(Extrait de Sodalitium n°49)
Le 8 juillet, vers 3 heures du matin, entouré de ses religieuses du Christ-Roi, est sereinement décédé dans sa Maison Saint-Joseph, à Serre-Nerpol, le P. Georges Vinson. Il était né à Valence en 1915 (paroisse Saint-Jean). A dix ans, en 1925, il entra au petit séminaire, en 1931 au grand séminaire. Sa vie change grâce à l’arrivée providentielle dans le diocèse du grand apôtre des Exercices Spirituels, le P. Vallet, qui avait reçu de l’évêque diocésain Mgr Pic la maison de Chabeuil en 1934. Le futur premier successeur du P. Vallet, le P. Terradas, faisait ses études dans le même séminaire que l’abbé Vinson, qui fit pour la première fois les Exercices avec le P. Vallet en 1935. En 1938, après le service militaire, il obtint de Mgr Pic de quitter le clergé diocésain pour entrer au noviciat des C.P.C.R. (les Coopérateurs Paroissiaux du Christ-Roi, fondés par le P. Vallet). Hélas la guerre éclata: l’abbé passa ainsi cinq ans dans le camp allemand de Sagan, en Basse Silésie, où il eut comme compagnon de prison l’abbé Barbara, qui deviendrait un jour son confrère à Chabeuil. Il rentra en France le 9 mai 1945, quelques jours avant le départ définitif du P. Vallet pour l’Espagne, occasionné par les menaces des maquisards. Il revint ainsi au noviciat de St-Joseph des Mées, et fut ordonné prêtre par Mgr Pic, dans la cathédrale de Valence, le jour de Pâques 1946 (21 avril). C’était le premier prêtre ordonné dans l’œuvre des C.P.C.R. Les 28 et 29 septembre 1946, avec les Pères Barrielle et Romagnan, il participa à la réunion de Llivia avec le P. Vallet, qui voulait ainsi laisser aux Pères français ses ultimes directives et les points essentiels des Exercices et de la Congrégation. Le P. Vallet mourut le 13 août 1947; sur son mémento furent écrites ces paroles significatives: “Nous avons un phare de vérité, c’est Rome! Soyons des passionnés de Rome. Ayons pour certain que celui qui est désaffectionné de Rome est déjà tombé dans l’erreur; et qu’on ne peut être dans une erreur (fondamentale, sérieuse) sans qu’il y ait une désaffection pour Rome. Demandons cet amour pour la Vérité et pour l’Eglise”. Le P. Vinson resta fidèle, pour toute la vie, à ce programme. La même année, en novembre, le P. Vinson rejoignit l’Espagne, où il travailla comme supérieur et maître des novices, agrandissant la maison de Pozuelo de Alarcon. En 1950 il est nommé supérieur en Uruguay, où le P. Vallet avait travaillé de 1929 à 1932; l’évêque de Salto, Mgr Viola, réclamait de nouveau la présence des C.P.C.R. De la Maison Saint Joseph de Salto se répandit ainsi l’œuvre des Exercices en Amérique Latine, jusqu’à ce que le P. Vinson, en 1954, passât dans la plus grande et prometteuse Argentine. C’est lui qui construisit la maison “Notre-Dame de Fatima” à Rosario: de 1951 à 1959, 234 sessions d’Exercices furent données à 6.715 retraitants. Des pages de Valor, la revue de l’œuvre qu’il dirigeait et qu’il avait fondée en 1954, le P. Vinson encourageait tout le monde à la vie spirituelle fervente au moyen de la pratique des Exercices, défendait la morale chrétienne contre le laxisme naissant, exposait la doctrine sociale chrétienne pour le Règne du Christ-Roi en combattant particulièrement le libéralisme, le laïcisme, le communisme, la Maçonnerie, le judaïsme et le néo-modernisme. Il se distingua de manière particulière en critiquant les “catholiques de littérature”, et leurs nombreuses erreurs dans le domaine de la foi et/ou de la morale: rappelons les attaques contre Léon Bloy, Charles Péguy, Maritain, Marcel, Guitton, Mauriac, Claudel, von Balthasar, Cesbron, Ortega y Gasset, Unamuno, Papini, Milton, Byron, Lamennais, Lanza del Vasto, Teilhard de Chardin… Il connut et traduisit en français les ouvrages du P. Julio Meinvielle. En 1957 commencèrent aussi les Exercices au Brésil, dans le diocèse de Mgr de Castro Mayer. Rappelé en Europe en novembre 1959, il fut nommé coadjuteur du directeur de l’Œuvre des Exercices pour la France et la Belgique (qui était alors le P. Barrielle); il contribua à la fondation de deux autres maisons: à Wissous, près de Paris et à Bieuzy-Lanvaux en Bretagne. A la mort de Pie XII, les ennemis des C.P.C.R. s’étaient déchaînés, spécialement en France, en attaquant l’œuvre du P. Vallet (et la Cité