran, le recteur Piolanti avait proposé un Concile qui condamne les erreurs du monde moderne” (1). Comme Roschini, Piolanti se faisait des illusions, nous le savons maintenant: “Un Concile de condamnation était en désaccord avec la ligne du Pape qui voulait un Concile pastoral” (1).
A vrai dire, les théologiens romains ne sont pas les seuls à croire à un Concile tout différent de celui que nous connaissons. La Curie romaine et l’épiscopat, du moins l’épiscopat italien dont le Pape est le Primat, accueillirent froidement l’idée du Concile ou, du moins, ils se faisaient du Concile une idée bien différente de celle qu’avait Jean XXIII.
Le Concile du Pape Jean et celui de la Curie
Dans le précédent numéro de Sodalitium, nous avons revécu déjà la matinée au cours de laquelle Roncalli annonça à quelques cardinaux stupéfaits la convocation du Concile Vatican II. Ecoutons l’historien jésuite, Martina, nous raconter encore une fois la réaction des cardinaux de curie présents. “Tout le monde connaît l’attitude réservée sinon défavorable des cardinaux présents à Saint-Paul le 25 janvier 1959: l’hypothèse d’un Pape de transition était anéantie. (…) C’est alors que, selon l’historiographie la plus diffusée, commença le duel entre pape et curie: le premier tirant dans le sens d’un concile audacieusement innovateur, la seconde s’épuisant dans un vain effort pour freiner l’enthousiasme du pape et en endiguer les initiatives” (2). Cette version, peut-être trop simpliste (3), n’a pas l’adhésion pleine et entière de Martina, mais il admet cependant qu’ “on ne peut nier un certain obstructionnisme de la part de la curie” (4). Riccardi écrit même: “dès le départ du Concile, le pape est conscient de la nécessité de clarifier les rapports entre l’assise œcuménique et la curie. A la fin du discours à Saint-Paul”, par conséquent le jour même de l’annonce du concile aux cardinaux présents, “le cardinal Canali, bien au courant de la voie choisie par le précédent pontife – c’est le card. Confalonieri qui raconte – et partagé entre l’embarras et la curiosité, demande si cette fois encore la préparation en sera confiée au Saint-Office. Le Pape Jean demeura un instant comme interloqué, puis sur un ton tranquille mais résolu, il répondit: c’est le pape qui est le président du concile” (5). L’épisode est symbolique; Riccardi le cite plusieurs fois et, après lui, d’autres historiens qui l’interprètent dans le même sens (6). La question du card. Canali n’avait rien de sot ni d’incorrect; le card. Canali né en 1874, avait reçu la pourpre cardinalice en 1935 et servi fidèlement saint Pie X; il était âgé mais digne de foi. Normalement, le Pape ne peut s’occuper personnellement de tout. Qu’il confie la préparation du Concile au Saint-Office, comme l’avait fait Pie XII eût été normal. Mais (la question elle-même le prouve!) Canali craignait que, cette fois, il n’en soit pas ainsi. Roncalli ne le rassura pas. Bien au contraire. Le Pape ne pouvant s’occuper en personne de la préparation du Concile et n’ayant pas l’intention de confier cette charge au Saint-Office ou à la Curie… à qui allait-il la confier? Aux ennemis de l’Eglise, comme nous le verrons par la suite.
Les craintes du card. Canali (et pas seulement les siennes) eurent le temps de se confirmer tout au long de la période qui s’étend de l’annonce du Concile à la veille de l’inauguration. Alberigo rapporte les interventions incessantes de Roncalli, toujours pour désavouer les cardinaux romains. Il écrit: “Jean XXIII prit très vite conscience de l’inclinaison de la curie romaine à exercer son hégémonie sur la préparation du concile, afin d’en guider le déroulement (7). Le 30 mai, présentant un bilan des travaux anté-préparatoires, il eut l’occasion de le dire: la préparation du Concile ne sera pas l’œuvre de la curie romaine (8). Lors de la célèbre entrevue de Pentecôte, le 5 juin, il affirma clairement la distinction entre curie et concile (9), affirmation suggérée manifestement par la présence d’attitudes différentes (en effet, tout de suite après, le card. Tardini confia au père Tucci que, la veille, la pape s’était laissé allé à des phrases excessives) (10). Jean XXIII confirma sa propre attitude le 7 juin suivant lors d’une entrevue avec le directeur même de la Civiltà Cattolica, lui confiant qu’il n’était pas possible d’exclure la curie du travail préparatoire et que lui-même se proposait de ne rien faire sans consulter le cardinal secrétaire d’Etat et viceversa (11); sans doute cette précision peut être mise en relation avec le fait que le motu proprio Superno Dei nutu instituant les commissions préparatoires de Vatican II (12) avait été préparé par le cardinal Tardini (13) (…)” (14). Nous reviendrons sur la détérioration progressive des rapports entre Roncalli et son secrétaire d’Etat qui en arriva au point de donner sa démission (elle lui fut cependant refusée). Nous nous contenterons ici de signaler que le même Alberigo ira jusqu’à écrire; “Sans doute il est permis de se demander si la convocation formelle du concile intervenue le 25 décembre 1961 n’aurait pas été facilitée par la disparition du card. Tardini” (14). Rien ne changera avec le nouveau (et plus docile) secrétaire d’Etat, Cicognani, auquel Jean XXIII donnera les mêmes consignes “en ce qui concerne les rapports entre curie et synode œcuménique”; ces consignes? “Distinction et accord” (15). “Enfin, à la veille de l’ouverture du