Le Saint-Siège et le “Secret de La Salette”

Présentation

Suite à l’article publié dans le numéro 48 de Sodalitium (avril 1999, pp. 57-59) certains lecteurs, dont les uns favorables et d’autres opposés à ce que nous soutenions, nous ont demandé de publier intégralement les documents concernant ledit “Secret de La Salette”. C’est ce que nous faisons avec le présent opuscule intitulé “Le Saint-Siège et le ‘Secret de La Salette’”.

Ce titre indique – comme il se doit – le contenu de l’opuscule : y sont publiés exclusivement les documents du Saint-Siège concernant le “Secret de La Salette” (pas trace par conséquent de documents se référant à l’apparition de la Très Sainte Vierge à La Salette reconnue officiellement par l’autorité compétente, qui est celle du diocèse de Grenoble).

Par le terme de “Saint-Siège” le Code de Droit Canon (can. 7) entend désigner “non seulement le Souverain Pontife, mais également (…) les Congrégations, les Tribunaux, les Offices, par l’intermédiaire desquels ce même Souverain Pontife règle habituellement les affaires de l’Eglise”. Dans le présent dossier nous publions des documents de la Congrégation du Saint-Office (qui était dans la Curie romaine la congrégation “Suprême”) et de la Congrégation de l’Index. A propos de la valeur des décisions des Congrégations Romaines, nous rappelons que saint Pie X, par le décret Lamentabili annexé à l’encyclique Pascendi, condamnait la proposition des modernistes selon laquelle : “il faut considérer comme exempts de toute faute ceux qui tiennent pour rien les condamnations prononcées par la Sacrée Congrégation de l’Index ou par d’autres Sacrées Congrégations romaines” (D.S. 3408). Na­turellement cela ne signifie pas que toutes les décisions des Sacrées Congrégations soient irréformables, ou que tous les textes que nous publions aient la même valeur.

Par le terme “Secret de La Salette”, nous entendons par contre désigner le texte de l’opuscule “L’Apparition de la Très Sainte Vierge sur la Montagne de La Salette le 19 septembre 1846, publiée par la Bergère de La Salette avec l’Imprimatur de Mgr l’Evêque de Lecce”, de 1879, puis réimprimé en 1922 par la maison d’édition Société Saint-Augustin (Paris-Rome-Bruges) sous le titre : “L’Apparition de la Très Sainte Vierge sur la Sainte Montagne de La Salette le samedi 19 septembre 1846. Simple Réimpression du Texte Intégral publié par Mélanie avec l’Imprimatur de Sa Gr. Mgr Sauveur-Louis Zola, Evêque de Lecce en 1879, suivi de quelques pièces justificatives. Le Tout Publié avec l’Imprimatur du R.P. A. Lepidi O.P., Maître du Sacré-Palais, Assistant Perpétuel de la Congrégation de l’Index, Délivré à Rome le 6 juin 1922”. Ce sont ces deux publications du même texte, ou bien des commentaires à ce texte, qui ont fait l’objet des interventions du Saint-Siège.

La question se posait de l’opportunité de publier les documents sans commentaire aucun, ou bien de les faire précéder de quelques lignes explicatives. Nous avons opté pour la seconde solution, limitant cependant notre commentaire au minimum indispensable et le reléguant en note afin de laisser réellement la parole aux documents eux-mêmes. Cela permettra au lecteur d’avoir sous les yeux, rassemblés en un seul petit volume facile à compulser, tous les éléments du dossier.

C’est bien volontiers que je laisse la parole aux documents…

Abbé Francesco Ricossa

 



 

DOCUMENTS SUR LE

“SECRET DE LA SALETTE”

 

[DOCUMENT n° 1]

 

Les interventions de la Suprême ­Con­gré­gation de la Sainte Inquisition Ro­maine et Universelle (Saint-Office) de 1880-1881

A) Décret du Saint-Office du mercredi 26 février 1879
[sic pour 1880]
in CORTEVILLE, p. 254. Traduction du texte original latin inédit conservé dans les Archives du Saint-Office

 

Les Eminentissimes Pères ont décrété “ad mentem” que l’on écrive à l’Evêque de Lecce en lui demandant raison de la publication de cet opuscule, et comment il l’a autorisé. Qu’on lui ordonne de retirer les copies et d’en empêcher la diffusion. Que l’on écrive à l’Archevêque de Lyon en l’avertissant de cette publication et des ordres de cette Suprême. Que l’on écrive au Patriarche de Venise de ne pas faire publier l’opuscule, et qu’il ne permette pas, ni ne s’intéresse à la proposition que l’on voudrait faire du Dogme de l’Assomption. Que l’on appelle et que l’on admoneste le Prêtre Français qui est au petit Saint Sauveur de cesser de tels efforts et images.

Fr. Vinc. Leo Sallua, Commissaire G., Archev. de Chalcédoine.
Le même jour : Relaté au Très Saint [Père]

 

B) Décret du Saint-Office du mercredi 10 mars 1880
in CORTEVILLE, p. 258. Traduction du texte original latin inédit conservé dans les Archives du Saint-Office

 

Les Em.simes S.rs quant à l’Evêque de Lecce pour statuer et se prononcer [ad supersedendum et ad mentem] : il est de leur pensée de supplier le Saint-Père de vouloir donner l’écrit que Mélanie fit parvenir à sa Sainteté par le moyen de l’Emi­nen­tissime Consolini, comme celui-ci l’a dit au Cardinal Ferrieri, écrit qui contient la secrète révélation que la même prétend avoir reçue, et ceci afin de pouvoir comparer la révélation elle-même avec celle que l’on publie, et de l’examiner intrinsèquement et extrinsèquement, pour voir si cette révélation doit être retenue pour vraie ou non en toutes ses parties.

Jacobini, As[sesseur] Le même jour de la férie
Le T.St. [Père] a approuvé. Jacobini As.

 

C) Décret du Saint-Office du 2 juin 1880
in CORTEVILLE, p. 260. Traduction du texte original latin inédit conservé dans les Archives du Saint-Office.

 

Les Eminentissimes Seigneurs “ad mentem” : L’opinion est d’écrire à l’Evêque de Lecce qu’il ne s’occupe plus de Mélanie et qu’il interrompe avec elle toute relation, et que cela soit fait par cette Suprême Congrégation.

Que la Sacrée Congrégation des Evêques et Réguliers réponde à l’Evêque de Castellamare en lui exposant tout ce qui a été fait pour calmer les appréhensions suscitées par l’Opuscule de ladite Mélanie : que l’on prie Monseigneur l’Evêque de continuer à la surveiller et à en avoir soin, et qu’il ne permette pas qu’elle sorte de son diocèse.

Que l’on prenne en examen le susdit opuscule, en tâchant d’en avoir l’édition la plus ample.

Jacobini As.

 

D) Deuxième lettre du Cardinal Caterini, Secrétaire du Saint-Office à Mgr Zola, évêque de Lecce, du 5 juin 1880
in CORTEVILLE, p. 261. Traduction du texte original italien inédit conservé dans les Archives du Saint-Office.

 

Illustre et Réver[endissime] Seigneur et frère,

Par mandat reçu de la S[uprême] assemblée, je dois participer à V.S[eigneurie] que l’opinion de ces Em[inentissimes] Inq[quisiteurs] Gén[éraux] pleinement approuvée par Sa Sainteté est que vous ne vous occupiez plus de Mélanie, et que vous interrompiez toute relation avec celle-ci.

Je me presse de vous le signaler pour votre norme et gouverne, après quoi il ne me reste qu’à vous souhaiter tous les biens du Seigneur.

De V[otre] S[eigneurie] Rome, 5 juin 1880
Très affectionné en tant que frère
P. Cardinal Caterini

Reproduction partielle du texte original italien rapporté par Stern (vol. 3, p. 121, note 43) : “… essere mente di questi Em[inent]i Inq[uisito]ri Gen[era]li pienamente approvata da Sua Santità ch’Ella non si abbia più ad occupare della Melania…”

 

E) Avis des Consulteurs et décret du Saint-Office du lundi 26 juillet et du mardi 3 août 1880
in CORTEVILLE, pp. 272-273. Traduction du texte original latin inédit conservé dans les Archives du Saint-Office.

 

IIème férie 26 juillet 1880

Les S[eigneurs] C[onsulteurs] furent de l’avis : Que l’on écrive maintenant aux archevêques des Gaules et d’Italie sous le secret du S[aint] O[ffice] “ad mentem” : L’opinion [du Saint-Office] est que les révélations de Mélanie que l’on imprime et diffuse de toute part ne peuvent être retenues authentiques ni saines quant à la doctrine : que donc, ne portant en rien préjudice au culte que l’on prête à la Bienheureuse Vierge sous le titre de la Salette, non seulement ils ne les approuvent en aucune façon, mais qu’ils veillent à ce que les susdites révélations ne s’impriment ni se diffusent dans leurs Diocèses et ceux de leurs suffragants, mais qu’ils les retirent même prudemment partoùt ou elles se trouvent déjà répandues.