Catholique de Jean Ousset). Le P. Vinson se défend et… contre-attaque. Mais le climat devient lourd et difficile, tant par les attaques de l’extérieur (la congrégation hésite entre la fidélité à la doctrine et le respect pour l’épiscopat) que par des divisions internes. Le P. Vinson fut ainsi “mis en quarantaine” (il avait vu plus loin que les autres) jusqu’à ce que, en 1963, il quitte la Congrégation. Mgr Lefebvre le fit incardiner et lui trouva un logement au séminaire des missions à Bourg-la-Reine, d’où il se déplaçait aux quatre coins de la France, de la Belgique et de la Suisse pour la prédication des Exercices. En 1969 il fut parmi les tout premiers à s’opposer au Novus Ordo Missæ (“nouvelle messe”) par les faits et par l’écrit, en célébrant la Messe partout, en collaborant aux écoles catholiques naissantes… S’opposer à la “nouvelle messe”, organiser la célébration de la vraie Messe, posait le problème de l’assistance à la “messe” réformée par Paul VI. Ce fut le P. Guérard des Lauriers o.p., avec l’article Assister à la Messe, du 20 novembre 1971, qui le premier (au moins en France) déclara qu’assister à la “nouvelle messe” constituait, en soi, un péché contre la Foi. Le P. Barbara, sur le conseil “d’amis théologiens, parmi lesquels un professeur à l’Institut Pontifical du Latran” (c’est-à-dire le P. Guérard des Lauriers) modifia en ce sens sa position précédente et mit le “feu aux poudres” en publiant l’article du P. Guérard sur Forts dans la Foi (n° 24, pp. 337-362). En même temps, le P. Vinson prenait position lui aussi avec l’opuscule La nouvelle Messe et la conscience catholique (du 28 novembre 1971), publié avec une préface du P. Guérard du 8 décembre, position défendue dans les opuscules successifs. Il faut à nouveau rappeler à cette occasion, pour se rendre compte du courage de ces prêtres que nous avons connus et aimés (les PP. Guérard, Vinson et – toujours vivant et vigoureux – Barbara), que Mgr Lefebvre et le séminaire d’Ecône ne modifièrent leur position qu’en 1981 avec la crise due à l’enseignement de l’abbé Cantoni, et qu’alors aussi (nous en fûmes témoins oculaires) Mgr Lefebvre condamnait la position “extrémiste” du P. Vinson… sans s’apercevoir qu’il l’avait adoptée complètement… avec 10 ans de retard! Dans cette seconde partie de la vie du P. Vinson (celle de la résistance aux réformes conciliaires) nous devons évoquer trois œuvres qui lui survivent: le bimestriel Simple Lettre – qui en quelques lignes faciles et piquantes signalait aux lecteurs les voies à prendre et les erreurs à éviter – la fondation avec Mère Monique Delmotte en 1980 à Serre-Nerpol de la congrégation religieuse des Sœurs du Christ-Roi – et l’école pour filles tenue par les mêmes Sœurs à la Maison Saint-Joseph, ainsi que les camps d’été pour garçons et filles. En 1980, au début de la fondation religieuse, on craignit pour sa vie: vous pouvez lire sur le numéro spécial de Simple Lettre (n° 116, août 1999; dont nous avons extrait presque toutes les informations que nous publions ici, dues à la plume de Mère Marie-Monique et de Maurice Muel) de très beaux extraits de son testament remontant à cette année-là. Le Seigneur lui accordait au contraire encore presque vingt ans de vie pour consolider ses œuvres et donner encore, à tant d’âmes, la grâce des Exercices de Saint Ignace. L’âge n’avait en rien diminué sa combativité, au contraire. Dans les dernières années, même, il a remis sur le tapis la question de l’autorité dans l’Eglise (c’est-à-dire la question de l’illégitimité de Jean-Paul II) et celle des consécrations épiscopales; la Fraternité saint Pie X ne lui a pas pardonné, et a été l’occasion pour le P. Vinson d’un nouvel acte de courage et d’amour de la Vérité. Puisque nous avons mentionné les consécrations, il ne nous semble pas hors de propos, après tout ce temps, de faire une réflexion sur les événements qui divisèrent, en 1982, le P. Barbara, le P. Vinson et le P. Guérard des Lauriers. Comme l’on sait, le 8 mai 1981, Mgr Ngo-Dhin-Thuc, archevêque de Hué, conféra la consécration épiscopale au P. Guérard des Lauriers. Le 8 janvier suivant, le P. Barbara dénonça cet acte (et la consécration des prêtres mexicains Carmona et Zamora qui suivit) comme “ folie schismatique”(second supplément à Forts dans la Foi, n° 