concile, s’adressant directement à la curie, le pape estima opportune une mise en garde, et ce dans des termes typiquement roncalliens : vues l’importance et la délicatesse qui caractérisent un événement aussi essentiel, s’il est une circonstance en laquelle on se doit de mortifier sa fantaisie et veiller à sa propre dignité , c’est bien celle-là” (16). En suivant Alberigo, nous avons un peu anticipé sur notre discours, mais le but était de faire la preuve d’une continuité, et même d’une ferme volonté dans l’esprit de Jean XXIII de tenir en respect la curie romaine fidèle à la tradition, afin qu’elle ne prenne pas trop fermement en mains le concile, ou même qu’elle n’en empêche pas le déroulement. Alberigo poursuit: “La fermeté du pape Jean apparait également dans la limitation d’une extention sine die du temps de préparation; celle-ci pouvait en effet laisser entendre une certaine confiance de voir disparaître entre temps le vieux ponfife et, avec lui, le concile. Par ailleurs il ne faut pas oublier que la durée de la préparation (44 mois) a toujours dépassé celle du concile dans son entier (39 mois!)” (17). Dans le langage plus direct qui lui est habituel, Hebblethwaite exprime le même concept: c’est à la Pentecôte 1959 que fut organisée par le card. Tardini la commission anté-préparatoire, et “bien que Jean ait choisi le soir du dimanche de Pentecôte, le 5 juin 1960, pour annoncer la mise en place des commissions préparatoires proprement dites, elles ne se mirent au travail que le 13 novembre 1960. On soupçonnait le card. Domenico Tardini de faire traîner délibérément les préparatifs pour diverses raisons. S’il pensait que Jean n’en aurait plus pour longtemps, il fut la victime d’une ironie divine (18), puisqu’il mourut lui-même le 30 juillet 1960, près de deux ans avant le pape. Même pour une institution qui compte en siècles, cette lenteur était inquiétante avec tant d’hommes âgés autour” (19). Que Roncalli ait été pressé tandis que Tardini ne l’était pas du tout (pour le premier “deux ou trois ans de bonne préparation” auraient suffi, pour le second au contraire “les temps semblaient trop réduits”) est un fait établi, puisque Roncalli en personne le confia au politicien démocrate-chrétien Andreotti le 22 janvier 1959, lorsqu’il anticipa pour lui la nouvelle ultra-secrète de l’annonce prochaine du concile; et les motifs d’une telle hâte étaient évidents: “Quand on avoisine les quatre-vingts ans, on ne peut adopter des délais trop longs” (20). Ces paroles d’Alberigo et d’Hebblethwaite ne sont donc pas uniquement des méchancetés: elles ont quelque chose de vrai mais c’est tout à l’honneur de la “curie romaine” vitupérée. Et qu’il y eut ce quelque chose, même le Père Martina, moins catégorique, le confirme lorsqu’il admet: “Un certain obstructionnisme de la curie est de toutes façons indéniable. Ce n’est que le 29 janvier (1959) que l’allocution du 25 janvier fut transmise au sacré collège, et sur 74 cardinaux il n’y en eu que 24 (dont Montini) à exprimer par écrit au pape ou au secrétaire d’Etat adhésions et propositions. Voulant circonvenir la curie ou en triompher, ce à quoi il réussit en partie, le pape décida une consultation de tout l’épiscopat (innovation considérable par rapport à Vatican I pour lequel, au moins dans un premier temps, peu d’évêques avaient été préalablement consultés)” (21). Parler de concile œcuménique implique de traiter aussi des rapports entre le Pape et les évêques, entre le primat de Pierre et l’autorité du concile. Un vieux problème qui a donné naissance lui aussi à une hérésie qui tire son nom du concile: c’est le conciliarisme (22) selon lequel le concile œcuménique est supérieur au Pape. Voilà pourquoi beaucoup d’évêques “libéraux” invoquèrent ou prophétisèrent un concile qui devait changer l’Eglise (23) (entre autres Mgr Bonomelli dont les relations avec le jeune Roncalli ont été déjà mentionnées par nous, et dont le nom a le triste privilège de figurer à l’index des livres prohibés). Pendant ce temps les théologiens fidèles à Rome écrivaient tranquillement que “le concile universel est devenu inutile et superflu pour l’Eglise Catholique” (24), ou, du moins, ils insistaient sur le caractère totalement occasionnel que revêtent les conciles. C’est ainsi qu’en 1908, dans le Dictionnaire de Théologie Catholique, J. Forget écrivait: “Les conciles ne sont pas nécessaires à l’Eglise (…), la raison théologique et l’histoire l’affirment. L’Eglise possède dans le primat du Pontife Romain l’organe à la fois ordinaire et essentiel de l’autorité suprême et cet organe a en lui-même puissance et grâce pour décider dans toutes les questions, pour établir des lois universelles, pour répondre à tous les problèmes” (25). L’Encyclopédie Catholique ne s’exprime pas autrement: “Bien que personne ne puisse nier la convenance et l’utilité des conciles, on n’a pas cependant de preuve suffisante pour en déduire leur origine divine. Avec l’institution du primat, le Christ pourvoie suffisamment à maintenir la pureté de sa doctrine (Wernz-Vidal, II, p. 524)” (26). C’est pour cette raison que Pie XI et Pie XII renoncèrent à l’idée d’un concile (27). Les choses changèrent avec Jean XXIII qui, dès le début de son pontificat, travailla résolument dans le sens d’une diminution du pouvoir du pape et de la curie, au profit de celui des évêques. “Le pontificat de Jean signe la décadence de l’image de la toute