Quant à l’opuscule divulgué par presse, quatre [des consulteurs] furent de l’avis qu’il soit prohibé par un décret de la quatrième férie. Mais que le décret reste sous le secret du S[aint] O[ffice] pour n’être publié que si et quand les Eminentisssimes Pères le croiront utile et opportun.

A. Jacobini Ads

IIIème férie au lieu de la IVème, le 3 août 1880

Les Eminentissimes Seigneurs, “ad mentem” : leur opinion, c’est que s’il vient quelque demande comme par exemple celle présentée par le Supérieur des Missionnaires de la Salette, on réponde : qu’il ne plaît pas au Saint Siège que cet opuscule soit diffusé, mais qu’il veut qu’il soit retiré là où il est déjà répandu. Que l’on répète ceci également à l’Evêque de Castellamare, en lui disant qu’il avertisse Mélanie de ces dispositions prises par le Saint-Siège à propos de son opuscule, et qu’on lui interdise d’écrire plus de choses semblables et spécialement de donner des explications sur cet opuscule.

Jacobini As
Le même jour de férie,
à la même date le Saint Père a approuvé. A. Jacobini As

 

F) Lettre du Cardinal Prospero Caterini, Cardinal secrétaire du Saint-Office, à Mgr Cortet, évêque de Troyes, du 14 août 1880
in CORTEVILLE, p. 273.
Texte original latin aux archives épiscopales de Troyes.

 

Illustrissime ac Reverendissime Domine uti Frater,

A Sacra Congregatione Indicis remissæ sunt huic Supremæ litteræ Amplitudinis Tuæ relatæ ad opusculum cui titulus “L’Apparition de la Très Sainte Vierge sur la montagne de La Salette”. Porro Eminentissimi Patres, una mecum Inquisitores Generales quam maxime commendandam esse duxerunt sollicitudinem tuam denuntiandum prædictum opusculum, cum scias oportet Sanctæ Sedis minime placuisse ipsum factum fuisse publici iuris ; ideoque eius esse voluntatem ut eiusdem opusculi exemplaria, ubi vulgata sunt, quoad fieri potest, e fidelium manibus retrahantur.

Hæc autem dum pro mei muneris ratione Amplitudinis Tuæ significo, eidem impensos quoque animi sensus testatus volo, cui fausta omnia a Deo deprecor.

Amplitudinis Tuæ,

Romæ 14 Augusti 1880 P. Cardinal Caterini
Trecensi Reverendissimo Episcopo.

Traduction :

Illustrissime et Révérendissime Seigneur et Frère,

La Sacrée Congrégation de l’Index a remis à la Congrégation Suprême la lettre de Votre Grandeur relative à l’opuscule intitulé “L’Apparition de la Très Sainte Vierge sur la montagne de La Salette”. Or, les Eminentissimes Pères avec moi Inquisiteurs Généraux ont jugé digne des plus grands éloges le zèle que vous avez déployé en leur dénonçant le dit opuscule ; car il faut que vous sachiez que la publication qui en a été faite n’a pas plu du tout au Saint-Siège : aussi sa volonté est que les exemplaires de cette brochure, là où ils ont été mis en circulation, soient, dans la mesure du possible, retirés des mains des fidèles.

En m’acquittant des devoirs de ma charge, je renouvelle à Votre Grandeur l’expression de mes meilleurs sentiments et je prie le Seigneur d’exaucer tous les vœux de bonheur que je forme pour elle.

Rome, le 14 août 1880 P. Cardinal Caterini

 

G) Décret du Saint-Office du jeudi 25 août 1880
in CORTEVILLE p. 274. Traduction du texte original latin inédit conservé dans les Archives du Saint-Office.

 

IVème férie, 25 août 1880

Les Em.mes et R.mes S. à propos de la publication interdite de l’opuscule de Mélanie approuvèrent l’avis du S. Evêque de Grenoble.

Jacobini As.
Les mêmes féries et jour Relaté au Très S. [Père]

 

H) Décret du Saint-Office du mercredi 16 février 1881
in CORTEVILLE p. 278. Traduction du texte original latin inédit conservé dans les Archives du Saint-Office.

 

IVème férie, du 16 Fev. 1881

Les Em. S. [ont] D[écidé] : que l’on écrive 1° à l’Evêque de Lecce “ad mentem” : l’esprit [du Saint-Office] est de lui dire que cette Suprême Congrégation et Sa Sainteté s’étonnent hautement de ce qu’il a écrit des lettres relatives à cet affaire en n’obéissant pas aux ordres reçus, et qu’il en réfère.

2° Que l’on écrive à l’Evêque de Castellamare “ad mentem” : L’esprit [du Saint-Office est] qu’il renouvelle à S.r Mélanie la prohibition de continuer ce qu’elle continue de faire en la menaçant en cas de transgression, de la privation de l’usage des Sacrements.

Jacobini As
Le même jour et la même férie :
Le Très S. [Père] l’a confirmé. Jacobini As

 


 

[DOCUMENT n° 2]

 

LA MISE À L’INDEX DE DEUX ŒUVRES
DE L’ABBÉ COMBE

 

Le 7 juin 1901, mise à l’Index de l’ouvrage de l’abbé Combe : Le grand coup avec sa date probable, Etude sur le Secret de La Salette (1894) ; puis, le 12 avril 1907, mise à l’Index d’un autre des ouvrages du même auteur : Le Secret de Mélanie, bergère de La Salette, et la crise actuelle (1906).

(cf. par exemple : Annales de N. D. de La Salette – 51ème année – 19 janvier 1916 – p. 551 ; note 20).


Index des livres interdits.
Edition de 1958, des éditions polyglottes vaticanes


Couverture et page de l’Index des livres interdits avec la condamnation des œuvres de l’abbé Combe

 


 

[DOCUMENT n° 3]

 

CONDAMNATION DE L’ABBÉ RIGAUD ET DE SA REVUE

UNE REVUE CONDAMNÉE

Le 11 décembre 1910, L’Osservatore Romano publie l’information suivante :

“Depuis plusieurs années, paraît à Limoges (France), publiée par le prêtre Ernest Rigaud, sans la permission de l’autorité diocésaine prescrite par la Constitution apostolique Officiorum, une revue périodique intitulée Annales mensuelles des Croisés de Marie et des apôtres des derniers temps, dans laquelle, sans tenir compte des réserves imposées par Urbain VIII, on rapporte des miracles supposés et des prophéties dans une forme extrêmement incorrecte et injurieuse pour de hauts dignitaires ecclésiastiques.

On met les fidèles en garde contre une telle publication, et on les exhorte vivement à s’abstenir de la lire et de la favoriser en aucune façon.”

Le Cardinal Merry del Val, secrétaire du Saint-Office, confirma cette note de L’Osservatore Romano du 10 décembre 1910 par une lettre du 30 janvier 1911 :

 

Du Vatican, le 30 janvier 1911
A S.G. Mgr Firmin-Léon-Joseph Renouard,
évêque de Limoges

Monseigneur,

On vient de rapporter au Saint-Siège que le communiqué de L’Osservatore Romano à la date du 11 décembre 1910, concernant ‘Les Annales mensuelles des Croisés de Marie et des Apôtres des derniers temps’ serait considéré non authentique, et que l’on en contesterait toute la portée et la valeur.

C’est pourquoi, je tiens à déclarer à Votre Grandeur que ce communiqué est parfaitement authentique et qu’il a une valeur directive ; l’opinion ne saurait ainsi être désormais trompée par de fausses et déloyales manœuvres.

Votre Grandeur ne manquera pas, après cette déclaration, de prendre les mesures qu’elle jugera opportunes à cet égard.

Je saisis cette occasion pour vous exprimer, Monseigneur, mes sentiments tout dévoués en Notre Seigneur.

Cardinal Merry del Val
(Annales de La Salette, mars 1911, pp. 701-702).

 

Monseigneur Renouard, évêque de Limoges, déclara l’abbé Ernest Rigaud suspens a divinis et lui défendit de publier sa revue (18 février 1911) ainsi que de célébrer la sainte Messe (26 mai 1911).

(cf. par exemple Annales de N. D. de La Salette – 51ème année – 19 janvier 1916 – p. 550 ; note 19).

