Au sommaire :
- Éditorial – p. 2
- Stabat Mater. La présence de Marie au pied de la Croix de Jésus – p. 6
- CONTROVERSES
- Marxistes, Ésotéristes et Francs-maçons contre le “Nouvel Ordre Mondial” ? – p. 21
- Entretien de l’abbé Ricossa avec le père Noël Barbara – p. 29
- Voleurs de photographies – p. 57
- RECENSIONS
- La douloureuse blessure du Ralliement des catholiques à la République … – p. 59
- Le débat sur les vaccins – p. 67
- Communiqué de l’Institut M.B.C. au sujet du “Motu Proprio” Traditionis Custodes – p. 74
- Un souvenir de l’abbé Anthony Cekada – p. 76
- VIE DE L’INSTITUT – p. 78
Rappel : Les numéros de notre revue Sodalitium sont disponibles sur notre site, depuis le numéro 38.
Éditorial
Peu se souviennent (à l’exception de Marcello Veneziani) de l’éditeur Giovanni Volpe (1906-1984), fils du célèbre historien Gioachino. Pourtant, bien que n’appartenant pas à strictement parler à l’école contre-révolutionnaire (il était d’une autre génération, encore liée au Risorgimento) il fit beaucoup – à ses dépens – pour la formation intellectuelle et humaine de la jeunesse catholique traditionnelle en Italie (je rappelle les congrès d’histoire à San Miniato al Tedesco). À l’occasion de la révolution moderniste de Vatican II, les éditions Volpe imprimèrent de très nombreux livres pour la défense de la Tradition Catholique et parmi eux, je me souviens d’un, à cause de son titre : “La Chiesa di Giuda?” [L’Église de Judas ?]. L’auteur en était un autre historien, et expert en franc-maçonnerie, qui fut aux côtés de Mgr Lefebvre à la naissance de son œuvre : Bernard Faÿ (1893-1978). L’ouvrage, publié en français en 1970, fut très vite traduit en italien, et en référence à Vatican II, il portait comme sous-titre les paroles de l’Évangile selon saint Matthieu XXVI, 16 : … Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer. L’auteur, humblement, précisait dans un avertissement que son ouvrage était une étude historique et non théologique, laissant les questions doctrinales aux “théologiens compétents” ; et en effet, d’un point de vue strictement théologique il n’existe pas une “Église de Judas”. Mais il existe des Judas encore cachés dans l’Église du Christ, tel Judas, devenu désormais traître et qui, jusqu’au Jardin des Oliviers, resta caché dans le collège apostolique : ce n’est pas par hasard que le Seigneur a permis que parmi les siens il y eut un traître, afin que nous ne nous scandalisions pas de tous les traîtres qui se sont succédé dans l’histoire de l’Église, qui eut tant à souffrir – et souffre encore – non seulement des ennemis extérieurs et déclarés mais aussi, et je dirais surtout, des ennemis intérieurs et cachés. Saint Pie X nous rappelle : “que les artisans d’erreurs, il n’y a pas à les chercher aujourd’hui parmi les ennemis déclarés. Ils se cachent et c’est un sujet d’appréhension et d’angoisse très vives, dans le sein même et au cœur de l’Église, ennemis d’autant plus redoutables qu’ils le sont moins ouvertement. Nous parlons, Vénérables Frères, d’un grand nombre de catholiques laïques, et, ce qui est encore plus à déplorer, de prêtres, qui, sous couleur d’amour de l’Église, absolument courts de philosophie et de théologie sérieuses, imprégnés au contraire jusqu’aux moelles d’un venin d’erreur puisé chez les adversaires de la foi catholique, se posent, au mépris de toute modestie, comme rénovateurs de l’Église ; qui, en phalanges serrées, donnent audacieusement l’assaut à tout ce qu’il y a de plus sacré dans l’œuvre de Jésus-Christ, sans respecter sa propre personne, qu’ils abaissent, par une témérité sacrilège, jusqu’à la simple et pure humanité. Ces hommes-là peuvent s’étonner que Nous les rangions parmi les ennemis de l’Église. Nul ne s’en étonnera avec quelque fondement qui, mettant leurs intentions à part, dont le jugement est réservé à Dieu, voudra bien examiner leurs doctrines, et, conséquemment à celles-ci, leur manière de parler et d’agir. Ennemis de l’Église, certes ils le sont, et à dire qu’elle n’en a pas de pires on ne s’écarte pas du vrai”. (Encyclique Pascendi). Non seulement ennemis de l’Église, donc, mais parmi ses pires, comme Judas précisément. Comme Judas, pour Mgr Benigni, le modernisme “est le traître de l’Église”. Déjà l’Apôtre saint Paul se déclarait “en danger parmi les faux frères” (les judaïsants : 2 Cor. 11, 26) et les modernistes sont les véritables descendants des faux frères d’alors.