puissance du pape” déclare Riccardi de façon crue, faisant ressortir le contraste de ce pontificat avec la centralisation des questions entre les mains du pape jusqu’à Pie XII (28). Parlant des premiers mois de pontificat de Roncalli, le prêtre rebelle, Milani, déclara “En un temps très bref, la papauté avait déjà tenté de restaurer le pouvoir des évêques. Et là réside la première différence entre le pontificat de Jean XXIII et celui de Pie XII. En effet, les évêques, Pie XII les avait privés de toute autorité. (…) La première chose que fit Jean, au contraire, fut de leur donner leur autonomie” (29). Laissons à Don Milani la responsabilité de ses paroles excessives, mais constatons que de la part de Jean XXIII, “l’attention portée à l’épiscopat est évidente; un geste minime mais significatif: sa décision de faire consacrer évêques les cardinaux diacres, en établissant la règle (Cum gravissima) que tout le collège des cardinaux doit être formé d’évêques. Ou bien quand il veut que les diocèses suburbicaires soient gouvernés par des évêques résidentiels, privant ainsi les cardinaux de curie de ce pouvoir. Mais surtout le Concile est l’expression plus nette de cet engagement de l’Eglise et des évêques” (30). Ce que craignaient Pie XI et Pie XII s’est réalisé: le évêques affligés d’un “complexe antiromain” profitèrent de l’occasion qui leur était offerte par Jean XXIII dès la consultation de tout l’épiscopat voulue par Roncalli lui-même, comme nous l’avons vu. En effet, “le 15 juin 1959, le secrétaire d’Etat, Tardini, demandait aux évêques et aux supérieurs généraux d’exposer au Saint-Siège leurs vota : c’était une vaste consultation des futurs protagonistes de Vatican II; elle était voulue par Jean XXIII mais pas sur un questionnaire exhaustif” (31). Cette absence de questionnaire revêt une grande importance: c’est Jean XXIII qui ne voulut pas un questionnaire qui aurait canalisé les propositions dans une direction prédéterminée excluant la possibilité de donner une place aux opinions les plus discutables ou même aux hérésies. “Le card. Siri, qui s’est toujours montré préoccupé par la politique d’ouverture de Jean XXIII et l’aventure conciliaire, a considéré cette consultation comme un phénomène générateur de confusion: Ce type d’enquête élargit considérablement le domaine dont devait s’occuper le Concile et avalisa indirectement la discutabilité d’un grand nombre de matières… Et, ayant subodoré un certain état d’esprit, il conclue: A partir de ce moment beaucoup ont cru que l’on pouvait discuter à peu près de tout” (32). A qui attribuer la responsabilité de tout ceci, sinon à Jean XXIII qui a voulu la consultation et son mode de réalisation (sans questionnaire)? et accord” (15). “Enfin, à la veille de l’ouverture du concile, s’adressant directement à la curie, le pape estima opportune une mise en garde, et ce dans des termes typiquement roncalliens:
Il y eut environ 2000 réponses, 77% de l’épiscopat. On entrevois déjà la rupture entre prélats “du Rhin” (allemands, hollandais, français) et prélats romains. Un exemple, “le card. Alfrink, archevêque d’Utrecht, demanda que l’on déclare le gouvernement universel de l’Eglise confié au collège des évêques guidés par le pape” (33). C’est la collégialité. Sans aller jusque là, de nombreux évêques nord-américains, canadiens, français, belges et hollandais demandent une moindre dépendance vis à vis de la curie et de Rome, une plus grande internationalisation, et même la déclaration que le pouvoir des évêques vient directement de Dieu et non du Pape. Il “ne leur plait pas d’être considérés comme de simples mandataires de la curie” (34).
Si les tendances antiromaines et progressistes de certains évêques étaient déjà évidentes à la veille du concile, on n’en doit pas déduire que Rome n’aurait pu y porter remède si elle l’avait voulu. Les réponses de ces évêques étaient en quelque sorte les symptômes d’une maladie, mais Jean XXIII aurait pu compter sur la fidélité d’un grand nombre de prélats qui ne demandaient qu’à défendre et qu’à réaffirmer la doctrine de l’Eglise et les droits du Pape.
Examinons par exemple les vota exprimés par les évêques italiens en suivant l’étude de Giovanni Miccoli, professeur titulaire d’Histoire de l’Eglise à l’université de Venise. “Les vota des évêques – écrit-il – furent pour la plupart envoyés à Rome entre la deuxième moitié de 1959 et les premiers mois de 1960. Ils furent formulés par conséquent durant la période initiale du pontificat de Jean XXIII, lorsque les caractéristiques de sa ligne pontificale était encore dans une phase d’explicitation progressive. Ceci explique aussi pourquoi la perception de cette ligne apparait fortement atténuée ou complètement absente dans la majeure partie des textes épiscopaux, qui constituent pour cela un document d’autant plus significatif et intéressant sur les souhaits des évêques et sur l’optique dans laquelle ils voyaient, j’aimerais dire de façon autonome, le concile” (35). Ici le prof. Miccoli nous dit que la majeure partie des évêques italiens n’avaient pas encore saisi la pensée de Jean XXIII, et imaginaient donc un concile bien différent de celui que préparait Roncalli… Comme le père Roschini, comme le père Piolanti, comme tous les catholiques ignorants de l’aggiornamento, ils imaginaient un concile de condamnation des erreurs contemporaines, tel d’ailleurs que l’avaient été tous les conciles jusqu’alors.
