Une question répétée, une réponse déjà donnée.
Alors, parlons de la Thèse. Mais parlons-en avec honnêteté intellectuelle. M. Remy en effet pose de manière répétée une question, en faisant croire à ses lecteurs que de notre part, on ne veut ou l’on ne sait répondre :
“Une seule question déjà posée quatre fois et toujours sans réponse :
« QUELLE EST LA VALEUR DES ACTES D’UN PAPE MATERIALITER ? »
Mgr Guérard m’avait répondu. Pourquoi ne répondez-vous pas ? Est-ce que la réponse vous fait peur ?
OUI LA RÉPONSE VOUS FAIT PEUR. Mgr Guérard m’avait répondu immédiatement : « NULLE », car il n’y a pas d’autre réponse. Et la Thèse s’effondre”.
Pourtant, M. Remy n’ignore pas que notre revue Sodalitium a publié dans le n° 13 de mai 1987, et récemment republié, l’interview de Mgr Guérard des Lauriers dans laquelle le théologien dominicain répond :
“L’occupant du Siège apostolique [le Cardinal Montini, au moins après le 7 décembre 1965, Mgr Luciani, Mgr Wojtyla] N’EST PAS PAPE FORMALITER. Il ne faut pas le désigner par le mot Pape.
C’est-à-dire que ledit “occupant” N’EST PAS, en aucun de ses actes, le Vicaire de Jésus-Christ. Ces actes, en tant précisément qu’ils prétendent être actes du Pape, en tant que Pape, SONT NULS. Il n’y a pas à désobéir aux “ordinations” prétendument portées par Mgr Wojtyla en tant qu’il serait Pape ; car il n’est pas en acte le Vicaire de Jésus-Christ ; toutes les ordinations portées à ce pseudo-titre sont VAINES, NULLES, sans aucune portée dans la réalité. IL FAUT, non désobéir, mais IGNORER”.
M. Remy nous demande de manière compulsive une réponse et ne s’aperçoit pas (?!) que, en publiant ce texte dans notre revue, nous avons répondu, sans peur aucune, depuis 1987, autrement dit, il y a 33 ans.
“Et la Thèse s’effondre”. Ou bien ne s’effondre pas ?
Le problème de L.-H. Remy, et de ceux qui raisonnent comme lui, est que si les actes de l’occupant du Siège Apostolique sont nuls, alors la Thèse de Cassiciacum s’effondrerait (alors qu’au contraire – allez savoir pourquoi – la déclaration de nullité de mariage demandée et obtenue par M. Remy ne s’effondrerait pas). Dommage que Mgr Guérard ne s’en soit pas aperçu, puisque dans la même interview il déclare, entre autres :
“Désigner un Pape véritable requiert canoniquement d’avoir, au préalable, constaté et déclaré la vacance réelle du Siège matériellement occupé”.
“L’existence d’un éventuel obex, découvert a posteriori, soit dans le “conclave” qui élit, soit dans la personne ainsi choisie, ne suffit pas à infirmer que celle-ci soit, au moins provisoirement, “pape” MATERIALITER. Car une donnée certaine, MAIS QUI N’EST PAS D’ORDRE ONTOLOGIQUE, ne peut pas être immanente aux Normes divines elles-mêmes. Une telle donnée ne peut donc avoir valeur et FORCE dans l’Église qu’en vertu d’une ordination et d’une promulgation faite par l’authentique Autorité de l’Église. Et comme une telle Autorité, actuellement, fait défaut, nul n’est actuellement qualifié, dans l’Église [nous entendons : la vraie Église ; et non, comme telle, l’église que préside Mgr Wojtyla] pour déclarer qu’après le 7 décembre 1965, le Cardinal Montini a cessé d’être “pape” MATERIALITER.
La même observation vaut pour les “occupants” du Siège apostolique qui ont succédé au Cardinal Montini ; cela, DANS LA SEULE MESURE OÙ une “hiérarchie” qui l’est seulement MATERIALITER peut se perpétuer. Une telle perpétuation n’est pas, ex se, impossible”.
“L’Apostolicité est une note, permanente comme l’est l’Église elle-même. Il faut donc tenir absolument la norme, sans laquelle la succession apostolique se trouverait OBJECTIVEMENT interrompue. Cette règle, impérieuse et évidente, est la suivante. La personne physique ou morale qui a, dans l’Église, qualité pour déclarer la vacance TOTALE du Siège apostolique est IDENTIQUE à celle qui a, dans l’Église, qualité pour pourvoir à la provision du même Siège apostolique. Qui déclare actuellement : “Mgr Wojtyla n’est pas pape du tout [pas même MATERIALITER]”, doit : ou bien convoquer le Conclave [!] ou bien montrer les lettres de créance qui l’instituent directement et immédiatement Légat de Notre-Seigneur Jésus-Christ [!!]”.
Actes nuls, mais non sans conséquences (y compris dans l’Église). Exemples et analogies.
Mais L.-H. Remy, et quiconque raisonne comme lui, ne comprend pas comment un sujet peut être privé d’autorité ou qu’un de ses actes puisse être nul, et cependant avoir des conséquences et des effets dans l’Église. Essayons de l’expliquer avec quelques exemples.
