(Extrait de Sodalitium Le Bon Conseil n°1 de décembre 1998 et n°2 de février 1999)
Notre-Dame du Bon Conseil est particulièrement vénérée au Sanctuaire de Genazzano, dans le Latium, sur la route qui va de Palestrina à Fiuggi où arriva, de manière miraculeuse, une image de la très Sainte Vierge, ainsi que l’attestent plusieurs documents historiques.
Dans la première moitié du XVème siècle, vivait à Genazzano un ménage, Antonio Polani et sa femme, la Bienheureuse Petruccia. Tous deux étaient très dévots en plus d’être des bienfaiteurs des religieux augustins qui officiaient dans l’église de Sainte Marie du Bon Conseil à Genazzano. Le mari était procureur des augustins et jouissait de leur plus grande confiance et affection. Petruccia, tertiaire (ou mantellata) augustine, restée veuve en 1426 à l’âge de 39 ans, consacra toute sa vie à la prière et aux œuvres de piété. Comme l’église des augustins était en mauvais état, elle eut l’idée de la restaurer, épuisant tous ses biens, vendant même sa maison en 1451. L’historien P. Ambrogio da Cori, qui connut les témoins des événements raconte à son sujet : « Tout ce qu’elle possédait elle le dépensa pour réparer notre église, en mettant ainsi en pratique le conseil du Christ : Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as, donnes-le aux pauvres, et suis-moi… Puisque sa propriété n’était pas suffisante pour compléter le travail de la restauration, les gens commencèrent à se moquer d’elle. Mais elle les rassurait tranquillement : “Ne vous inquiétez pas, mes amis ; avant que je meure la bienheureuse Vierge et saint Augustin achèveront les travaux de réparation de l’église”. Le prophétie s’accomplit de manière merveilleuse » (1). Seule la Sainte Vierge pouvait lui inspirer en ces moments difficiles la totale confiance en la réussite de l’œuvre entreprise.
La Vierge de Scutari
À Scutari, petite cité de l’Albanie qui se trouve sur une colline entourée par les fleuves Drina e Bojana, de temps immémorial était vénérée une image miraculeuse de la Vierge : tous les catholiques recouraient à elle, particulièrement dans les moments les plus difficiles. « La présence de l’extraordinaire image ressort de documents à partir des premières décennies du XIIIème siècle, à la même période où plusieurs provinces albanaises se convertissent au Christianisme. La tradition veut qu’elle ait été apportée de l’Orient par des mains angéliques… La miraculeuse Vierge s’imposa rapidement comme Patronne de l’Albanie et son Sanctuaire devint rapidement le plus grand centre de dévotion religieuse du pays, en faisant bénéficier les habitants d’un déluge de grâces » (2).
Georges Castriote, surnommé Scanderberg, fils de Jean seigneur de Croia, est le héros catholique de l’Albanie ; il vécut lui aussi au XVème siècle. Prisonnier à l’âge de neuf ans du sultan turc Murad II, il réussit à se libérer vingt ans après durant une campagne militaire. Avec un grand courage il chassa les turcs d’Albanie, et ainsi la religion catholique put à nouveau être pratiquée librement dans ce pays. Sa vaillance était due surtout aux vertus, en particulier la pureté, qu’il « avait su maintenir même quand, adolescent, il avait vécu dans le luxe et dans les mollesses de la cour d’Istanbul » (3). Le Pape Nicolas V le définit « champion et bouclier de la chrétienté » ; Callixte III affirma qu’il « dépassait dans la foi et dans la Religion chrétienne tous les autres princes catholiques ».
« En 1459 le Pape Pie II, encouragé par les victoires de Scanderberg, décida de convoquer les princes chrétiens à Mantoue avec l’intention de proclamer une croisade… La voix de Pierre n’eut pas d’écho dans leurs cœurs et bien peu furent ceux qui envoyèrent leurs émissaires pour suivre la volonté du Pontife. Ainsi, en ouvrant le congrès de Mantoue, Pie II affirma, attristé : “Nous venons pleins d’espérance, mais nous craignons qu’elle ne soit malheureusement vaine. La grande tiédeur de la Chrétienté nous cause de la honte. Certains courent après les plaisirs, d’autres sont victimes de l’avarice. Les turcs pendant ce temps sont prêts à affronter la mort pour leur doctrine, mais nous, pour la cause du Saint Évangile, nous ne supportons même pas les plus petites difficultés, les plus insignifiantes incommodités” » (3). Scanderberg dut affronter plusieurs fois seul les Mahométans, aidé par la Vierge de Scutari, à laquelle il était très dévot, et de cette manière réussit à triompher d’armées bien plus fortes que lui. Usé désormais par les batailles, il mourut le 17 janvier 1468 et quelques années après Scutari et l’Albanie tombèrent malheureusement aux mains des Turcs.