Le plus clairvoyant (et courageux) fut l’archevêque de Trani e Barletta, religieux dominicain, Reginaldo Giuseppe Maria Addazi, qui “se prononça clairement contre l’opportunité de convoquer le concile: à cause de l’absence inévitable des évêques assujétis aux régimes communistes, avec le risque d’aggraver leur sort, un concile n’ayant pas la possibilité d’agitare argumenta quæ communismum tangunt (36), à cause de l’inopportunité de retenir tant d’évêques longtemps loin de leur siège dans la situation si perturbée où était le monde; parce que vain est l’espoir de ramener à l’Eglise les chrétiens séparés – non minus pervicaces quam eorum praedecessores (37) -; à cause enfin de l’extrême difficulté de remédier aux maux sociaux actuels. Cela n’empêche pas cependant cet évêque d’exprimer lui aussi longuement ses vota , tout en offrant un tableau catastrophique des conditions de l’Eglise dans la société: Generatim populus christianus non iam audit vocem Ecclesiæ. In Italia, et puto in universo mundo, communismus incessanter progreditur, quia populi communistarum fallaciis credunt, dum bonorum æternorum promissiones spernunt. Communistarum progressiones et incrementa vere sunt expavescenda (38). Cette optique désolée et pessimiste (réaliste! n.d.a.) est en réalité largement répandue dans les documents des évêques: Nemo est ignarus pietatis imminutionis, morumque corruptionis populi christiani (39); magis ac magis (ingravescit) manifestatio et diffusio immoralitatis et neopaganorum vita perversa (40); angimur de crescente immoralitate gentis nostræ (41); corruptio ubique crescit (42); sævit hac ætate, quod omnes norunt, nefarius laicismus, sævit et impius communismus (43); pestis communismi de die in diem se extendit, maxima cum animarum ruina, quia hæreses omnes complectitur et ad omnia vitia, peccata et delicta viam pandit (44). A cette optique fait pendant une poussée clairement défensive qui réclame, de la part du concile, de nouvelles et solennelles condamnations des erreurs modernes, demandant parfois explicitement un complément au Syllabus de Pie IX. Dans 111 cas le communisme est nommé de façon explicite, très souvent en tant qu’erreur principale à condamner (seul ou, plus rarement, en même temps que le socialisme), tandis que dans une trentaine de cas les erreurs sont évoquées plus génériquement et globalement; 65 fois le laïcisme est mentionné et presqu’autant le néomodernisme théologique ( pour la couleur locale seulement, il y en a même qui demandent la condamnation de De Lubac et de Theilard de Chardin, ou, se référant manifestement aux interventions de la Civiltà Cattolica de quelques années antérieures, celle de Maritain et de l’humanisme chrétien (45). Très rare est l’exposé qui s’inscrit en positif (46) (citons Lercaro, d’Avack, Fares, Montini), ou qui affirme de façon explicite qu’il est inutile de répéter les condamnations qui ont déjà été prononcées (Lercaro). A cette poussée défensive correspond la demande de définitions précises, de distinctions nettes qui ne laissent aucune place aux doutes, aux discussions, aux équivoques, à l’intérieur du monde catholique. De là la fréquence avec laquelle sont demandés outre un véritable nouveau Syllabus des erreurs qui reprenne et continue plus ou moins explicitement l’ancien (47), un catéchisme unique pour toute l’Eglise, une summa, ou code, ou catéchisme moral ou social, un synopsis des déclarations des souverains pontifes sur les questions de notre temps (doctrine à observer et erreurs à repousser), ou, enfin, combinant toutes ces exigences, un catéchisme sur la doctrine sociale et sur les erreurs du communisme. (…) L’attitude des évêques italiens vis à vis du problème œcuménique mériterait (…) une analyse particulière.
Un indice de leur faible sensibilité à ce problème peut se trouver dans le fait que les évêques qui demandent de nouvelles définitions dogmatiques pour certaines prérogatives mariales, en particulier la médiation universelle de Marie, sont plus d’une centaine, tandis qu’un très petit nombre subordonne ces nouvelles définitions au problème de l’unité, et une dizaine seulement en nie l’opportunité sous prétexte qu’elles augmenteraient les difficultés de récupération des “frères séparés” (48). Je rappelle que cette dernière position “était celle de Jean (XXIII) qui, encore patriarche, avait exprimé un avis négatif sur la proclamation et la fête liturgique de la royauté de Marie (49), et qu’une fois pape, il avait récidivé, manifestant la même opposition au sujet de la définition dogmatique de la maternité spirituelle de Marie” (50). Mais si Jean XXIII (de pair avec Montini) préférait plaire aux luthériens plutôt qu’à la Sainte Vierge, de nombreux évêques italiens, au contraire, s’inquiètaient de l’augmentation de la propagande protestante (que diraient-ils aujourd’hui!). Parmi ceux-ci “un certain nombre rappellent que les maux du présent ont leur racine dans la rébellion luthérienne; d’autres établissent un lien entre protestantisme et communisme, et souhaitent que le nouveau concile soit pour le communisme ce que le concile de Trente a été pour le protestantisme; d’autres encore déplorent la propagande protestante et la diffusion de la Bible, ou invoquent l’unité de l’Eglise parce que c’en est assez des sectes protestantes (51). Du reste, lorsqu’il est parlé des perspectives de l’unité, les termes employés rappellent généralement les termes traditionnels de retour ou envisagent la conversion pure et simple des dissidents, sans saisir la nouveauté que le discours de Jean présentait déjà ces mois-là sur le sujet. D’autre part la référence fréquente à l’Humani generis, tout comme le refus et la condamnation des nouveaux courants théologiques, laissent peu de doutes sur la faible disponibilité d’un grand nombre d’évêques italiens à s’aventurer sur le chemin de l’aggiornamento et de la révision dans ce domaine des rapports entre chrétiens (52)”. En ce qui concerne l’engagement politique, les évêques italiens manifestent de l’irritation contre la Démocracie Chrétienne qui ne voit dans les prêtres que des