Mais comme l’abbé Rigaud ne se soumettait pas aux peines canoniques qui lui étaient infligées par l’ordinaire diocésain, saint Pie X écrivit personnellement à ce dernier la lettre suivante :

 

Au Vénérable Frère Firmin-Joseph Renouard,

évêque de Limoges

Vénérable Frère,

Nous venons vous dire la peine profonde que Nous cause la conduite d’un prêtre de votre diocèse, M. Ernest Rigaud. Sous prétexte de propager une association qu’il a fondée et de soutenir la dévotion à Notre-Dame de la Salette, il se révolte contre votre autorité légitime, méprise vos avertissement et vos ordonnances et ne tient aucun compte de la suspense que vous avez été obligé de lui infliger. Mais il y a plus. Abusant de simples accusés de réception qu’il a pu recevoir autrefois de Rome et dont il interprète et défigure la portée à sa guise, ce malheureux prêtre se vante d’avoir Notre autorisation et approbation pour agir comme il le fait et propager son étrange doctrine. Il en conclut que le Pape seul a le droit d’attaquer ses écrits et que seul il peut le frapper. Après la notification explicite publiée par Notre ordre, il conteste l’authenticité de cet acte, et cela malgré une lettre formelle que vous a adressée à ce sujet Notre Cardinal Secrétaire d’Etat. Il y ajoute des publications outrageantes à votre endroit et à celui de plusieurs évêques de France et donne un vrai scandale aux fidèles. En présence de pareils excès, attestés par le dossier que Nous avons sous Nos yeux, et ayant désormais épuisé toutes les démarches que la pitié et la longanimité pouvaient suggérer, il ne Nous reste aujourd’hui qu’à vous inviter à adresser une dernière admonition à ce prêtre égaré et à lui dire, en Notre nom, que s’il ne renonce pas immédiatement et complètement à ses erreurs et à son attitude déplorable, Nous devrons recourir aux peines ecclésiastiques les plus sévères. Dans l’espoir que Notre Seigneur daignera éclairer cette âme de prêtre et le rappeler à la vérité et à son devoir, Nous unissons à cet effet Nos prières aux Vôtres et de tout cœur Nous envoyons à Vous, Vénérable Frère, à votre clergé et à tous les fidèles de votre diocèse la Bénédiction Apostolique.

Rome, du Vatican, le 1er juillet 1911
Pius P.P. X

(tiré des Annales de N.-D. de La Salette, août 1911, pp. 90-91).

 


 

[DOCUMENT n° 4]

 

Ex Acta Apostolicæ Sedis – Annus VII – Vol. VII – p. 594.
SUPREMA SACRA CONGREGATIO S. OFFICII

DECRETUM
circa vulgo dictum “secret de La Salette

Ad supremæ hujus Congregationis notitiam pervenit quosdam non deesse, etiam ex ecclesiastico cœtu, qui, posthabitis responsionibus ac decisionibus ipsius S. Congregationis, per libros, opuscula atque articulos in foliis periodicis editos, sive subscriptos sive sine nomine, de sic dicto Secret de La Salette de diversis ipsius formis, nec non de ejus præsentibus aut futuris temporibus accomodatione disserere ac pertractare pergunt; idque non modo absque Ordinariorum licentia, verum etiam contra ipsorum vetitum. Ut hi abusus qui veræ pietati officiunt, et ecclesiasticam auctoritatem magnopere lædunt, cohibeantur, eadem Sacra Congregatio mandat omnibus fidelibus cuiuscumque regionis ne sub quovis prætextu vel quavis forma, nempe per libros, opuscula aut articulos sive subscriptos, sive sine nomine, vel alio quovis modo, de memorato subjecto disserant aut pertractent. Quicumque vero hoc sancti Officii præceptum violaverint, si sint sacerdotes, priventur omni, quam forte habeant, dignitate et per Ordinarium loci ab audiendis sacramentalibus confessionibus et a missa celebranda suspendantur: et si sint laici ad Sacramenta non admittantur donec resipiscant. Utrique insuper subiaceant sanctionibus latis tum a Leone PP. XIII per Constitutionem Officiorum ac munerum contra eos qui libros de rebus religiosis tractantes sine legitima Superiorum licentia publicant, cum ab Urbano VIII per decretum Sanctissimus Dominus Noster datum die 13 martii 1625 contra eos qui assertas revelationes sine Ordinariorum licentia vulgant. Hoc autem decretum devotionem non vetat erga Beatissimam Virginem sub titulo Reconciliationis vulgo de La Salette nuncupatam.

Datum Romæ, ex Ædibus Sancti Officii, die 21 decembris 1915.
Aloisius Castellano, S. R. et U. I. Notarius

 

ACTES DU SAINT-SIÈGE
SACRÉE CONGRÉGATION SUPRÊME
DU SAINT-OFFICE
Traduction tirée de la Documentation Catholique n° 96
5 février 1921, p. 147, note 1.

DÉCRET concernant ce qu’on appelle vulgairement
Le secret de La Salette

Cette Suprême Congrégation (du Saint-Office) a été informée que certaines personnes, même des membres du clergé, ne tenant point compte des réponses et décisions de ladite S. Congrégation, continuent dans des livres, brochures, articles de revues, signés ou anonymes, de discuter et de traiter de ce qu’on appelle le secret de La Salette, de ses divers aspects et de ses applications aux temps présents ou à venir, et cela sans la permission, et même contre la défense des Ordinaires. Pour réprimer ces abus, qui nuisent à la véritable piété et offensent gravement l’autorité ecclésiastique, ladite Sacrée Congrégation défend à tous les fidèles de tout pays de discuter et de traiter du sujet en question, sous quelque prétexte et en quelque forme que ce soit : livres, brochures, articles ou anonymes, ou de toute autre manière.

Tous ceux qui enfreindront cette défense du Saint-Office, s’ils sont prêtres, seront déchus de toute dignité dont ils pourraient être revêtus, et l’Ordinaire les frappera de suspense avec défense d’entendre les confessions et de célébrer la Messe ; s’ils sont laïcs, ils se verront refuser les sacrements jusqu’à ce qu’ils soient venus à résipiscence.

De plus, les uns et les autres encourront les peines édictées tant par Léon XIII (Constitution Officiorum ac munerum) contre ceux, qui, sans une permission légitime des supérieurs, publient des ouvrages sur des sujets religieux, que par Urbain VIII (décret Sanctissimus Dominus Noster, 13 mars 1625) contre ceux qui, sans l’autorisation des Ordinaires, répandent dans le public de prétendues révélations.

Le présent décret ne condamne pas pourtant la dévotion à Notre-Dame Réconciliatrice communément appelée de La Salette.

Donné à Rome, au Palais du Saint-Office, le 21 décembre 1915.
Louis Castellano, Notaire de la S. R. et U. I

 

Ce décret fut transmis le surlendemain à Monseigneur l’Evêque de Grenoble par Monseigneur Donato Sbaretti, archevêque titulaire d’Ephèse et assesseur de cette Suprême Congrégation. Voici le texte et la traduction de ce billet d’expédition :

 

Suprema Sacra Congregatio Sancti Officii

Romæ, die 23 decembris 1915.

Hisce adiunctum litteris mitto ad Amplitudinem Tuam exemplar decreti Supremæ hujus Congregationis quo interdicitur omnis publicatio circa sic dictum “Secret de La Salette”.

Et fausta cuncta atque felicia tibi adprecor.

Devotissimus servus,

† Donatus, Archiepiscopus Ephesin. adsessor.
R. P. D. Episcopo Gratianopolitan.

Traduction :

Suprême sacrée Congrégation du Saint-Office

Rome, le 23 décembre 1915.

En même temps que cette lettre, j’envoie à Votre Grandeur une copie du décret de cette Suprême Congrégation, qui interdit toute publication concernant ce qu’on appelle “Le Secret de La Salette”.

Agréez tous les vœux et souhaits que je forme pour vous.

Votre très dévoué serviteur,

† Donato, archevêque d’Ephèse, assesseur.
Au Révérendissime Père Monseigneur l’Evêque de Grenoble.


SUPREMA SACRA CONGREGATIO S. OFFICII
Texte et traduction in Bassette, Le fait de La Salette, nouvelle édition, Paris, éditions du Cerf, 1965, p. 439.

Romæ, die 7 februarii 1916

Illme ac Rme Domine,

In additamento ephemeridi La Croix (supplément au n° 10.074) diei 12 januarii decurrentis anni relato decreto supremæ hujus Congregationis edito die 21 decembris 1915 circa vulgo dictum secret de La Salette leguntur quædam conclusiones ex ephemeride La Semaine religieuse, ut videtur, depromptæ, quibus innuitur per memoratum decretum agnosci factum apparitionis B. M. V. in loco La Salette. Hac super ea Amplitudinis Tuæ, nomine ejusdem Congregationis significandum curo mentem Sancti Officii in eo condendo decreto non fuisse aliquam sententiam vel opinionem proferendi aut exprimendi circa factum apparitionis, ideoque conclusiones supra dictas esse hoc sensu corrigendas.