De Scutari à Genazzano
Mais Dieu voulut que l’image sacrée vénérée publiquement à Scutari fût préservée de façon miraculeuse de la destruction de la part des musulmans. La Vierge elle-même apparut en songe à deux de ses dévots, du nom de Sclavis et Giorgi : elle annonça que l’image s’en irait de Scutari avant que le pays ne perde la foi et leur demanda de la suivre. Tandis que Sclavis et Giorgi priaient devant l’image, celle-ci se détacha du mur, et enveloppée d’une nuée blanche s’éleva dans l’air et se dirigea vers la mer. Les deux dévots « la suivaient courageusement » et réussirent à la distinguer puisqu’elle apparaissait « le jour sous forme de nuée, et la nuit sous comme une colonne de feu » ; ils traversèrent eux aussi la mer « franchissant à pied sec l’Adriatique », mais arrivés près de Rome, « la Souveraine Conductrice disparut à leur grande douleur » (4). Où était-elle passée ?
L’apparition
Le 25 avril 1467 était la fête de saint Marc, patron de Genazzano ; le village était rempli d’une foule venue à cette occasion. « À 4 heures de l’après-midi, la foule compacte de pèlerins, rassemblée sur la place Sainte Marie, resta très surprise en entendant descendre, du haut du ciel si limpide de ce pays, des harmonies célestes… On aurait dit que les portes du paradis s’étaient ouvertes… À ce moment, beaucoup plus haut, on vit une nuée blanche qui répandait de tous les côtés de vifs rayons de lumière enveloppée d’une musique céleste, dans une splendeur qui voilait le soleil lui-même. Elle descendit graduellement en allant se poser sur le mur de la petite chapelle où elle se trouve actuellement. Miraculeusement la cloche de l’église se mit à sonner joyeusement, tandis que presque en même temps les autres églises de la ville firent écho à ce son miraculeux avec leur carillon. Peu à peu, les rais de lumière cessèrent de briller, la nuée s’évanouit lentement, et aux yeux de la foule apparut un objet très beau : c’était l’image de la très Sainte Vierge, qui tenait le Divin Enfant dans ses bras. Il est facile d’imaginer, plus que de décrire, l’émotion produite par cet évènement sur la population spectatrice de ce miracle. Toutes les activités furent abandonnées… à l’unisson s’élevait un cri : “Vive Marie ! Vive notre Mère du Bon Conseil !”, tandis que d’autres criaient : “Un miracle ! Un miracle !” » (5).
La prophétie de la Bienheureuse Petruccia s’accomplissait : la très Sainte Vierge et saint Augustin pourvoiraient à la bonne fin des travaux de réparation de l’église. Le P. Ambrogio da Cori raconte : « La prophétie s’accomplit de manière merveilleuse. Il ne s’est pas passé une année depuis qu’elle [Petruccia] avait proféré les paroles ci-dessus rapportées que, miraculeusement apparut une Image de la Bienheureuse Vierge dans le mur de cette église. Pour la contempler des gens de toute l’Italie se déplacèrent ; ils vinrent en procession des petits villages comme des grandes villes. Il y eut des prodiges et des miracles : avec les aumônes qui dépassèrent toute espérance, du vivant même de la bienheureuse Petruccia, non seulement on put reconstruire l’église, mais il fut même possible de construire un beau Couvent » (6). Les miracles furent nombreux : aveugles, muets, boiteux et malades en tous genres étaient guéris, des possédés libérés… partout on parlait de l’apparition. Entre-temps les deux dévots albanais, de Sclavis et Georgis, ayant eu connaissance de l’événement, se rendirent à Genazzano où avec joie ils retrouvèrent la chère image et décidèrent donc de s’établir en ce lieu. La famille de Sclavis s’est éteinte dans les premières années de 1700, alors que les descendants de Georgis (Giorgi) y sont encore aujourd’hui.
Le Pape Paul II informé des faits envoya peu de temps après deux évêques à Genazzano : Gaucerio de Forcalquier, évêque de Gap en France et Nicola de Crucibus, évêque de Hvar (Lesina) en Dalmatie, pour se rendre compte de la situation. Leur enquête se révéla positive. Les miracles continuaient, tant de dons arrivaient que l’église fut achevée en peu de temps. La Bienheureuse Petruccia mourut en 1472 : son corps fut enseveli dans la chapelle de la très Sainte Vierge ; depuis 1882 ses ossements se trouvent sous le pavement de l’église. Nous devons garder le souvenir de sa grande foi, de son extraordinaire générosité, de sa force d’âme pour soutenir les critiques et enfin de sa prophétie qui se réalisa alors qu’elle était encore en vie (7).