Dans le mariage. Un mariage religieux, par exemple, peut être nul pour différents motifs (empêchements dirimants, vice de consentement, défaut de forme canonique). Toutefois, étant donné le consentement échangé par les époux devant témoins, il est dit mariage putatif, et bien qu’étant nul, il a des conséquences :
les enfants nés de ce mariage putatif sont légitimes et non illégitimes (canon 1114) ;
les époux putatifs ne peuvent contracter de nouvelles noces si leur mariage n’a pas été déclaré auparavant nul par l’Église (canon 1069 § 2) ;
dans certains cas ils peuvent rendre valide leur union en supprimant l’obstacle qui en causait la nullité (canons 1133-1136) ;
le mariage putatif peut être rendu valide par l’Église par la sanatio in radice, et par simulation juridique être déclaré valide depuis le commencement, même quand il était encore nul (canons 1138-1139).
Comme on le voit, le consentement échangé par les époux, bien que nul, n’est pas rien…
Dans les actes juridiques de l’Église. Le canon 209 édicte qu’en cas d’erreur commune ou de doute positif l’Église supplée la juridiction (les seuls actes de juridiction), tant au for interne qu’au for externe, en vue du bien commun. Une personne privée de juridiction, c’est-à-dire, dont les actes seraient par eux-mêmes nuls et invalides, peut exercer par suppléance de l’Église des actes valides de juridiction si elle a un “titre coloré” (quand il lui a été accordé un office ecclésiastique de manière invalide, mais que de manière erronée l’on croit valide) ou même seulement “estimé” ou “putatif” (il n’y a eu aucune concession, mais il y a motif de le penser). Comme déjà dit, ceci vaut tant pour le for externe que pour le for interne (la confession).
Dans l’hypothèse du Pape hérétique, presque tous les auteurs sont d’accord pour affirmer que si l’hérésie est cachée le sujet – bien que n’étant plus membre de l’Église – en est encore le Chef, par suppléance de la part du Christ (cf. Billuart, Garrigou-Lagrange). En ce cas, la juridiction est suppléée par le Christ Lui-même, non par l’Église, et pas seulement pour chaque acte, mais habituellement.
Dans le cas du Grand Schisme, participèrent au Conclave qui élut le Pape Martin V durant le Concile de Constance les cardinaux et autres prélats des trois obédiences (romaine, avignonnaise et pisane), même si tous étaient plus ou moins douteux, et ceux d’au moins deux obédiences sur trois avaient seulement un “titre coloré”, mais non vrai et réel, au cardinalat et donc à l’élection. On remarque que l’élu, bien que créé cardinal par le Pape de l’obédience romaine, s’en était séparé pour adhérer à celui de l’obédience pisane, et donc avait été excommunié par le Pape “romain”.
Il est nécessaire que subsistent des personnes habilitées canoniquement (au moins par un ‘titre coloré’) à l’élection papale.
Les exemples adoptés (non exhaustifs) ne regardent évidemment pas le cas qui nous intéresse (la question de l’Autorité dans la situation actuelle de l’Église) mais aident à comprendre, par similitude et analogie, comment des actes privés de valeur par eux-mêmes, y compris de la part de sujets privés par eux-mêmes d’autorité peuvent avoir conséquences juridiques non secondaires dans l’Église.
Or, dans la situation actuelle de l’Église c’est une vérité de foi que le Pape a toujours (dans le sens de : peut avoir toujours) des Successeurs sur le Siège de Pierre (Concile Vatican I, constitution Pastor æternus, chap. II, “Si donc quelqu’un dit que ce n’est pas par l’institution du Christ ou de droit divin que le bienheureux Pierre a des successeurs dans sa primauté sur l’Église universelle, ou que le Pontife romain n’est pas le successeur du bienheureux Pierre en cette primauté, qu’il soit anathème”). Ceci ne serait pas possible s’il devenait impossible d’avoir un vrai Pape sur le Siège de Pierre, comme cela arriverait dans le cas où feraient défaut les électeurs du Pape.
Pour un approfondissement de la question cf. :
Sodalitium n° 54 (décembre 2002) : L’élection du Pape www.sodalitium.eu/sodalitium_pdf/Soda-F54.pdf
Sodalitium n° 62 (mai 2009) : Une consécration épiscopale valide est-elle nécessaire pour être Pape ? www.sodalitium.eu/sodalitium_pdf/Soda-F62.pdf
Sodalitium n° 66 (janvier 2016) : “Pape, papauté et Siège vacant…” : www.sodalitium.eu/sodalitium_pdf/Soda-F66.pdf
On ne peut traiter de manière superficielle une question qui touche d’aussi près les vérités de Foi.
P.S : Détails. Sauf erreur de ma part, je ne crois pas que du temps de Jean XXIII (ou de Pie XII) le serment tiré du Liber Diurnus que cite L.-M. Remy était encore en vigueur. Je crois encore moins, dans la série d’articles sur le “Pape du Concile”, avoir moi-même démontré par de nombreux documents que Jean XXIII était un membre de la Contre-Église : L.-H. Remy doit m’avoir confondu avec Malachi Martin. Enfin, à propos de la question que nous avons signalée ici : https://www.sodalitium.eu/information , L.-H. Remy admet être le responsable de la réédition du livre de Mme Bessonnet ; il admet pourtant, après l’avoir nié, que Mme Bessonnet est la même personne qui, sous le nom de Francis André, a répandu l’occultisme et le gnosticisme ; il admet que ce genre de personnes essaye de s’infiltrer chez les catholiques et … “persiste et signe”, en continuant à recommander le même livre. Comprenne qui pourra !