Et fausta cuncta atque felicia Tibi adprecor.

Amplitudinis Tuæ

Devmus in Dno famulus.

R. Card. Merry del Val
Illmo ac Rmo Domino Dno Aloysio Joseph Mauri Episcopo Gratianopolitan.

Traduction :

SUPRÊME SACRÉE CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE

Rome, le 7 février 1916

Illustrissime et Révérendissime Seigneur,

Dans le supplément du journal La Croix (supplément au n° 10.074) du 12 janvier de l’année en cours, après la relation du décret de cette Suprême Congrégation du 21 décembre 1915 au sujet de ce qu’on appelle vulgairement le secret de La Salette, on peut lire certaines conclusions tirées, semble-t-il, de La Semaine religieuse dans lesquelles on fait comprendre que, par ce décret, le fait de l’apparition de la B. V. M. à La Salette est reconnu. Par la présente à votre Grandeur, je désire signifier à ce sujet, au nom de cette même Congrégation, que l’intention du Saint-Office en rendant ce décret n’a pas été de formuler un jugement ou d’émettre une opinion sur le fait de l’apparition et que les conclusions citées plus hauts doivent être corrigées dans ce sens.

Agréez tous les souhaits et les vœux que je forme pour vous.

De Votre Grandeur

Le très dévoué serviteur dans le Seigneur.

R. Card. Merry del Val
A l’illustrissime et Révérendissime Seigneur Louis Joseph Maurin, Evêque de Grenoble.


 

[DOCUMENT n° 5]

 

Ex Acta Apostolicæ Sedis – Annus VIII – Volumen VIII – p. 175.

ACTA SS. CONGREGATIONUM

SUPREMA SACRA CONGREGATIO S. OFFICII

DECLARATIO circa opus quoddam

Feria IV, die 12 aprilis 1916

In generali consessu Supremæ hujus Congregationis Sancti Officii, Eminentissimi ac Reverrendissimi Domini Cardinales in rebus fidei ac morum Inquisitores Generales declaraverunt: Opus cui titulus: La Leçon de l’Hôpital Notre-Dame d’Ypres – Exégèse du Secret de La Salette – par le Dr Henri Mariavé, tome 1, Paris, 1915 ; tome II, Appendices, Montpellier, 1915, ex regulis generalibus in Constitutione Officiorum ac munerum traditis, esse damnatum atque proscriptum.

Datum Romæ, ex ædibus Sancti Officii, die 13 aprilis 1916.

Aloisius Castellano, S. R. et U. I. Notarius.

Traduction :

DÉCLARATION au sujet d’un ouvrage

Mercredi 12 avril 1916

Dans l’assemblée générale de cette Suprême Congrégation du Saint-Office, les Eminentissimes et Révérendissimes Seigneurs Cardinaux, Inquisiteurs Généraux dans les choses de la Foi et les mœurs, ont déclaré que l’œuvre dont le titre est le suivant : La Leçon de l’Hôpital Notre-Dame d’Ypres – Exégèse du Secret de La Salette – par le Dr Henri Mariavé, tome I, Paris, 1915 ; tome II, Appendices, Montpellier, 1915, a été condamnée et proscrite de par les règles générales de la Constitution Officiorum ac munerum.

Donné à Rome, au Palais du Saint-Office, le 13 avril 1916.

Louis Castellano, Notaire de la S. R. et U. I.

 

Ex Acta Apostolicæ Sedis – Annus VIII – Volumen VIII – pp. 178-179.

SACRA CONGREGATIO INDICIS

DECRETUM

Feria II, die 5 junii 1916

Sacra Congregatio Eminentissimorum ac Reverendissimorum Sanctæ Romanæ Ecclesiæ Cardinalium a Sanctissimo Domino Nostro Benedicto Papa XV Sanctaque Sede Apostolica Indici librorum pravæ doctrinæ, eorumdem proscriptioni ac permissioni universa christiana republica præpositorum et delegatorum, habita in Palatio Apostolico Vaticano die 5 junii 1916, damnavit et damnat, proscripsit proscribitque, vel alias damnata atque proscripta in Indicem librorum prohibitorum referri mandavit et mandat quæ sequuntur opera:

Dr Henri Mariavé, La leçon de l’hôpital Notre-Dame d’Ypres. Exégèse du secret de la Salette, Tome I, Paris, 1915 ; tome II, Appendices, Montpellier, 1915 (Decr. S. Off. 12 apr. 1916).

Itaque nemo cuiuscumque gradus et conditionis prædicta opera damnata atque proscripta, quocumque loco et quocumque idiomate, aut in posterum edere, aut edita legere vel retinere audeat, sub pœnis in Indice librorum vetitorum indictis.

Quibus Sanctissimo Domino Nostro Benedicto Papæ XV per me infrascriptum Secretarium relatis, Sanctitas Sua decretum probavit et promulgari præcepit. In quorum fidem, etc.

datum Romæ, die 6 junii 1916.

Fr. Card. Della Volpe, Præfectus.
L. † S.
Thomas Esser, O. P., Secretarius.

Traduction :

SACRÉE CONGRÉGATION DE L’INDEX

DÉCRET

Lundi 5 juin 1916

La sacrée Congrégation des Eminentissimes et Révé­rendissimes Cardinaux de la Sainte Eglise Romaine, préposés et délégués dans la chrétienté toute entière par sa sainteté le Pape Benoît XV à l’Index des livres de mauvaise doctrine, à leur proscription et permission, réunie dans le Palais Apostolique du Vatican le 5 juin 1916, a condamné et condamne, a proscrit et proscrit, a commandé et commande que soient mises dans l’Index des livres interdits les œuvres qui suivent condamnées et proscrites en un autre endroit :

Dr Henri Mariavé, La leçon de l’hôpital Notre-Dame d’Ypres. Exégèse du secret de la Salette, tome I, Paris, 1915 ; tome II, Appendices, Montpellier, 1915 (Decr. S. Off. 12 apr. 1916).

Que donc personne, de quelque rang ou condition qu’il soit, n’ose publier dans le futur les œuvres condamnées et proscrites citées ci-dessus ou lire ou conserver celles éditées, sous les peines indiquées dans l’Index des livres interdits.

Ceci ayant été relaté par moi, secrétaire, à Sa Sainteté le Pape Benoît XV, sa Sainteté a approuvé ce décret et a ordonné qu’il soit promulgué. En foi de quoi, etc…

donné à Rome, le 6 juin 1916.

Fr. Card. Della Volpe, Préfet.
L. † S.
Thomas Esser, O. P., Secrétaire.

 


Le pape Benoît XV

Page de l’Index avec la mise l’index du livre de Mariavé

 

[DOCUMENT n° 5 bis]

 

Suprême Congrégation du Saint-Office.

Rome, 21 août 1916.

 Illustrissime et Révérendissime seigneur,

Dans la réunion tenue le Mercredi, 16 du mois courant, au sujet du recours du marquis de la Vauzelle contre le décret de Votre Grandeur, du 13 janvier 1916, en exécution du décret porté par cette Suprême Congrégation du Saint-Office, le 21 décembre 1915, touchant ce qui est appelé vulgairement « le Secret de la Salette », après avoir pris en considération les choses que Votre Grandeur Elle-même nous soumet, les Révérendissimes et Éminentissimes Cardinaux Inquisiteurs généraux ont décidé de ne pas soutenir le recours du postulant ; en conséquence il doit obéir aux ordres de l’Évêque, et l’Évêque en référera en temps opportun.

Je profite de cette occasion pour souhaiter à Votre Grandeur toutes sortes de prospérités et de succès.

Pour l’Éminentissime et Révérendissime
Mgr le Cardinal membre du Conseil privé,
Fr. Dom. M. Pasqualiqo O.P.
Comm. Gliss. S.O.

Source : “Le SECRET DE LA SALETTE devant l’Episcopat français”
par le Marquis de la Vauzelle

 


 

[DOCUMENT n° 6]

 

Ex Acta Apostolicæ Sedis – Annus XV – Vol. XV – p. 287.

 ACTA SS. CONGREGATIONUM
SUPREMA SACRA CONGREGATIO S. OFFICII

II
damnatur opusculum:
“l’apparition de la tres sainte vierge de la salette”

DECRETUM

Feria IV, die 9 maii 1923

In generali consessu Supremæ Sacræ Congregationis S. Officii Eminentissimi ac Reverendissimi Domini Cardinales fidei et moribus tutandis præpositi proscripserunt atque damnaverunt opusculum: L’apparition de la très Sainte Vierge sur la sainte montagne de la Salette le samedi 19 septembre 1845. – Simple réimpression du texte intégral publié par Mélanie, etc. Société Saint-Augustin, Paris-Rome-Bruges, 1922 ; mandantes ad quos spectat ut exemplaria damnati opuscoli e manibus fidelium retrahere curent.