Pas étonnante alors la sympathie que lesdits modernistes éprouvent pour le traître par excellence, c’est-à-dire Judas Iscariote, et dont ils en supposent (ou affirment) le salut. Il s’agit d’une aberration déjà ancienne (cf. par exemple Sodalitium (édition italienne) n° 41, p. 29 ; Sodalitium n° 49, pp. 42-49 Les fins dernières selon Jean-Paul II ; Sodalitium n° 59, pp. 42-44 ; ici, nous sommes sous Ratzinger !). Si déjà Wojtyla et Ratzinger justifient Judas, figurons-nous Bergoglio ! Et en effet, le Jeudi Saint 2021 (la nuit de la trahison !), le premier avril (ce n’est pas une plaisanterie, hélas) L’Osservatore Romano a dédié son numéro non au Sacerdoce ou à l’Eucharistie, mais au Traître. En première page est publié un tableau répugnant dans lequel est représenté un Jésus nu penché sur Judas, à moitié nu et mort suicidé (l’arbre est en arrière-plan), le tout intitulé : Jésus et le scandale de la miséricorde. Miséricorde envers qui ? Mais envers Judas, c’est évident ! (et derrière lui, a fortiori, ses émules et imitateurs d’hier et d’aujourd’hui). Le directeur de L’Osservatore, Alberto Monda, explique dans son éditorial qui est l’inspirateur sinon le donneur d’ordre de ce numéro du Jeudi Saint dédié à Judas : “le Pape François”, et il nous informe du fait que “derrière le bureau du Saint-Père” se trouvent deux images : la première est celle d’un chapiteau de la basilique Sainte-Marie-Madeleine à Vézelay, qui représenterait “Judas pendu” et Jésus Bon Pasteur “qui le porte sur ses épaules” ; l’autre est justement le tableau répugnant qu’un “fidèle français” lui a donné à la suite d’une allusion de Bergoglio au chapiteau susmentionné. Aux pages 2 et 3 sont publiés un passage du cardinal Martini tiré du livre Le tenebre e la Luce, un de l’écrivain Giuseppe Berto, L’uomo più solo, tiré du livre La gloria, un de Giovanni Papini, Mistero di un no, tiré de sa Storia di Cristo (avec Il Diavolo, livre mis à l’Index, Papini soutiendra aussi le futur pardon de Satan), et l’homélie de l’abbé Primo Mazzolari pour le Jeudi Saint de 1958 : Notre frère Judas, ou “la Trompette de l’Esprit Saint en terre de Mantoue” (Jean XXIII dixit) soutient que les premiers saints qui entrèrent au Paradis furent Judas et les deux larrons (oui : non pas un, mais deux). Étrangement, ne sont pas rapportées les paroles de Bergoglio, qui s’inspire de l’abbé Mazzolari. Nous, nous le faisons. Il les a prononcées le 16 juin 2016, dans la basilique Saint-Jean-de-Latran, à l’occasion de l’ouverture du congrès ecclésial du diocèse de Rome : “M’est parvenue entre les mains – vous la connaissez certainement – l’image de ce chapiteau de la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay, dans le sud de la France, où commence le Chemin de Saint-Jacques : d’un côté il y a Judas, pendu, la langue sortie, et de l’autre côté du chapiteau, il y a Jésus Bon Pasteur qui le porte sur ses épaules, qui le porte avec lui. C’est un mystère. Mais ces médiévaux, qui enseignaient la catéchèse avec les illustrations, avaient compris le mystère de Judas. Et l’abbé Primo Mazzolari a un beau discours, un Jeudi Saint, là-dessus, un beau discours. C’est un prêtre qui n’est pas de ce diocèse, mais d’Italie. Un prêtre d’Italie qui a bien compris cette complexité de la logique de l’Évangile. Et celui qui s’est sali le plus les mains c’est Jésus. Jésus s’est davantage sali. Il n’était pas un “propre”, mais il allait vers les gens, parmi les gens et prenait les gens comme ils étaient, non comme ils devaient être”. Et qui n’en croit pas ses yeux, en croira au moins ses oreilles : https://www.youtube.com/watch?v=Y2bs9c74SAc