médiateurs de vote. On “sollicite la requête de nouvelles définitions, d’une nouvelle proclamation, sous une forme plus claire, du droit du magistère ecclésiastique à intervenir dans ces domaines – toute activité humaine, tant privée que publique (…) doit être réglée pour son aspect doctrinal et moral par le magistère infaillible de l’Eglise – ; et on déplore pour cette raison la place excessive concédée aux laïcs, leurs revendications d’autonomie dans le domaine social et politique, et doutes et méfiance sont exprimés envers la Démocracie Chrétienne devant l’échec de la pleine réalisation de l’Etat catholique (il en est même qui vont jusqu’à proposer de condamner illius sectæ politicæ vulgo dictæ Base della Democrazia Cristiana pour sa conception des relations entre l’Etat et l’Eglise, mais il s’agit là d’un autre cas limite)…” (53). Pour conclure, à la veille du concile, la majorité de l’épiscopat italien remet en avant “termes, tons et propositions qui se référent à un modèle éprouvé”, donné par Pie XII et ses prédécesseurs, “et qui traduisent une singulière incompréhension – lorsqu’il ne s’agit pas d’une opposition explicite – vis à vis de la ligne et des positions que Jean ne cesse de suggérer” (54). Cette conclusion pourrait, je crois, facilement être appliquée à d’autres épiscopats de cette période, à l’épiscopat espagnol par exemple et à de nombreux épiscopats de l’Amérique latine. Jean XXIII aurait pu s’appuyer sur eux pour défendre et illustrer la foi catholique face aux attaques des néomodernistes présents dans l’enceinte conciliaire. Les vota des évêques italiens nous montrent en effet un épiscopat bien différent non seulement de celui que nous avons actuellement mais aussi de celui qui nous sera présenté comme la “majorité” des pères conciliaires. Mais que valent pour Jean XXIII, les avis des évêques italiens, et même du monde entier, même si c’est lui qui les a sollicités? Rien, au fond. L’avis de Jean-Baptiste Montini, son grand ami, une amitié qui dure depuis 1925, lui suffit et plus qu’il ne faut. Voici ce qu’écrit Jean XXIII au cardinal Montini le 4 avril 1961: “Je devrais écrire à tous les évêques, archevêques et cardinaux du monde: comme je parle de tous et de chacun dans mon humble prière au Seigneur. Mais pour les entendre tous je me contente d’écrire à l’archevêque de Milan, parce qu’avec lui je les porte tous dans mon cœur, de même qu’ il les représente tous pour moi” (55). Commentaire d’Hebblethwaite: “C’est une confession remarquable: Montini vu comme un évêque représentatif, résumant en sa personne l’épiscopat en son entier.” (56). Ce même Montini, Pie XII ne voulait à aucun prix qu’il devienne pape, nous en avons maintenant la preuve documentée après la récente publication de la biographie du cardinal Siri (57).
Conclusion récapitulative
Avant de conclure cet article, au risque de nous répéter, récapitulons et faisons le point, de façon à aider le lecteur désorienté par tant de nouvelles, parfois d’ordre secondaire.
A peine élu (si ce n’est auparavant), le 28 octobre 1958, Angelo Roncalli pense à convoquer un concile. Il est en accord en cela avec certains éléments de la curie (Ottaviani, Ruffini), quoiqu’en désaccord avec eux sur le but du concile: pas de condamnation, dans le sillage de l’encyclique Humani generis de Pie XII, mais ouverture aux “frères séparés”.
L’annonce du concile, le 25 janvier 1959, inquiète les plus clairvoyants, surprend presque tout le monde; les cardinaux sont, en majorité, plutôt tièdes.
Les premiers préparatifs du concile sont confiés au cardinal secrétaire d’Etat, Domenico Tardini, lequel, en la fête de la Pentecôte 1959, est nommé président de la commission anté-préparatoire (58). Montini n’en fait même pas partie (59). Les conférences de Tardini et de Capovilla pour expliquer ce que sera le concile commencent (60), et chacun l’imagine à sa façon. Mais Jean XXIII a son projet bien clair et ce n’est pas celui de la curie romaine avec laquelle normalement il eût dû au contraire collaborer; graduellement les rapports avec Tardini se gâtent, Roncalli voulant laisser s’exprimer les courants les plus progressistes des évêques antiromains et éviter que le futur concile soit contrôlé par la curie. Cette distinction entre gouvernement ordinaire de l’Eglise confié à la curie, et concile “appartenant” à tous les évêques est un point ferme pour Roncalli. C’est pourquoi la commission anté-préparatoire devra consulter les évêques (18 juin 1959) de telle façon qu’ils soient libres de traiter de n’importe quoi: ce sera une sorte de “cahiers de condoléances” qui précédera les “états généraux” de l’Eglise et… la révolution. Il comporte 2150 réponses (sur 2821: les 76,4 %) rassemblées en 15 volumes… Toutefois tout l’épiscopat n’est pas rallié à la “nouvelle théologie” et au modernisme. Mais Jean XXIII optera pour le courant symbolisé par Montini qui représente pour lui tout l’épiscopat. Au cours de l’année 1959 se succéderont les quatre premières encycliques de Jean XXIII: Ad Petri Cathedram (29/6/59) dont nous avons déjà parlé, Sacerdotii nostri primordia (1/8/1959), Grata recordatio (26/9/1959) et Princeps Pastorum (28/11/1959). Dans tous ces documents en continuité avec la tradition, en particulier les trois derniers, on reconnaît la main du secrétaire d’Etat Tardini et la trace de la formation dévotionnelle tridentine de Roncalli: on y parle du Curé d’Ars, du Rosaire, des missions… Mais Roncalli n’est pas le “benêt” que croyait Tardini, lorsqu’ il était le supérieur du nonce en Turquie… Quand à la Pentecôte (61) de l’année suivante, celle de 1960, on passera de la phase anté-préparatoire à la phase préparatoire du concile, une surprise aura été préparée: le secrétariat pour l’unité des chrétiens, présidé par le cardinal Bea. Avec cette décision mûrie depuis un an déjà, Jean XXIII a posé les conditions nécessaires et suffisantes pour rompre avec la tradition de l’Eglise et, si cela n’était impossible par décret divin, pour la détruire en la remettant entre les mains de ses ennemis. Mais de celà, nous parlerons dans le prochain numéro.