Et eadem feria ac die Sanctissimus D. N. D. Pius divina providentia Papa XI, in solita audientia R. P. D. Assessori S. Officii impertita, relatam sibi Eminentissimorum Patrum resolutionem approbavit.

Datum Romæ, ex ædibus S. Officii, die 10 maii 1923.

Aloisius Castellano,
Supremæ S. C. S. Officii Notarius.

 Traduction tirée de la Documentation Catholique – n° 216 27 octobre 1923, p. 690.

Condamnation de l’opuscule :
“l’apparition de la très sainte vierge de la salette”

DÉCRET

Mercredi 9 mai 1923

Dans l’assemblée générale de la Congrégation du Saint-Office, les Eminentissimes et Révérendissimes Cardinaux préposés à la garde de la foi et des mœurs ont proscrit et condamné l’opuscule L’apparition de la Très Sainte Vierge sur la sainte montagne de la Salette, le samedi 19 septembre 1845. – Simple réimpression du texte intégral publié par Mélanie, etc… Société St-Augustin, Paris-Rome-Bruges, 1922, enjoignant à qui de droit de faire retirer des mains des fidèles l’opuscule condamné.

Ce même jour, Sa Sainteté le Pape Pie XI, dans l’audience ordinaire accordée au Révérend Assesseur du Saint-Office, a approuvé la décision prise par les Eminentissimes Cardinaux.

Donné à Rome, au Palais du Saint-Office, le 10 mai 1923.

Louis Castellano,
Notaire du Saint-Office.

 


Le pape Pie XI

Page de l’Index avec la mise à l’index du livre « L’apparition de la Très Sainte Vierge sur la sainte montagne de la Salette, le samedi 19 septembre 1845 »

 

[DOCUMENT n° 7]

 

SUPREMA SACRA CONGREGAZIONE
DEL SANTO OFFIZIO
Prot. n° 1879 – 88 n° 13

Dal Palazzo del S. Offizio, 8 Gennaio 1957.

Reverendissimo Padre,

Con pregiato Foglio in data 14 dicembre 1956, la Paternità Vostra Reverendissima sottoponeva al S. Offizio il seguente quesito: “Se col Decreto del 9 maggio 1923 la Suprema Congre­gazione del S. Offizio intendeva condannare l’opuscolo L’ap­parition de la Très Sainte Vierge sur la sainte montagne de La Salette, le samedi 19 septembre 1845 (1) Société Saint Augustin, Paris – Rome – Bruges, 1922, di complesse pagine 40; oppure se riguarda solo quello messo in circolazione con l’aggiunta della lettera del Dr Mariavé (alias Dr Gremillon de Montpellier), cioè con 11 pagine in più.”

A tale proposito, la stessa P. V. riferiva che in alcuni ambienti si sosteneva che l’opuscolo, denunziato e condannato dal S. Offizio, non sarebbe stato esattamente quello edito dalla Société Saint-Augustin, ma solo quello, diffuso all’insaputa degli editori e dell’Autore, che riporta una lettera del Mariavé in data 2 febbraio 1923.

In merito, mi pregio communicarLe che questa Suprema ha esaminato e condannato, col citato decreto, l’opuscolo suddetto, edito e diffuso dalla Société Saint-Augustin, anche senza la lettera del Dr Mariavé.

Profitto della circonstanza per professarmi con sensi di distinta stima della Paternità Vostra Rev.ma devotissimo.

G. Card. Pizzardo,
Secr.
Al Rev.mo Padre
P. Francesco Molinari Procuratore Generale della Congregazione dei Missionari di N. S. de La Salette. Roma.

(1) Lire : 1846.

Traduction :

SUPRÊME SACRÉE CONGRÉGATION
DU SAINT-OFFICE

 Du Palais du Saint-Office, le 8 janvier 1957.

Très Révérend Père,

Par votre supplique en date du 14 décembre 1956, votre Paternité Révérendissime soumettait au Saint-Office la question suivante : “Si par le décret du 9 mai 1923, la Suprême Congré­gation du Saint-Office entendait condamner l’opuscule L’apparition de la Très Sainte Vierge sur la sainte montagne de La Salette, le samedi 19 septembre 1845…” (sic pour 1846), Société Saint-Augustin, Paris – Rome – Bruges, 1922, de 40 pages ; ou bien si [le décret] concerne seulement l’opuscule mis en circulation avec l’adjonction de la lettre du Dr Mariavé (alias Dr Grémillon de Montpellier), c’est-à-dire avec 11 pages en plus.

A ce sujet, votre Paternité faisait remarquer que, dans certains milieux, on soutenait que l’opuscule, dénoncé et condamné par le Saint-Office, n’aurait pas précisément été celui qui fut édité par la Société Saint-Augustin, mais le seul qui, diffusé à l’insu des éditeurs et de l’Auteur, contenait une lettre de Mariavé, datée du 2 février 1923.

En conséquence, je me fais un devoir de vous faire connaître que cette Suprême Congrégation a examiné et condamné par le décret cité, l’opuscule susdit, édité et diffusé par la Société Saint-Augustin, même sans la lettre du Dr Mariavé.

Je profite de cette circonstance… etc.

G. Card. Pizzardo,
secrétaire.
Au T. Rd Père Francesco Molinari, Procurateur Général de la Congrégation des Missionnaires de N. D. de La Salette.
Rome.

 



 

QUELQUES REMARQUES ­HISTORIQUES SUR LES DOCUMENTS PUBLIÉS

 

[DOCUMENT n° 1]

La publication du “Secret” en 1879, avec l’imprimatur de Mgr Zola, Evêque de Lecce, provoqua la réaction de plusieurs Evêques.

Il semble que la dénonciation de l’opuscule au Saint-Siège soit venue de deux côtés différents. Il y eut, d’une part, une lettre de dénonciation de l’Evêque de Troyes, Mgr Cortet, datée du 15 février et envoyée le 16 février 1880 à la nonciature de Paris ; la dénonciation fut transmise à la Sacrée Congrégation de l’Index par une lettre datée du 28 février. Le 13 juin 1880, le Père A. Eschbach, rapporteur de l’Index, formulait son “Votum” sur la question, jugeant qu’elle devait être traitée par le Saint-Office (« je ne crois pas qu’il appartient à notre S. Congrégation de l’Index de juger et de résoudre de telles questions, mais au contraire à celle du Saint-Office. C’est pourquoi, afin de répondre à la question qui m’a été faite comme Relateur de l’Index de sa Révérendissime Paternité, le Révérend Père Saccheri, Sécrétaire de la Congrégation, je dirais que, selon mon humble jugement et restant sauf tout autre jugement plus autorisé, ledit opuscule déféré à l’Index par S. E. Mgr le Nonce de Paris, doit être transmis avec les pièces jointes à la Sacrée Congrégation du Saint-Office » Corteville, pp. 253-254). D’autre part le Saint-Office s’était déjà intéressé à la question, comme le rappelle dans son rapport le Consulteur du Saint-Office, le Père Bernard Smith O.S.B. : « Par ordre du Saint-Père, l’éminentissime Cardinal Bartolini a remis de sa propre main et dénoncé à la Suprême Congrégation du 19 février courant, l’opuscule en français de Mélanie, imprimé à Lecce avec l’approbation de cette Curie sur la fin de l’année 1879 » (Corteville, p. 262). C’est probablement le Patriarche de Venise qui avait occasionné cette intervention du Saint-Office : comme on voulait en effet publier une édition du “Secret” dans son diocèse, il avait écrit à ce sujet le 19 janvier. Dès le 19 février 1880, le Saint-Office s’occupait par conséquent de la question.