Le chapiteau de Vézelay est si important pour Bergoglio que le 9 mars, le 2 août et le 2 octobre 2017, il est revenu sur le sujet. Mais le chapiteau de Vézelay (qui n’est pas dans le sud de la France) représente-t-il vraiment le Bon Pasteur prenant Judas sur ses épaules ? L’image de Judas pendu et celle du Bon Pasteur qui porte avec lui le pécheur ne représentent-elles pas plutôt les deux images opposées de celui qui refuse ou de celui qui accepte la miséricorde de Dieu ? Ou bien ne semble-t-il pas que le Bon Pasteur n’a rien à voir ? Il semble que celui qui a à voir est plutôt le premier qui a interprété en ce sens le chapiteau, c’est-à-dire le “théologien” réduit à l’état laïc Eugen Drewermann (cf. Il Timone, n° 162, aprile 2017) dans un livre que l’éditrice “catholique” Queriniana publia justement en 2015. En tout cas, un chapiteau vaut mieux que l’Évangile qui révèle la damnation du “fils de la perdition” pour lequel il eût mieux valu qu’il ne fût pas né.
Dans l’Antiquité, les Caïnites gnostiques vénérèrent Judas, les origénistes miséricordieux le voulurent sauvé ; aujourd’hui, les néo-modernistes le choisissent pour leur apôtre. Un article de 2018 (Giuda Apostolo e Diavolo. Bergoglio Papa e Diavolo ?) défend l’idée bizarre que oui, Bergoglio est comme Judas, un “diable” (Jn 6, 71-72). Mais Judas était en même temps Apôtre et diable : son siège n’était pas vacant ; on peut dire la même chose de Bergoglio. Le chroniqueur oublie qu’une chose est être Apôtre, autre chose est être Pape ; une chose est être Apôtre avant la fondation de l’Église, une autre est de l’être après ; une chose est être Apôtre au moment de l’appel, une autre est de l’être au moment de la trahison. En confondant tout, on confond aussi les idées. Judas était Apôtre quand il fut appelé : l’était-il encore, en ayant perdu la foi, au moment de sa trahison, sinon extérieurement ? Et s’il l’était – alors que l’Église n’était pas encore fondée – il n’était pas non plus destiné, comme Pierre, à être le Chef visible de l’Église. Et tout cela pour dire que le Vicaire du Christ est un Diable, sans s’apercevoir du fait que cette étrange fidélité à Bergoglio est offensante pour le Christ dont un ‘diable’ serait le Vicaire et le représentant non seulement extérieurement et humainement (materialiter) mais aussi réellement (formaliter).
Continuons plutôt à nous opposer au modernisme et aux modernistes, principaux ennemis de l’Église, cachés dans l’Église mais non représentants de l’Église. Laissons aux autoproclamés “modérés” défendre une Autorité à laquelle ils nient dans la pratique toute autorité.
Telle est la ligne de cette revue, ligne demeurée inchangée depuis 1986 à aujourd’hui.