Notes :
- Andrea Riccardi, Il potere del Papa da Pio XII a Paolo VI, Laterza Editeurs, Roma-Bari, 1988, p. 204. C’est Mgr Piolanti qui appela le Père Guérard des Lauriers o.p. à Rome pour enseigner à l’Université Pontificale du Latran. Paul VI éloigna non seulement le Père Guérard (ce en quoi il fut ensuite imité par Mgr Lefebvre!) mais aussi Mgr Piolanti. On raconte qu’un jour où il parlait avec Piolanti, Paul VI lui assura qu’il le nommait tous les jours au “memento” de la Messe. A cette déclaration hypocrite le recteur destitué aurait répondu: “Oui, mais au memento des défunts!”.
- Giacomo Martina, La Chiesa in Italia negli ultimi trent’anni, Ed. Studium, Roma 1977, p. 86.
- Comme celle qui sera reprise ensuite par Giancarlo zizola, par exemple, dans Giovanni XXIII. La fede e la politica, Laterza, Roma-Bari 1988, chap. 9, “Le conflit sur le concile”; ou bien par Peter Hebblethwaite au chapitre XV (“La bagarre pour le Concile”) de son livre Jean XXIII. Le Pape du Concile, éd. Le Centurion, 1988.
- Martina, op. cit., ,p. 87.
- Andrea Riccardi. Da Giovanni XXIII a Paolo VI, dans: AA. VV., Chiesa e papato nel mondo contemporaneo. [Eglise et papauté dans le monde contemporain]. Chez G. Alberigo éd. A Riccardi. Laterza. Roma-Bari 1990, p. 200.
- Par exemple: A. Riccardi. Il potere del Papa da Pio XII a Paolo VI, op. cit., pp. 179-180; G. Zizola, Giovanni XXIII. La fede e la politica, op. cit., p. 108; toujours A Riccardi. Dalla Chiesa di Pio XII alla Chiesa giovannea, dans AA. VV. Giovanni XXIII, chez G. Alberigo, Laterza, Roma-Bari, 1987, p.153. La source en est Carlo Confalonieri, Momenti romani, Roma, 1979, p. 86.
- Comme il est, par ailleurs, absolument normal! La curie romaine n’est-elle pas la plus proche et intime collaboratrice du Pape? Mais Alberigo, en bon progressiste, la déteste. En fait de curie romaine, c’est le card. Bea, téléguidé à son tour par les associations internationnales juives, qui exercera son hégémonie. Et bien sûr, pas à l’avantage de l’Eglise romaine…
- Acta antepreparatoria I, p. 92.
- “Le concile œcuménique a sa propre fonction et sa propre organisation, fonction qui ne peut être confondue avec la fonction ordinaire et caractéristique des divers ministères ou congrégations constituant la curie romaine laquelle procède aussi durant le concile selon le cours ordinaire de ses attributions d’administration générale de la Sainte Eglise. Distinctions précises par conséquent: autre est le gouvernement ordinaire dont s’occupe la curie romaine, autre est le concile” (Discorsi, messagi, colloqui del Santo Padre Giovanni XXIII , Roma 1960-1964, vol. II, pp. 392 à 402. Cité dorénavant sous le sigle DMC).
- Giovanni Caprile s.j. Il Concilio Vaticano II. Annuncio e preparazione. I/1, Roma 1959-1960, p. 192.
- Caprile, op. cit., p. 181.
- 5 juin 1960. DMC II, pp. 819 à 823.
- Caprile, op. cit., p. 174.
- G. Alberigo, Giovanni XXIII e il Vaticano II. dans AA.VV. Papa Giovanni, op. cit., p. 237.
- A. Riccardi, Chiesa e papato, op. cit., pp. 200-201. Cfr. aussi a. riccardi, Il potere del Papa, op. cit. p. 205; g. alberigo, Papa Giovanni, op. cit. p. 237. Le texte se trouve dans Jean XXIII, Lettres 1958-1963, éd. par Loris capovilla. Ed. Storia e letteratura, Roma 1978, p. 539.
- DMC IV, p. 745; cfr. alberigo, Papa giovanni, op. cit., p. 237.
- Alberigo, Papa Giovanni, op. cit., p. 221.
- En bon moderniste, Hebblethwaite ne fait intervenir la Divine Providence dans l’histoire que pour assassiner les gens qui lui sont antipathiques! Et si au contraire Tardini, ce vieux serviteur de l’Eglise, avait été une des premières victimes du crève-cœur parmi toutes celles qui parsèmeront la nouvelle voie des Jean et des Paul? Lisons Andreotti: “En 1960 Tardini fit exploser une véritable bombe journalistique en annonçant sa démission pour raisons de santé. Il se développa immédiatement une foule de conjectures sur les véritables motifs de cette décision et sur la forme si insolite avec laquelle elle avait été rendue publique. Personne ne croyait à la maladie et l’on parla de dissensions insolubles avec le Pape: la démission ne fut pas acceptée mais l’année suivante Tardini mourait” (Giulio Andreotti, A ogni morte di Papa, B.U.R. Rizzoli, Milano, 1982, p. 76).
