Œuvres de Mgr Guérard des Lauriers : Marie Reine – L’Annonciation – Surge, Exi, Veni

La Sainte Vierge, pour opérer ainsi sur ses enfants, doit les connaître. C’est un point sur lequel les théologiens sont à peu près d’accord : la Sainte Vierge connaît la destinée de chacun de nous. Elle la connaît de deux façons : d’abord de prédestination antécédente à quoi Elle ne peut qu’acquiescer, mais aussi parce que, en un sens, Elle contribue à la former, à la forger. Elle connaît les précisions ultimes de la destinée de chacun de ses enfants, à la façon dont Dieu connaît les créatures qu’Il crée. Marie dans la Lumière de Dieu et en vertu du privilège qui lui est conféré, connaît ce qu’Elle opère dans ses enfants parce que justement il lui revient de les façonner comme Elle le veut, conformément à un désir de sa part propre à chacun d’eux.

C’est dire que, comme le souligne saint Louis-Marie Grignion de Montfort (Traité de la vraie Dévotion), si nous mettons la Sainte Vierge de notre côté, si nous arrivons à faire que notre désir soit celui de la Sainte Vierge, nous sommes sûrs de réussir. Et si – ce qui est s’exprimer d’une manière inverse – nous conformons notre désir au sien, nous sommes sûrs également de réussir. Il se fait que, d’abord, la Sainte Vierge conforme son désir au nôtre de façon à nous faire comprendre sa miséricorde, mais afin de nous suggérer que, d’une manière permanente, il est plus sûr pour nous de conformer habituellement notre désir au sien.

Dans sa recension de l’article du P. Guérard « L’Immaculée Conception, clé des privilèges de Marie » (parue en 1955-1956 dans la Revue Thomiste), L’Ami du Clergé écrit : « Thèse originale (…) qui tranche singulièrement sur tant de banalités auxquelles certains mariologues nous astreignent parfois ».

La mariologie est une discipline qui rassemble des auteurs provenant de différents domaines. Chacun, puisant dans la Sainte Écriture et dans l’enseignement de l’Église, apporte d’une certaine façon sa spécialité d’origine, que ce soit la théologie, l’exégèse, l’histoire, la spiritualité… L’originalité du P. Guérard s’étend même parmi les théologiens. Le P. Guérard en était conscient. De façon générale, il y a une certaine audace de sa part à entreprendre de développer et d’approfondir des doctrines proches des mystères divins. Dans une conférence donnée en mai 1949 à des dominicaines, il cherche à rapprocher la psychologie du Ciel (la vision béatifique) à la psychologie de la terre. Voilà ce qu’il ajoute : « Vous voyez que c’est une démarche bien hardie que j’entreprends avec vous, mais vous êtes très indulgentes, et vous m’avez si souvent suivi dans des hardiesses, que peut-être d’autres auraient moins supportées, que cela m’encourage ».

Cependant, son courage ne dégénère pas en témérité : il reste raisonné… dirigé et orienté comme il se doit par la vertu de prudence. Le P. Guérard le rappellera lors d’un congrès ayant pour titre « Le Monde, dans les prospectives cosmologiques, axiologiques et religieuses », tenu à Gallarate (Italie) en 1959 et dont il a dû faire la conclusion. Un intervenant avait osé transposer dans l’ordre mental la loi d’entropie, ce qui équivaut à dire qu’il y a dans notre esprit une loi naturelle qui l’incline vers le désordre. Le P. Guérard répondit : « nous avouons que sa hardiesse nous est extrêmement sympathique, mais qu’on la souhaiterait plus appuyée de raison ».

Outre cette heureuse propension naturelle au courage qui l’accompagnera lorsqu’il entreprendra tous ses combats en défense de la Foi et des sacrements altérés au moment du concile Vatican II, le P. Guérard trouvera un appui, d’ailleurs bien plus efficace, dans une vie intérieure et dans une piété fervente, notamment envers Marie qu’il vénérait particulièrement sous le nom d’Inviolata.

Les trois conférences sur Marie proposées dans cet opuscule traitent chacune de différents moments de sa vie : l’Incarnation du Verbe, la co-Rédemption et la Maternité de grâce pour Marie-Reine, l’Immaculée-Conception et l’Annonciation pour la conférence homonyme, enfin l’Immaculée-Conception, l’Annonciation, la Parturition, la Compassion, la Dormition et l’Assomption pour Surge, Exi, Veni, qui signifie Lève-toi, Sors (de ta maison) et Viens. Le P. Guérard nous montre bien une vérité essentielle en ce qui concerne Marie : le privilège de l’Immaculée-Conception fut pour elle le point de départ d’une rapide ascension vers un point d’arrivée qui n’est pas sans mystère : la Maternité divine « étendue » en maternité de grâce vis-à-vis de nous. Il est vrai qu’Elle surpasse en sainteté tout ce que l’on peut trouver dans le reste de la création, et cela dès sa Conception, mais il est vrai aussi qu’Elle se sanctifia effectivement au cours de sa vie, qu’Elle mérita réellement le titre de Reine que la Bienheureuse Trinité, de toute éternité, voulut lui donner.

Nous retrouverons dans ces conférences certains concepts qui ont déjà été abordés dans les autres opuscules déjà publiés :

– l’acte totalement mû et l’acte fervent dans « L’Annonciation », mais aussi dans « Le silence de saint Joseph » et dans « La ferveur » ;

– la totale relativité de Marie à Dieu dans « Surge, Exi, Veni », mais aussi dans « Marie anti-type de Satan » et dans « En quel sens Marie est-Elle ‘morte’? » ;

– le passage de ce monde à l’autre dans « Surge, Exi, Veni », mais aussi dans « En quel sens Marie est-Elle ‘morte’? » et « Le Christ, notre Pâque, est immolé ».

Toutes ces conférences s’éclairent mutuellement.

« La Sainte Vierge ne cesse de nous attirer en son Cœur, parce qu’Elle demeure dans la Trinité Sainte » (L’Annonciation). « Quand J’aurai été élevé de terre, J’attirerai tout à Moi » (Jn 12.32). Nous souhaitons que chacun puisse mieux connaître et mieux aimer Marie grâce à la lecture de cet opuscule, et puisse ainsi mieux répondre à cet attrait que la Trinité, Jésus et Marie exercent ensemble sur les âmes.