Document A). A la réunion du Saint-Office du 19 février 1880, il fut décidé que le Commissaire du Saint-Office présenterait une relation sur la question à la réunion suivante, le 26 février. C’est sur la base de cette relation que fut rédigé le document que nous rapportons dans la traduction de Corteville. Le “prêtre français” auquel il est fait allusion était l’abbé Crévoulin, de l’Eglise du Saint-Sauveur à Rome. Aussi, le 28 février, appliquant le décret du Saint-Office, le secrétaire de la Sainte Inquisition, le cardinal Prospero Caterini, écrivait-il une lettre au Cardinal Caverot, Evêque de Lyon, du diocèse duquel était diffusé l’opuscule de Mélanie, et à Mgr Zola, Evêque de Lecce dans le diocèse duquel il avait été imprimé (les deux lettres ont été perdues). Le Cardinal Caverot répondait le 7 mars (texte de la lettre publié par Corteville, p. 259) disant que lui-même s’apprêtait à dénoncer l’opuscule au Saint-Office lorsque lui était parvenue la lettre du Cardinal Caterini. Quant à Mgr Zola, il répondait le 6 mars (texte in Corteville, pp. 255-258) expliquant que le “Secret” avait déjà été imprimé à Grenoble (de 1871 à 1874) par C.R. Girard, et à Naples en 1873 par l’abbé Félicien Bliard, avec l’approbation du Cardinal Sisto Riario Sforza. Mélanie – écrivait Mgr Zola le 6 mars – « déposa dans mes mains, dès 1869, le manuscrit original des révélations de La Salette. Interrogée bien des fois par moi-même, et mise à l’épreuve, elle me déclara constamment et identiquement en des temps divers, et dans tous les cas, qu’elle n’avait fait que reproduire sincèrement et fidèlement dans son écrit, les paroles mêmes prononcées par la Très Sainte Vierge à La Salette, selon qu’elle l’avait écrit aussi à Pie IX en 1851 » (“più volte da me interrogata e messa alla prova, mi dichiarò costantemente e identicamente in diversi tempi, ed in ogni caso, ch’essa nel suo scritto non aveva fatto altro che riprodurre schiettamente e fedelmente le parole medesime pronunziate dalla Ssma Vergine sulla Salette; secondo che le aveva scritte ancora a Pio IX nel 1851” cf. Stern, vol. 3, p. 124, note 54. Voilà par contre ce que le même Mgr Zola écrivait le 8 novembre à Girard : “dans le secret écrit au Pape il y a des choses qui ne sont pas dans celui [un mot illisible] à Monseigneur Bliard, et même dans ceci il y a des autres non pas confiés au Pape” cf. Stern, ibidem, p. 119, note 38 ; pour la confrontation entre le texte de 1851 et celui de 1879, voir les textes). L’Evêque de Lecce concluait cependant ainsi (dans sa lettre du 6 mars) : « Je note enfin pour Votre Eminence, qu’au reçu des ordres de cette Suprême Congrégation, j’ai déjà retiré auprès de moi, le peu de copies de l’opuscule qui se trouvait chez l’éditeur de Lecce. J’ai en outre écrit à Mélanie, à qui fut expédiée l’entière édition par l’éditeur lui-même, de me renvoyer toutes les copies qui se trouveraient auprès d’elle, et qu’elle pourrait retirer de France. Voilà tout ce que j’avais à Vous dire, en exécution des ordres communiqués par Votre Eminence, en déclarant de nouveau être prêt à accueillir avec la soumission requise tout ce que le Saint-Siège croira disposer et juger à ce sujet. » (Voir Corteville, p. 258 ; texte original italien in Galli, p. 220).

Document B). De Castellamare, Mélanie partit pour Rome le 24 novembre 1878 (afin de soumettre à la Sacrée Congrégation des Evêques et des Réguliers la Règle religieuse de l’“Ordre de la Mère de Dieu”), et elle y resta jusqu’au 5 mai de l’année suivante (Cf. Abbé Gouin, Sœur Marie de la Croix, Bergère de la Salette, née Mélanie Calvat, Tertiaire de Saint Dominique, Victime de Jésus, Téqui, 1969, pp. 118-129). Le 3 décembre (?) 1878, Mélanie fut reçue en audience privée par le Pape Léon XIII. En cette occasion, il consulta à propos du Secret les cardinaux Guidi, Ledochowski et Consolini, et ce dernier en fit transmettre le texte au Pape. Quelques mois plus tard, le Secret était imprimé à Lecce. C’est pourquoi le Saint-Office demande à confronter le texte du Secret donné au cardinal Consolini avec le texte imprimé à Lecce.

Document C). Ce document est la réponse du Saint-Office à la lettre (du 30 mai 1880) au Cardinal Caterini de Mgr Vincenzo Maria Sarnelli, Evêque de Castellamare, diocèse où résidait Mélanie (texte in Corteville, p. 260). L’Evêque se plaignait de ce que Mélanie ait été dirigée à son insu par Mgr Zola, et il demandait si “le Saint-Siège permettait la diffusion du livre” et s’il autorisait que Mélanie quitte le diocèse.

Document D). Cette lettre du Cardinal Caterini à Mgr Zola (il s’agit de la seconde qu’il lui écrivit, la première a été perdue) est la conséquence du décret du Saint-Office reproduit dans le document précédent. Mgr Zola répondit le 26 juin (texte in Corteville, pp. 261-262) affirmant que depuis sept ans désormais, c’est-à-dire depuis qu’il avait été élevé à l’épiscopat, il ne dirigeait plus Mélanie.

Document E). Le Saint-Office avait décidé le 2 juin (document C) de faire examiner l’opuscule de Mélanie. C’est le Père bénédictin Bernard Smith, consulteur du Saint-Office, qui en fut chargé et, le 5 juillet 1880, il présentait son rapport imprimé (texte in Corteville, pp. 262-268) auquel répondit un autre consulteur, le Père Alessandro Del Magno, doyen de la Rote, dans un texte manuscrit du 26 juillet (texte in Corteville, pp. 269-271). Le même jour les Consulteurs parvenaient à la conclusion rapportée dans ce document, tandis que le 3 août les Pères Inquisiteurs se limitaient (comme il est rapporté dans le document reporté ici) à imposer le silence à Mélanie ainsi qu’à faire retirer l’opuscule du commerce. Le Supérieur des Missionnaires de La Salette, cité dans le décret, était le Père Archier représenté par Mgr Bernard, missionnaire de La Salette et préfet apostolique de Norvège.

Document F). En application du décret précédent (décret du 3 août document E) le Cardinal Caterini écrivait le 8 août au Père Archier, Supérieur des Missionnaires de La Salette (la lettre se trouve dans les Archives de la maison généralice des Missionnaires à Rome), et à Mgr Sarnelli, Evêque de Castellamare (“interdisez-lui et d’écrire désormais de semblables choses et de donner des explications sur les choses déjà écrites” cité par Stern, note 43 ; un exemplaire de la lettre communiquée à Mélanie est conservé dans les Archives de la postulation des Rogationistes à Rome), et le 14 août, à l’Evêque de Tarantaise (qui avait écrit au Saint-Office) et à Mgr Cortet, Evêque de Troyes, qui avait dénoncé l’opuscule de Mélanie au Nonce de Paris.

A l’encontre de ces lettres du Cardinal Caterini, l’avocat Maître Amédée Nicolas prit publiquement la défense du “secret”, provoquant la publication de la lettre à l’Evêque de Troyes dans la Semaine religieuse de Nîmes, suivie de nombreuses “mises en garde” de la part des Evêques français (cf. Stern, vol. 3, pp. 120-122 ; la lettre du Cardinal Caterini à l’Evêque de Troyes fut publiée par une douzaine environ de bulletins diocésains : cf. Corteville, p. 274). Jusqu’à la publication, en l’an 2000, par l’abbé Corteville des documents inédits du Saint-Office reproduits ici, la lettre du Cardinal Caterini (document F) était pratiquement l’unique texte du dossier relatif à l’année 1880 connu par le grand public.

Il a été dit à propos de la lettre du Cardinal Caterini que cette lettre était une initiative privée du Cardinal faite à l’insu de la Congrégation : “de toute évidence – écrit encore en 2001 Mgr Galli – l’interdiction imposée auprélat [Mgr Zola] n’était pas le fruit d’une décision prise collégialement ‘par les Eminents Inquisiteurs Généraux’ en plein accord avec le Saint-Siège… La Congrégation n’avait pas été convoquée, ni le Saint-Siège informé” (p. 222). Les documents publiés démontrent le contraire. “Selon Nicolas (Nouvelle défense… Nîmes, 1884, p. 63), les points de suspension qui, dans cette publication du document [faite par la Semaine Religieuse de Nîmes le 4 septembre 1880] figurent à la fin du texte, remplaceraient des paroles qui devaient être celles-ci : ‘Quand [sic] aux ecclésiastiques, il faut maintenir en leurs mains le secret afin qu’ils en profitent’. Le fac-similé de la lettre paru dans les Annales [de La Salette] mai 1913, pp. 363-364, permet de voir que les points remplacent en réalité la formule de politesse” (Stern, vol. 3, p. 122, note 46). L’abbé Corteville (favorable aux “Secrets”), qui reproduit lui aussi le texte original, confirme ce fait démolissant ainsi la légende diffusée par Maître Nicolas.