8). Quelques jours après, le 13 janvier, six prêtres “liés à des titres divers au R.P. Guérard des Lauriers” souscrirent un document “à propos de la consécration épiscopale du R.P. Guérard des Lauriers”, en la condamnant (bien qu’en ne la considérant pas comme schismatique). Le premier des signataires était justement le P. Vinson qui eut peut-être les heurts les plus violents avec le P. Guérard puisque tous deux célébraient à Lyon à la chapelle du Quai Saint-Vincent (de laquelle fut exclu le P. Guérard). Tels sont les faits douloureux d’alors. Aujourd’hui, tant le P. Barbara, que le P. Vinson, que l’abbé Guépin ont explicitement ou implicitement donné raison au P. Guérard des Lauriers, en acceptant les consécrations épiscopales de 1981. Si le P. Guérard des Lauriers eut raison, les Pères Vinson et Barbara, toutefois, n’eurent pas tous les torts. Dans ces années, l’infiltration de personnages vraiment schismatiques ou du moins indignes dans les rangs des évêques consacrés en état de nécessité, démontre comment l’on pouvait craindre et prévoir à juste titre, de la part de certains, l’abus des pouvoirs qui avaient été transmis licitement et à bon droit. Enfin au-delà des excès qui malheureusement arrivèrent il y eut à notre avis un véritable souci de pourvoir au bien de l’Eglise, soit du côté de ceux qui étaient favorables aux sacres, soit du côté de certains de ceux qui s’y opposèrent; les uns voulaient garder le sacerdoce et le sacrifice, les autres éviter les infiltrations schismatiques. Je pense que c’est à cette ligne, heureusement réconciliée aujourd’hui, que nous devons nous conformer.
Ce fut précisément à propos du problème des consécrations que l’abbé Ricossa et l’abbé Murro rencontrèrent le P. Vinson à la Maison St-Joseph, il y a plusieurs années. Depuis lors les visites s’intensifièrent (il est venu au moins deux fois lui-même à Verrua) jusqu’à arriver à l’étroite collaboration de ces derniers temps.
Dieu a accordé au P. Vinson de vivre intensément sa vie sacerdotale et apostolique jusqu’à la fin. Jusqu’au bout, il a donné les Exercices Spirituels (la dernière session, secondé par l’abbé Ricossa, se termina le 17 avril, quatre jours avant l’hémorragie cérébrale qui lui fut fatale), mourant, comme le P. Vallet, “sur la brèche”. Jusqu’au dernier moment, il fut au cœur des batailles pour la défense de la Foi, écrivant, publiant des livres, restant pour tous, amis et ennemis, un point de référence ou un redoutable adversaire. Jusqu’à la fin il fut présent à la vie de sa congrégation, pensant à son futur, à son expansion, se réjouissant des nouvelles vocations (justement le 18 avril avaient lieu des vœux perpétuels et une prise d’habit). Certes, il se préparait à la mort (durant les derniers Exercices il voulut faire lui aussi la confession
générale dans ce but), mais en même temps il travaillait avec la lucidité et l’enthousiasme d’un jeune. Comme il a su vivre, il a su mourir, édifiant tout le monde durant ses presque trois mois de maladie. La nuit même de l’hémorragie cérébrale, l’abbé Giugni lui administra l’extrême-onction. Il a reçu plusieurs fois, ensuite, le viatique. Il est mort le 8 juillet entouré de ses religieuses et de quelques élèves, dans sa maison où, nuit et jour, on priait incessamment pour lui.
générale dans ce but), mais en même temps il travaillait avec la lucidité et l’enthousiasme d’un jeune. Comme il a su vivre, il a su mourir, édifiant tout le monde durant ses presque trois mois de maladie. La nuit même de l’hémorragie cérébrale, l’abbé Giugni lui administra l’extrême-onction. Il a reçu plusieurs fois, ensuite, le viatique. Il est mort le 8 juillet entouré de ses religieuses et de quelques élèves, dans sa maison où, nuit et jour, on priait incessamment pour lui.
L’abbé Ricossa a célébré ses funérailles dans la chapelle de la Maison St-Joseph et au cimetière de Serre-Nerpol. Etaient présents pour l’Institut l’abbé Murro et l’abbé Cazalas (l’abbé Giugni, très lié au P. Vinson ne put se déplacer puisqu’il dirigeait le camp pour garçons à Raveau), des prêtres et religieuses de Chabeuil, deux prêtres de la Fraternité saint Pie X, et l’abbé Guépin, qui a prêché. Le nom du P. Vinson restera certainement en bénédiction. Prions pour lui.
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