- Hebblethwaite, op. cit., pp. 408-409.
- Andreotti, op. cit. p. 78.
- Martina, op. cit., p. 87. Voici comment un autre historien, le professeur Miccoli, présente la réponse des cardinaux aux sollicitations de Roncalli en faveur du concile projeté: “Jean leur avait fait envoyer le discours (du 25 janvier, n.d.a.), manifestant explicitement le désir de recevoir, de chacun (…) un mot personnel et confiant qui nous assure des dispositions de chacun en particulier et nous offre aimablement toutes les suggestions pour la réalisation de ce triple dessein (c’est à dire réforme du droit canon, synode romain et concile œcuménique, n.d.a.)”. En fait, si l’on excepte quelques rares réponses, comme celle du card. Montini, très chaleureuse quoiqu’en des termes très généraux, ces mots sont pour la plupart excessivement brefs, de caractère strictement formel et bureaucratique, clairement minimisants. Les quelques rares à se lancer dans un discours étendu, (Ruffini, Fossati, Urbani), se meuvent tous à l’intérieur d’une conception du rapport Eglise-monde moderne élaborée par la culture intransigeante du XIXème (intransigeante? ou simplement catholique? n.d.a.): dans le sombre cadre du présent elles envisagent un concile capable tant doctrinalement que disciplinairement, de s’opposer et de résister victorieusement à l’assaut menaçant de l’ennemi”. g. miccoli, sur le rôle de Roncalli dans l’Eglise italienne, dans Papa Giovanni, chez G. Alberigo, op. cit., p. 195.
- Le conciliarisme s’affermit chaque fois que le prestige et l’autorité du Pape s’affaiblit. A la fin du XIIIème siècle et au début du XIVème les luttes entre Boniface VIII et le roi de France Philippe IV le Bel et celles entre Jean XXII et l’empereur Louis de Bavière favorisèrent la théorisation de cette erreur chez Marsilio da Padova et Guglielmo Occam. Le grand schisme d’Occident vit le triomphe du conciliarisme au Concile de Constance (en cela non approuvé par le Pape) et au Concile de Bâle; il était appuyé par le card. Pierre d’Ailly et par Gerson. Cette théorie favorisa le développement de toutes les hérésies jusqu’au protestantisme et, comme nous pouvons le voir à d’autres pages de ce bulletin, le Concile de Trente lui-même, dont le résultat fut tout autre, était invoqué surtout par les irénistes qui voulaient un compromis avec les luthériens. Le conciliarisme fut ensuite le cheval de bataille des gallicans. Démoli par Vatican I, il a repris une nouvelle vigueur avec Vatican II sous le nom de collégialité. L’idée sous-jacente au conciliarisme est que le Christ n’a pas fondé l’Eglise sous la forme monarchique (avec le Pape pour chef) mais sous une forme aristocratique (avec le collège des évêques) ou démocratique (avec tous les fidèles). Cfr. A. Piolanti, rubrique Conciliarisme, Enciclopedia cattolica. Cité du Vatican. 1950.
- Cfr. Alberigo, Giovanni XXIII, op. cit., pp. 212 et 232.
- P. Hinschius en 1883, cité par h. jedin, Chiesa della fede Chiesa della storia, Brescia, 1972, p. 66 et par alberigo, op. cit. pp. 212 et 232.
- D.T.C., (1908) article “Conciles”, col. 669, cité par Alberigo, 1.c.
- Giuseppe Damizia, dans Enciclopedia Cattolica, op. cit., rubrique Concile, col. 167.
- Sodalitium, n° 36, pp. 13-14.
- A. Riccardi, Il potere del Papa, op. cit., p. 178.
- Don Milani poursuit: “Et le card. Ottaviani en profita immédiatement pour condamner mon livre”. Jean laissait faire, selon la politique des “deux voies” dont nous avons déjà parlé, mais ensuite c’est lui qui orientait les choses vers l’ “aggiornamento”. La citation de Don Milani se trouve dans Le Pape Jean chez G. H., op. cit., p. 159.
- A. Riccardi, Il potere del Papa, op. cit., pp. 178-179.
- A. Riccardi, Chiesa e Papato, op. cit,.,p. 203.
- a. riccardi, ibidem. La citation de Siri est extraite de g. siri,La giovinezza della Chiesa, testimonianze, documenti e studi sul concilio Vaticano II, Pise 1983, pp. 175 à 197.
- A. Riccardi, Il potere del papa, op. cit., p. 202. Les vota ont été publiés dans les volumes Acta et documenta Concilio Œcuménico Vaticano II apparando, Typis polyglottis Vaticanis, 1961. On trouve un examen global des vota des évêques des différents pays dans a. riccardi, Chiesa e papato, op. cit., pp. 203 à 217. En ce qui concerne les vota de l’épiscopat italien, cfr. G. miccoli, Papa Giovanni, pp.195-200 Sul ruolo di Roncalli nella Chiesa italiana, chez g. alberigo, op. cit., pp. 195 à 209.
- A. Riccardi, Chiesa e Papato, op. cit, p. 206.
- G. Miccoli, Sul ruolo di Roncalli nella Chiesa italiana, dans Papa Giovanni, chez G. Alberigo, op. cit., p. 195.
- “S’occuper des problèmes concernant le communisme”. Le concile n’en n’a pas soufflé mot, au contraire!
- “pas moins pervers que leurs prédécesseurs”. Et de fait aucun d’entre eux n’est revenu à l’Eglise, tandis que des millions de catholiques l’ont abandonnée après le concile.