Document G). Mgr Fava, Evêque de Grenoble, ne jugea pas opportun de publier la lettre du Cardinal Caterini dans la revue Annales de Notre-Dame de la Salette (document du 20 août 1880 ; cité par Corteville, p. 274). Le Saint-Office (document G) préférait en effet que la question demeure subsecreto. Mais, le 24 août, l’Evêque de Grenoble écrivait au Père Archier, supérieur des Missionnaires de La Salette, afin que l’opuscule ne soit pas diffusé, mais au contraire retiré des mains du peuple, exactement comme l’avait ordonné le Saint-Office (cf. Stern, vol. 3, p. 122).

Document H). Le 15 février 1881, Mgr Cortet, Evêque de Troyes, se présentait à Léon XIII qui l’invita à s’adresser au Commissaire du Saint-Office. Dans son rapport du lendemain (texte in Corteville, pp. 227-228), le Commissaire rapportait que Mgr Cortet avait dénoncé trois nouveaux opuscules : “Le premier opuscule est de l’avocat Amédée Nicolas, imprimé à Nîmes [La nouvelle guerre faite au Miracle de la Salette faite sous le couvert du Secret de Mélanie, Nîmes, Péladan, 1880], où il est dit que l’on reporte deux lettres de Mgr S. L. Zola Evêque de Lecce. Le deuxième est de M. Adrien Péladan et a pour devise ‘Dernier mot des prohéties, ou l’avenir dévoilé’. Le troisième opuscule est intitulé ‘Lettres de Mgr Sauveur-Louis Zola Evêque de Lecce à un curé d’un diocèse de France [l’abbé Roubaud, curé de Saint-Tropez] sur le Secret de Mélanie’, dans lequel sont aussi reportées quelques lettres écrites par d’autres et par Mélanie elle-même”. Le Commissaire rappelait les interdictions du Saint-Office (interdiction à Mgr Zola d’avoir des relations avec Mélanie, 2 juin 1880 ; interdiction à Mélanie de commenter ou d’expliquer le Secret – lettre de l’Evêque de Castellamare du 3 août 1880 ; obligation de garder le silence pour l’abbé Rigaud rédacteur des Annales des Croisés de Marie, communiqué en septembre aux Evêques de Limoges et de Carcassonne). Le Commissaire en concluait “il est donc évident que tant Mgr l’Evêque de Lecce que Mélanie n’ont pas observé les prescriptions reçues spécialement de ce dicastère” (texte in Corteville, pp. 277-278). La décision du Saint-Office, du même jour 16 février 1881 (document H), est la conséquence de ce rapport. Le Cardinal Caterini écrivit donc à nouveau à Mgr Zola le 23 février 1881, et celui-ci lui répondit le 4 mars en faisant remarquer que les lettres en question avaient toutes été écrites avant la réception de l’injonction de ne plus écrire à ce sujet : “Je ne pouvais donc pas désobéir à un ordre avant qu’il me fût donné”. L’observation de Mgr Zola était formellement vraie (bien que peu conforme au décret du 26 février 1880), ce pour quoi “la Congrégation Première a fait presque ses excuses à Mgr Zola” (lettre de Mgr Sarnelli, Evêque de Castellamare, du 26 juillet 1882, au Cardinal Ferrieri, in Corteville, p. 283). Le même Mgr Sarnelli avait communiqué à Mélanie la menace de privation des sacrements, comme il le rapporte dans une lettre au Cardinal Caterini, du 28 février 1881 (in Corteville, p. 282). Mgr Zola se tint à l’interdiction du Saint-Office de ne plus écrire sur la question de 1880 à 1895.

Note sur le “style de la Curie” et la traduction de l’abbé Corteville. De nombreux lecteurs seront perplexes devant les textes du Saint-Office que nous avons publiés, d’abord parce qu’il s’agit d’une traduction en français du texte original latin (ou italien), et ensuite parce qu’y est utilisée une terminologie technique (le “style de la Curie”), et inhabituelle pour les “non initiés”. Pour le traducteur, il en résulte aussi des difficultés. Prenons par exemple le terme latin “mens”, utilisé de deux manières : “ad mentem” et “mens est”. Pour ce qui est de la première expression (ad mentem), Corteville la laisse souvent en latin (“ad mentem”) ; une autre fois il la traduit par “pour se prononcer”. Quant à la clause “mens est”, il la traduit de façon différente : “il est de leur pensée” (document B), “l’opinion est” (documents C, D, E – deux fois -), “l’esprit [du Saint-Office] est” (document H). L’Enciclopedia Cattolica (Città del Vaticano 1949, vol. I, colonnes 309-310) écrit à ce sujet : “Ad mentem (iuxta mentem, iuxta modum). C’est une des formules très en usage dans les réponses habituellement données par les dicastères de la Curie romaine, spécialement par les Sacrées Congrégations, et elle a pour effet d’ajouter au rescrit quelques conditions ou modalités qui en délimitent, définissent ou même modifient la signification trop absolue ou générique, ou de prescrire des conditions ou des modalités pour l’exécution. Une interprétation de ce genre, qui se déclare en général par les paroles ‘Mens est…’ n’est pas toujours rendue de raison publique [comme dans le cas des décrets sur le ‘Secret’ de La Salette], elle est communiquée seulement aux personnes intéressées dans la question proposée”. Et Naz, plus succinctement : “ad mentem : clausule par laquelle se trouve tempérée la décision sur le fond. La Congrégation compétente fait parfois connaître les raisons qui ont inspiré sa sentence” (Dictionnaire de Droit canonique, Paris 1942, T. 3, Clausules apostoliques. Clausules usitées dans leurs réponses par les Congrégations Romaines, col. 821).

 


 

[DOCUMENT n° 2]

L’abbé Emile Combe, curé de Diou dans l’Allier (mort en 1927), hébergea Mélanie de mai 1899 à juin 1904 (Mélanie devait mourir à Altamura le 14 décembre 1904). C’est l’abbé Combe qui avait passé le manuscrit de l’autobiographie de Mélanie à Léon Bloy qui la publia sous le titre : Vie de Mélanie bergère de La Salette. Ecrite par elle-même en 1900. Son enfance (1831-1846) (Stern, p. 222, note 3). Le premier des livres condamnés, ‘Le grand coup avec sa date probable…’, mis à l’Index en 1901, avait été imprimé à Vichy en 1894, et donnait comme date probable du grand coup les 19-20 septembre 1896 ; une troisième édition en fut publiée en 1896, toujours à Vichy. Le second, ‘Le Secret de Mélanie…’, édité à Rome en 1906, fut mis à l’Index en 1907, sous le Pontificat de saint Pie X. Dans ce second livre sont rapportées des paroles attribuées à Mélanie et qui constitueraient une partie encore inédite du Secret (Corteville l’appelle “second secret” p. 307). Selon ce témoignage, la Sainte Vierge aurait, entre autres, révélé à Mélanie, en 1846, à La Salette, que les âmes des Limbes seront mises à l’état d’innocence et pourront vivre en cet état sur la terre (cf. Corteville, pp. 308-309 ; “doctrine de la Rénovation”). Les livres de l’abbé Combe, et leur auteur, jouissaient de la plus grande estime dans les milieux des défenseurs de Mélanie : voici – par exemple – ce qu’écrivait l’Evêque de Lecce, Mgr Zola, au Père Jean Kunzlé, le 5 mars 1896 : “si vous désirez à ce propos des éclaircissements plus précis, vous pouvez vous procurer un opuscule intéressant : ‘Le grand coup et sa date probable’ publié récemment par le curé de Diou (Allier), l’abbé Combe. A la fin de cet opuscule vous trouverez divers extraits de certaines de mes lettres envoyées à un curé français en 1880. Elles ont été fidèlement reproduites et pour ce qui regarde La Salette, elles sont exactes”. Et Mgr Zola toujours, dans une lettre à l’abbé Combe, le 10 février 1896, disait : “J’ai lu et soupesé chaque ligne de votre opusculeLe grand coup et sa date probable’ et je puis vous assurer que tout ce que vous avez écrit sur le Secret de La Salette est parfaitement exact. Je m’associe bien volontiers et sans réserve aux éloges que vous avez reçus” (Galli, p. 230, F. Corteville, p. 282). Mais, c’est précisément ce livre recommandé par Mgr Zola qui fut mis à l’Index en 1901.