Le culte et la vénération pour l’image augmentèrent au fil du temps et du fait de l’approbation des Souverains Pontifes.
Les miracles
Aussitôt après l’apparition, il y eut de très nombreux miracles attestés par des notaires. Un certain Guglielmo de Orlandis de Terni, âgé de 25 ans, aveugle de naissance, tout juste entré dans l’église recouvra la vue ; Antonietto de Castelnuovo avait supplié la Vierge de Genazzano de rendre à vie à son fidèle serviteur décédé, Constantino de Carolis de Castelfollie : il fut exaucé (8). Dieu Lui-même ne voulut pas que la très Sainte Vierge fut méprisée : Antonio Cerroni de Pisciano, qui ne croyait pas à la miraculeuse apparition de l’image, devint estropié (9). En 1557 un soldat qui avait tout perdu au jeu entra dans l’église et, hurlant et blasphémant contre Dieu et la très Sainte Vierge, frappa de son épée le visage, le corps et les jambes d’un grand crucifix, qui aussitôt saigna. Les autres soldats accourus firent justice du blasphémateur et en même temps s’aperçurent que l’épée du coupable s’était instantanément pliée et tordue de manière telle qu’un forgeron n’aurait pas pu le faire. En 1640 le Patriarche Colonna voulut qu’un forgeron redressât l’épée : mais à peine fut-elle redressée qu’elle se tordît de nouveau, et c’est ainsi qu’on l’admire encore aujourd’hui, près du Crucifix.
En conclusion, le tableau de Notre-Dame du Bon Conseil vénéré à Genazzano doit être considéré comme miraculeux pour plusieurs motifs :
1) sa venue est miraculeuse ;
2) il a opéré des miracles chez ceux qui le priaient ;
3) l’image elle-même est un miracle : « Nous avons vu la très belle image… dont la beauté attire les cœurs de tous ceux qui l’admirent. Cette image apparaît tantôt bienveillante, tantôt triste, tantôt illuminée par des couleurs rosées, selon le visiteur qui s’approche d’elle » (10). Les fidèles qui fréquentent le sanctuaire sont habitués à ces changements du visage de la Sainte Vierge ou de Jésus : parfois gais, parfois tristes…
4) sa suspension est miraculeuse : l’image est peinte sur une légère couche de crépi, qui en grande partie est détaché du mur et on ne s’explique pas comment il fait pour rester suspendu. Ceci constitue également une preuve de la venue miraculeuse : dans le passé en effet on ne connaissait pas la technique du décollement des fresques.
Tournons-nous donc avec confiance vers Notre-Dame du Bon Conseil, vénérons-en son image, visitons en dévot pèlerinage les nombreux sanctuaires qui lui sont dédiés. Qu’elle nous inspire toujours les justes conseils dans la vie de chaque jour, pour nous diriger vers le chemin du Paradis et pour nous aider en toutes les nécessités de la vie sur cette terre.
Notes
1) P. Ambrogio da Cori (dit le Coriolan), Defensorium Ordinis… fratrum heremitarum Sancti Augustini, in Storia e tradizione, Santuario della Madonna del Buon Consiglio, Genazzano, s.d., p. 33.
2) Giovanni Scognamiglio, Madre del Buon Consiglio, Luci dell’Est, Roma 1994, pp. 15 et ss.
3) Ibidem, pp. 17 et ss.
4) Leonardo Cecconi, Narratio historica apparitionis B. Imaginis, 1756, in Storia e tradizione, op. cit., p. 76.
5) Giovanni Sconamiglio, Madre del Buon Consiglio, Luci dell’Est, Roma 1994, pp. 27-28.
6) Storia e tradizione, Santuario della Madonna del Buon Consiglio, Genazzano, s.d., pp. 33-34. Le P. Ambrogio fut de la Province Romaine des Augustins dans les années 1466-1468 et 1470-1476 ; il fut ensuite Supérieur Général de l’Ordre de 1476 à 1485.
7) Ibidem, pp. 55-58.
8) Ibidem, pp. 48-54.
9) Ibidem, p. 23.
10) Lettre du P. Vasquez, Supérieur augustin, aux religieux de son Ordre, février 1735 ; in Storia…, p. 182.