- “D’une façon générale le peuple chrétien n’écoute plus la voix de l’Eglise. En Italie, et je pense dans le monde entier, le communisme progresse incessamment, parce que les peuples croient aux tromperies des communistes alors qu’ils méprisent les promesses des biens éternels. Les progrès et l’accroissement des communistes sont vraiment à craindre”.
- “Personne n’ignore la diminution de la dévotion et la corruption des mœurs du peuple chrétien”, Cardinal Pizzardo, évêque d’Albano.
- “La manifestation et la diffusion de l’immoralité ainsi que la vie perverse des néopaïens vont s’aggravant”, Mgr Marchesani, évêque de Chiavari.
- “L’immoralité croissante de nos gens nous inquiète”, Mgr Bosio, évêque de Chieti e Vasto.
- “Partout la corruption va croissant”, Cardinal Siri, archevêque de Gênes.
- “Tout le monde le reconnaît, à l’heure actuelle l’infame laïcisme se déchaîne, tout comme le communisme impie”, Cardinal Marcello Mimmi, évêque de Sabina et Poggio Mirteto, décédé le 6 mars 1961.
- “La peste du communisme s’étend de jour en jour, pour la plus grande ruine des âmes, car il inclue toutes les hérésies et ouvre la voie à tous les vices, à tous les péchés, à tous les délits”, Mgr Beccaro, évêque de San Miniato.45) Le mérite de ces interventions revient à l’évêque de Lodi, Mgr Benedetti, en ce qui concerne la condamnation de De Lubac et de Teilhard, et au cardinal Micara, évêque de Velletri ainsi qu’à Mgr Imberti, archevêque de Vercelli, pour ce qui est de la condamnation de Maritain et de son idée de “nouvelle chrétienté” comme “indice de capitulation de l’Eglise devant le monde moderne”. Cfr. Miccoli, p. 207.
- Que le lecteur ne se laisse pas fourvoyer par la terminologie tendencieuse de Miccoli ni par celle de la majorité des auteurs que je cite, lesquels sont presque toujours des partisans enthousiastes de Vatican II. L’historiographie de la partie adverse est malheureusement très
rare. - C’était la proposition de Mgr Picchinenna, archevêque d’Acerenza, de Mgr Stoppa, évêque d’Albe, de Mgr Bolognini, évêque de Crémone, de Mgr Torrini, archevêque de Lucca, de Mgr Vendola, évêque de Lucera, de Mgr Chelucci, évêque de Montalcino, de Mgr Gaddi, évêque de Nicosia et du cardinal Ruffini, archevêque de Palerme.
- G. Miccoli, op. cit., pp. 197-198.
- Loris F. Capovilla, Papa Giovanni XXIII, gran sacerdote, come lo ricordo, Roma 1977, pp. 178
- Giovanni XXIII, Lettere cit., appendice, n° 57, p. 520; miccoli, op. cit, p. 208.
- Il s’agit du cardinal Siri, de l’évêque d’Andria, Mgr Brustia, de celui de Pesaro, Mgr Borromeo, de celui de Reggio Emilia, Mgr Socche, de Mgr Saba, évêque de Nicotera et Tropea, de Mgr Bortignon, évêque de Padoue, de Mgr Caminada, évêque de Sant’Agata dei Goti et de Mgr Galabretta, évêque de Noto.
- G. Miccoli, op. cit.,p. 198. On trouve dans Miccoli une liste incomplète des évêques qui s’opposaient au néo-modernisme.
- G. Miccoli, op. cit., p. 198. Il s’agit des évêques Jannucci, de Penne et Pescara, Catarella de piazza Armerina, Cannonero d’Asti, Nicodemo de Bari, Ubaldi de Gubbio, Borromeo de Pesaro, Dorni de Pistoia, Dal Prà de Terni et Narni, Imberti de Vercelli et, contre la “Base” de la D.C., Di Lieto d’Ascoli Satriano et Cerignola.
- G. Miccoli, op. cit., p. 199.
- Giovanni e Paolo, due Papi. Saggio di corrispondenza (1925-1962), par Loris Capovilla, Institut Paul VI – Ed. Studium, Brescia-Roma, 1982, p. 126.
- Hebblethwaite, op. cit., p. 380.
- Benny Lai, Il Papa non eletto, Laterza, Roma-Bari, 1993, p. 100, note 18 à confronter avec la page 95, note 6. C’est ainsi qu’au conclave où fut élu Montini, un groupe important de cardinaux, guidés par le cardinal Tappouini, proposa l’élection à Siri pour éviter celle de Montini. “Ou vous acceptez – dit Tappouini – ou c’est le désastre” (p. 201, note 5).
- Selon le biographe de Tardini, la nomination fut suggérée par le cardinal Ciriaci. Hebblethwaite (op. cit., p. 364) un peu méchamment, mais sans preuve, affirme que Jean XXIII “comprit qu’il valait mieux que Tardini soit impliqué dans la préparation du concile, plutôt que d’exercer sa verve satirique de l’extérieur”.
- Hebblethwaite, op. cit.,p. 374. Il écrivit cependant à Tardini en faveur de la réforme de la curie: il serait opportun que “la curie abandonne certaines habitudes honorifiques ou ritualistes ou purement juridiques pour donner un exemple de fraternité chrétienne et d’humilité évangélique” (L. C.).
- Cfr. hebblethwaite, op. cit., pp. 369 à 374.
- Tant avant qu’après l’élection, Roncalli souhaita une “nouvelle Pentecôte” pour le
renouvellement de l’Eglise. Ce n’est donc pas un hasard si Jean XXIII choisit la fête du Saint-
Esprit pour marquer les étapes conciliaires (comme si d’une nouvelle Pentecôte devait naître
une nouvelle église?). Cfr. Hebblethwaite, op. cit., pp. 364-365.