Monseigneur Umberto Benigni, catholique intégral s’il en fut, était né à Pérouse en 1862 ; il fut ordonné prêtre en 1884 et commença immédiatement à collaborer à quelques journaux catholiques locaux. En Le premier numéro de La Riscossa (1890) 1892, après la promulgation de l’encyclique
Rerum novarum, il fonde avec l’abbé Cerruti, promoteur des Caisses rurales, la première revue catholique sociale italienne, la Rassegna Sociale
et devient rédacteur en chef de l’Eco d’Italia de Gênes. En 1895 il s’établit à Rome où dix années durant il s’occupe d’histoire ecclésiastique, d’abord en tant qu’attaché à la Bibliothèque vaticane puis en tant que professeur au Séminaire romain. De 1900 à 1903 il est aussi directeur du quotidien intransigeant La Voce della Verità.
À partir de 1902, il s’occupe de la publication de la Miscellanea di storia e cultura ecclesiastica, premier périodique italien consacré à l’histoire ecclésiastique qui paraîtra jusqu’en 1907. Il est possible que les études publiées dans la Miscellanea aient été à la base de sa monumentale Storia della Chiesa, en sept volumes, qui s’interrompt malheureusement au Moyen Âge. C’est en 1904, après l’élection de Pie X, que s’ouvrent pour lui les portes des sommets de la Curie vaticane : il devient en effet Sous-Secrétaire des Affaires ecclésiastiques extraordinaires, devant donc assumer la cinquième charge par ordre d’importance à l’intérieur de la Secrétairerie d’État. C’est au génie de Benigni que l’on doit la salle de presse vaticane. Pour inciter les quotidiens laïques (“indépendants”) à s’occuper correctement des événements ecclésiastiques, Benigni eut l’idée de se gagner les bonnes grâces d’une partie des journalistes, (nommés aujourd’hui “vaticanistes”), en les réunissant quotidiennement (c’est la “salle de presse”) et en leur fournissant des informations complètes (et bien orientées) qui étaient publiées le lendemain dans tous les journaux. La stratégie s’avéra efficace pour préparer le terrain dans la presse laïque en vue de la publication de l’encyclique Pascendi et pour neutraliser, du moins en partie, les ultérieures campagnes de dénigrement de la faction moderniste. C’est ainsi que naquit l’agence de presse Corrispondenza di Roma (le n° 1 parut le 23/5/1907 et le n° 1282, le dernier, le 31/12/1912), qui eut très vite une édition française, Correspondance de Rome (à partir d’octobre 1907). Le bulletin “ni officiel ni officieux”, reflétait les orientations de la Secrétairerie d’État et ne tarda pas à susciter de grandes polémiques dans les milieux catholiques et les milieux politiques, entre autres les dures réactions du gouvernement maçonnique de la IIIème République française. De 1910 à 1912, un hebdomadaire de langue française, les Cahiers contemporains reprenait les articles les plus importants de la Corrispondenza. En 1912, quelques mois avant la clôture de la Corrispondenza, Mgr Benigni ouvrait une seconde agence d’informations, l’A.I.R. (“Agenzia Internazionale Roma”), avec le bulletin quotidien Rome et le monde et l’hebdomadaire Quaderni Romani qui paraissait aussi en français. Les remarquables qualités organisatrices de Mgr Benigni donnèrent aussi naissance à d’autre organes de presse tels que le Borromeus, pour les membres romains du SP, et le Paulus, à l’intention de ses amis journalistes. À l’étranger, le SP disposait de quelques publications comme La Vigie en France, la Correspondance catholique en Belgique, la Mys Katolycka en Pologne. En outre, Benigni était en étroite collaboration avec d’autres revues antimodernistes indépendantes du SP telles que La Riscossa des frères Scotton et La Critique du Libéralisme de l’abbé Barbier en France.
Pour se consacrer davantage et plus librement à l’œuvre entreprise, l’abbé Benigni avait quitté sa charge aux Affaires ecclésiastiques où lui avait succédé Eugenio Pacelli, futur Pie XII qui, dans le procès pour la canonisation de Pie X, demeurera indifférent aux pressions de ceux qui dépeignaient Benigni comme l’âme damnée du Pape Sarto afin d’empêcher que le Pontife ne soit mis sur les autels. En 1911, saint Pie X crée pour l’abbé Umberto, une huitième charge de Protonotaire apostolique participant, le plus élevé des titres de prélat, dont le nombre était jusqu’alors limité à sept. Ce titre prestigieux fit comprendre au nouveau Mgr Umberto Benigni monseigneur deux choses : d’abord que lui était barrée la voix à une éventuelle et future nomination épiscopale, mais aussi qu’il était encouragé par le Pape à poursuivre la route entreprise. Dès 1909 Benigni avait quitté l’appartement du Vatican et ouvert, Via del Corso, la “Casa san Pietro” [Maison Saint-Pierre], siège de ses activités.
C’est là que naquit le Sodalitium Pianum dont il a été longuement question dans la première partie de ce numéro. Après la dissolution définitive du SP le 25/11/1921, Mgr Benigni, malgré son amertume, sut trouver la force d’âme pour continuer le combat pour l’intégralité de la Foi. En 1923 il relançait l’A.I.R. sous le nom d’Agenzia Urbs, qui poursuivit ses activités jusqu’en 1928, avec la publication du bulletin hebdomadaire Veritas, puis du mensuel Romana. En 1928 il fondait l’Intesa Romana per la Difesa sociale (I.R.D.S.), avec pour devise “Religion, Patrie, Famille”. C’est la phase fascisante de la vie de Mgr Benigni : certainement la moins originale et la moins représentative : Benigni tentait d’utiliser le Fascisme en un sens antidémocrate-chrétien tout comme le régime se servait de la Religion comme instrument. Calomnié et persécuté par ses ennemis, Mgr Benigni passa les dernières années de sa vie dans la pauvreté la plus absolue. Dans la Disquisitio, le père Saubat, un des témoins au procès de canonisation et intime collaborateur de Benigni, assura que Mgr Benigni, quoique n’ayant pas charge d’âmes, célébrait quotidiennement la Messe et se confessait chaque semaine à l’église de San Carlo al Corso auprès d’un père de la Merci. Mgr Benigni s’éteignit à Rome le 27 février 1934, “abandonné et méprisé par le clergé”. À ses funérailles assistaient “7 ou 8 sénateurs, de 12 à 15 députés, une légion de journalistes et même 12 gendarmes en grand uniforme”, mais seulement deux prêtres : le père Saubat et le père Jeoffroid. Une cinquantaine d’années plus tard, la pensée et l’œuvre de Mgr Benigni devenaient le point de référence de notre revue Sodalitium (fondée en 1983).