 


 

[DOCUMENT n° 3]

L’abbé Rigaud (mort en 1915 alors qu’il était encore sous le coup de la censure) était l’un des plus fervents partisans et diffuseurs du “Secret de La Salette”, pour la défense duquel il avait fondé la revue condamnée ensuite par le Saint-Siège. Nous avons déjà vu (commentaire du document 1H) qu’en septembre 1880 déjà, le Saint-Office était intervenu contre l’abbé Rigaud. Vainement puisque l’Eglise, et même saint Pie X en personne, durent intervenir à nouveau en 1911. Comme on peut voir d’après les documents cités, le Cardinal Merry del Val, secrétaire d’Etat de saint Pie X, était loin d’être favorable au “Secret de La Salette”, au point que Max Le Hidec a pu le qualifier ainsi : “l’un des plus influents et des plus acharnés parmi les ennemis du Secret” (Max Le Hidec, Les Secrets de La Salette, p. 118). L’attitude de l’abbé Rigaud est significative : d’abord il met en doute l’authenticité de la note parue dans L’Osservatore Romano ; puis, démenti par le Cardinal Merry del Val, il prétend que seul le Pape peut le juger ; et même lorsque le Pape intervient il affirmera que la lettre de saint Pie X a été contrefaite par le Cardinal Secrétaire d’Etat… Comme nous le verrons, après la mise à l’Index de 1923, les partisans du “Secret” utiliseront le même procédé.

 


 

[DOCUMENT n° 4]

“Ce décret eut pour origine l’intervention de plusieurs Evêques français, en particulier le Cardinal de Cabrières, évêque de Montpellier, dont l’attention avait été attirée sur le ‘secret’ par les publications du Dr H. Grémillon, un médecin militaire qui écrivait sous le pseudonyme de Dr Mariavé. Le cardinal demanda que le Saint-Office examine non seulement les ouvrages du docteur mais aussi le ‘secret’ de Mélanie (cf. ASV, Secrétairerie d’Etat, rubr. 82, 1915 ; lettres du cardinal de Cabrières et de Mgr Latty, archevêque d’Avignon, 1915, éditées dans L’Impartial, premier trimestre 1988, pp. 11-12)” (Stern, p. 122, note 48). Il convient de souligner que le Cardinal de Rovérié de Cabrières (1830-1921) n’était pas du tout sympathisant du modernisme et du libéralisme : en religion il était intégriste, en politique, monarchiste (Cf. Marcel Bruyère, Le Cardinal de Cabrières, Ed. du Cèdre, Paris 1956 ; Emile Poulat, Intégrisme et catholicisme intégral, Casterman, 1969, p. 329 ; pour l’attitude des catholiques intégraux à propos du ‘secret’, cf. Poulat, op. cit., p. 298). On ne peut pas en dire autant du bon Père Lepidi, protecteur jusqu’au bout du chef de file du modernisme italien, Ernest Buonaiuti (cf. Andreotti, I quattro del Gesù. Storia di un’eresia, Rizzoli, 1999, pp. 22, 25, 28, 29).

A bien y regarder, le décret de 1915 ne fait qu’appliquer à nouveau les décisions du Saint-Office de 1880 présentées dans le document n° 1, en précisant les peines canoniques pour les transgresseurs du décret et en insérant ces décisions dans les Acta Apostolicæ Sedis.

La lettre du Cardinal Merry del Val, de 1916, interprète authentiquement les dernières lignes du décret : le fait de l’Apparition de la Sainte Vierge à La Salette n’a pas été reconnu formellement par Rome, mais par l’Evêque de Grenoble (dont c’est d’ailleurs la compétence).

Le décret de 1915 eut pour effet, entre autres, d’empêcher la publication d’une étude que Jacques Maritain – converti par Léon Bloy – préparait en défense du ‘Secret’ : “dans les conditions présentes, en ce qui me concerne, je renonce évidemment et sans amertume à l’espoir de publier mon travail” (lettre à l’abbé Mollière du 17 janvier 1916, in Corteville, p. 298), mais des écrits anonymes continueront à circuler même après le décret, et en violation de ce décret (celui par exemple de ce même abbé Mollière, cité par Maritain dans une lettre qu’il lui écrivit le 12 mars 1916 ; voir Corteville, p. 300).

 


 

[DOCUMENT n° 5]

Il s’agit de la mise à l’Index d’une œuvre du docteur Grémillon sur le ‘Secret de La Salette’ qu’il fit publier sous le pseudonyme de Mariavé. Le premier tome fut publié en 1915, avant, je pense, le décret dont il est question au document 4 ; le second, en 1916, c’est-à-dire après le décret. Les deux tomes furent condamnés en 1916.

 


 

[DOCUMENT n° 5 bis]

Il s’agit d’une réponse du Saint Office envoyée à Mgr. Félix Guillibert, Evêque du diocèse de Fréjus, dont le Marquis de la Vauzelle dépendait. L’Evêque, par l’intermédiaire d’une « communication de l’Eveché » du 13 janvier 1916, en application du décret du 21 décembre 1915 (document n°4), avait commandé aux curés de refuser la communion à quiconque ne se fut pas soumis au décret. Le Marquis de la Vauzelle avait introduit un recours le 27 mars 1916 par une lettre adressée au Pape Benoît XV. Le Saint Office rejeta, précisément, ce recours. Henri Prévost de Sauzac de Puybottier, Marquis de la Vauzelle, était un défenseur convaincu du « Secret de la Salette » et, parallèlement, de la cause de Karl-Wilhelm Naundorff (+1845) qui affirmait être le Dauphin Louis-Charles de Bourbon (Louis XVII) évadé du Temple. A cause de leurs doctrines hétérodoxes, Naundorff et Vintras (1807-1875) furent condamnés par un Bref de Grégoire XVI du 8 novembre 1843 adressé à l’Evêque de Bayeux. Sur la question, voir l’article, disponible sur internet, d’Emile Appolis : En marge du catholicisme contemporain : Millénaristes cordiphores et naundorffistes autour du “secret” de La Salette, in Archives de sociologie des religions, n. 14, 1962, pp. 103-121.

 


 

[DOCUMENT n° 6]

Certains auteurs ont avancé l’hypothèse que la mise à l’Index de 1923 ainsi que le décret de 1915 aient été une supercherie du notaire Castellano. Le dernier en date à émettre cette hypothèse fut M. l’abbé Grossin auquel je répondais dans le n° 52 de Sodalitium : « L’abbé Grossin, évidemment peu convaincu du fait que les décrets de 1915 et de 1923 ne sont pas contraires au “Secret” avance (…) l’hypothèse du complot : “[Le décret de 1915] devrait être signé par le Cardinal Secrétaire du Saint-Office et contre-signé par un évêque assesseur, ce qui n’est pas le cas, puisqu’il est signé d’un simple notaire : Luigi Castellano, sans aucun titre” ; [et encore] “le décret du 10 mai 1923, toujours signé par le notaire Castellano (est-ce vraiment un hasard ?) qui ‘proscrit et condamne l’opuscule’ de Montpellier [sic ! Le décret ne condamne pas l’opuscule de Montpellier – de Grémillon/Mariavé – mais celui approuvé par Lepidi et édité par la Société Saint-Augustin]. Encore une fois l’on constate les mêmes vices de forme du même auteur et personne ne proteste”. “Personne ne proteste” parce que les vices de forme existent uniquement dans la fantaisie de l’abbé Grossin… Il suffit de consulter les Acta Apostolicæ Sedis pour se rendre compte que tous les décrets du Saint-Office sont signés par le notaire de la Sacrée Congrégation, c’est-à-dire par Mgr Castellano pour la période qui nous intéresse ! Nous reproduisons à côté une photographie des Acta contenant le décret de 1923, un décret immédiatement précédent (émis avec les mêmes formalités) et le fameux décret d’excommunication des communistes de 1949, lui aussi signé par le même notaire. Si le décret sur le “Secret” a des vices de forme, alors celui de 1949 contient aussi les mêmes vices : peut-être s’agit-il d’un louche complot d’ecclésiastiques anti-communistes ? » (Sodalitium n° 52, pp. 70-71).

 

Original de deux décrets du Saint-Office, signés tous deux uniquement par le Notaire Castellano. Le second est le décret (de 1923) de condamnation de l’opuscule: « L’Apparition de la sainte Vierge de La Salette » de 1922


 

[DOCUMENT n° 7]

Le texte italien et la traduction française sont tirés de L. Bassette, Le fait de La Salette, nouvelle édition, Cerf, Paris 1965, pp. 440-441.

 



 

BIBLIOGRAPHIE

 

Michel Corteville, La “grande nouvelle” des bergers de La Salette, Diffusion Téqui, 2000.

(Partie de la thèse présentée par l’auteur à l’Université Pontificale de Saint-Thomas à Rome.)

Antonio Galli, “Apologia di Melania”, l’incompresa e combattuta pastorella de La Salette. Il Segno 2001.

Jean Stern, La Salette. Documents authentiques, 1er mai 1849 – 4 novembre 1854, vol. III, Ed. du Cerf, 1990.